Journées européennes de la culture juive / 2023

Alsace

Terre ancestrale du judaïsme français, l’Alsace effectue un grand effort pour partager le patrimoine culturel juif si ancré dans l’histoire régionale. Rencontre avec Marc Friedmann, Vice-président des Journées Européennes de la Culture et du Patrimoine Juifs – Alsace afin de découvrir les événements qui vous attendent à la rentrée dans les nombreuses villes alsaciennes.

Musée judéo-alsacien Bouxwiller. Photo de Carole Wenner.

Jguideeurope : Quelles villes alsaciennes participent aux JECJ ?

Marc Friedmann : L’Alsace se distingue des autres régions par un fonctionnement très décentralisé qui s’appuie sur un réseau de plusieurs dizaines de correspondants et organisateurs répartis sur l’ensemble du territoire. Ceci n’est pas étonnant dès lors que l’on se rappelle que l’idée de Journées consacrées à la culture et au patrimoine juifs est précisément née en Alsace il y a 25 ans. L’idée était alors de sensibiliser le public et les municipalités à la sauvegarde d’un patrimoine matériel juif essentiellement rural menacé de démolition, de ruine ou de réaffectation incompatible avec la digne préservation d’une mémoire juive. Ce réseau a perduré, s’est développé tout en évoluant avec le devenir de ce patrimoine. Il en résulte que cette année, comme les précédentes, les Journées européennes de la culture juive se dérouleront dans plus de 30 communes alsaciennes différentes, allant de la plus grande ville, Strasbourg, jusqu’à des villages de moins de 1000 habitants tels Rosenwiller (qui compte un des plus anciens cimetières d’Alsace) ou Struth (qui abrite une belle synagogue de la première moitié du XIXe, très bien restaurée).

Comment le thème de la Mémoire est abordé pour la région de l’Alsace avec sa très ancienne histoire juive ? Des périodes sont-elles privilégiées ?

D’une certaine manière, les Journées européennes de la culture juive en Alsace ont toujours eu pour ambition, à travers l’ouverture au public des synagogues, des cimetières et des bains rituels, de faire mémoire des nombreuses communautés juives rurales qui pour la plupart ont disparu soit immédiatement après la Shoah, soit dans la seconde partie du XXe siècle du fait de l’exode rural. Ainsi le thème « Mémoire » se trouve-t-il abordé « naturellement » à travers le souvenir des anciens dans les villages qui se remémorent la présence juive et ont transmis à la génération qui les suit le désir d’effectuer un travail historique et généalogique autour du patrimoine juif, lequel fait partie intégrante du patrimoine de leur commune. Plusieurs sociétés d’histoire locale figurent parmi les organisateurs des évènements proposés en Alsace pour ces JECJ.

A Strasbourg, un engouement certain concerne la mémoire de la communauté juive médiévale et l’évocation du sort tragique de celle-ci lors de la Peste Noire (1349). L’Office du Tourisme, l’Université Populaire proposent des visites guidées à la découverte de cette communauté médiévale, lesquelles passent bien sûr par le bain rituel juif médiéval (datant de env. 1200) de la rue des Charpentiers découvert en 1985.

Cimetière de Rosenwiller. Photo de Thierry Koch.

Quel lieu peu connu du patrimoine culturel juif d’Alsace mérite-t-il d’être mis en lumière ?

Si l’on évoque le plus souvent la soixantaine de synagogues préservées (mais parfois transformées) et les 67 cimetières juifs, il convient de mettre en lumière les musées d’Alsace qui présentent du mobilier juif ou évoquent la présence juive en Alsace. Au premier rang de ces musées, on trouve bien sûr le musée alsacien de Strasbourg qui abrite une très importante collection de meubles et objets juifs réunie par la SEJAL, Société d’étude pour le judaïsme en Alsace-Lorraine (ex. SHIAL). Il faut également citer le musée judéo-alsacien de Bouxwiller qui dédiera la journée du 3 septembre à la mémoire de son fondateur, Gilbert Weil, disparu en début d’année, et proposera des animations culturelles (exposition, concerts) en alternance avec les cérémonies et hommages. D’autres musées méritent encore d’être mis en lumière : le Musée du patrimoine et du judaïsme alsacien de Marmoutier, le Musée du Bucheneck à Soultz-Haut-Rhin, le Musée du Pays de la Zorn à Hochfelden (abrité dans l’ancienne synagogue) et, pour finir, le Musée de l’Image Populaire de Val-de-Moder qui a en charge de veiller sur la belle synagogue (fin XVIIIe) de Pfaffenhoffen. Tous les musées cités sont cette année organisateurs d’évènements dans le cadre des JECJ.

Pouvez-vous nous partager une rencontre émouvante avec un visiteur lors de précédentes JECJ ?

De nombreuses rencontres lors des JECJ sont porteuses d’émotion, notamment dans le cadre des visites commentées de cimetières qu’il m’arrive de conduire. Le travail de mémoire autour des stèles ou autour des plaques commémoratives (dans le cas des disparus de la Shoah) est l’occasion de réveiller des souvenirs portés par des personnes non juives du public ou éventuellement avec des descendants venus de très loin et profitant de l’ouverture ce jour-là de la « maison de vie » de leur famille. C’est en effet ainsi que les juifs nomment leurs cimetières… Lors d’une telle visite commentée, il est aussi très émouvant pour moi de coopérer avec un « veilleur de mémoire », un bénévole qui s’est inscrit auprès du département (Collectivité européenne d’Alsace) pour veiller sur la sécurité et la préservation du cimetière de son village.