Roumanie

Transylvanie méridionale

Saccagée pendant la Shoah, la synagogue est aujourd'hui en activité et accueille à ses côtés un mikveh et un restaurant cacher
Synagogue de Brasov. Photo de Emmanuel Dyan – Wikipedia

Qu’il s’agisse de Timisoara, capitale du Banat, de Sibiu ou de Sighisoara, de Brasov ou de Rasnov, cités médiévales encore récemment peuplées de Souabes et de Saxons, du côté transylvain des Carpates où le lynx et l’ours hantent encore les hautes vallées, souffle toujours l’esprit de la Cacanie austro-hongroise, entre les maisons trapues ou baroques aux couleurs éteintes, lilas, rose, jaune ou vert pâle.

Dans cette région, la plupart des juifs étaient germanophones et, contrairement à leurs coreligionnaires du Nord, pratiquaient un judaïsme réformé. La région resta roumaine pendant la Seconde Guerre mondiale et la population juive, quoique spoliée de ses biens et soumise à une impitoyable juridiction antisémite, survécut avant d’émigrer massivement vers Israël ou d’autres pays.

Les briques rouges de ce monument donnent à la synagogue un style lié à la Renaissance assez particulier, avec des fenêtres au style gothique
Synagogue de Sibiu. Photo de Cezar Suceveanu – Wikipedia

Curieuse destinée que celle d’une communauté hétérogène comptant 400000 juifs rescapés entre les frontières rétrécies de la Roumanie après le terrible été de l’année 1940 ! Comment expliquer cette grande proportion de survivants, la plus importante peut-être avec celle du Danemark et de Bulgarie ? Pourquoi leur exode en Israël, ou ailleurs, et comment a-t-il été possible sous les gouvernements communistes répressifs ?

Les juifs roumains racontent, avec leur humour coutumier, qu’ils doivent cette situation unique aux rabbins faiseurs de miracle…En effet, la foi inébranlable d’Alexandre Safra, Grand Rabbin de Roumanie entre 1939 et 1947, parvint à éviter la déportation à ses coreligionnaires.

Oeuvre majeure de l'architecte hongrois Baumhorn, ce monument est pourtant très dégradé aujourd'hui
Synagogue Fabric de Timisoara. Photo de Radufan – Wikipedia

Il sut convaincre les ambassadeurs des pays neutres, du Vatican, et certains membres de la classe politique dont la reine mère et le roi Michel, d’intervenir auprès du dictateur Antonescu, pour que ce dernier diffère indéfiniment la déportation de « ses » juifs. L’esprit manoeuvrier de son successeur, Moses Rosen, imposé par les communistes mais fin diplomate, ouvrit aux juifs roumains les portes de l’État d’Israël. Il parvint à convaincre un autre tyran, en l’occurence Ceausescu, de laisser émigrer les juifs roumains, brimés en raison de leur appartenance à la classe moyenne ou accusés de « cosmopolitisme ». Dès le début des années 1960, en échange de considérables contreparties financières, les juifs purent quitter la Roumanie pour Israël.

Rappelons que, jadis, dans la région reculée du Maramuresh, à l’extrême nord de la Roumanie, les juifs orthodoxes pratiquaient l’agriculture à l’instar de leurs voisins roumains ou hongrois. Ils ont disparu. Peu à peu, leur souvenir s’efface, tout comme celui des derniers Habsbourg, leurs protecteurs et amis.