Slovaquie

Enfants jouant dans le quartier juif de Bratislava, capturé par Roman Vishniac
Enfants jouant dans le quartier juif de Bratislava, capturé par Roman Vishniac

L’histoire des juifs de la Slovaquie, passée au XVIe siècle sous la tutelle des Habsbourg, recoupe celle de leur coreligionnaires hongrois et des pays tchèques. Ils connaissent les mêmes vicissitudes -mesures discriminatoires, expulsions puis, au XVIIe siècle, l’obtention de quelques droits civiques. Depuis la Moravie voisine, de nombreux juifs affluent à Bratislava et dans les villes proches.Cette région, considérée à l’époque comme le nord de la Hongrie, est appelée « magyar juif ». Juste après l’instauration de la double monarchie austro-hongroise en 1867, le Parlement hongrois vote une loi d’émancipation accordant aux juifs des droits civiques égaux à ceux des autres citoyens. Leur « magyarisation » s’accélère, notamment dans les villes de l’Ouest. La grande majorité des juifs slovaques vivent en revanche à l’Est, au sein de petites communautés repliées sur elles-mêmes, à l’instar du shtetl de Galicie ou d’Ukraine. L’antisémitisme y est cependant plus virulent que dans les pays tchèques. Là-bas, les nationalistes reprochent aux juifs d’être de culture allemande. En Slovaquie, ils dénoncent leur assimilation à la culture hongroise. Le judaïsme slovaque est lui-même traversé par une lutte entre les réformistes et les orthodoxes. Avec la naissance de la Tchécoslovaquie, après la Première Guerre mondiale et le traité de Versailles, les juifs obtiennent aussi le droit d’être reconnus comme une nationalité spécifique. La vie culturelle juive s’épanouit dans le nouvel État démocratique où les juifs jouent un rôle économique majeur, notamment en Bohême-Moravie. Plus du tiers des investissements industriels leur appartiennent. En Slovaquie en revanche, 65% des juifs vivent toujours dans les campagnes en 1930. Les accords de Munich, en 1938, et la capitulation de Londres et de Paris face aux

Marchand du quartier juif de Bratislava, années 1930
Marchand du quartier juif de Bratislava, années 1930

exigences de Hitler vont entraîner le démantèlement de la Tchécoslovaquie. Le territoire tchèque est amputé de la région des Sudètes. La Slovaquie, elle, perd au profit de la Hongrie des territoires à l’Est et au Sud où vivent 40000 juifs ; elle devient une région autonome. Moins d’un an plus tard, en mars 1939, elle proclame son indépendance, sous la protection de l’Allemagne nazie. Elle se donne pour président le père Josef Tiso, et comme Premier ministre Andrej Hlinka, leader du parti slovaque du peuple, clérical et d’extrême droite, devenu parti unique. Dès les premiers mois, des mesures discriminatoires sont prises contre les 135000 juifs du pays ; elles seront encore durcies en septembre 1941, avec la promulgation d’une législation antijuive en 270 articles, imposant notamment le port de l’étoile jaune et institutionnalisant le travail forcé. Les déportations vers les camps de la mort, principalement Auschwitz, commencent peu après. À la fin de l’année 1942, plus des trois quarts des juifs de Slovaquie ont été exterminés. Les déportations et les massacres reprennent en avril 1944, pendant la répression du soulèvement de la résistance slovaque, auquel participent de nombreux juifs. À la fin de la guerre, il ne reste plus que 5000 juifs qui ont pu se cacher avec des faux-papiers. À peine 20000 juifs slovaques ont survécu au nazisme. Bratislava fut un grand centre de la culture juive et de florissantes communautés vivaient dans des petites villes comme Kosice ou Presov, mais la plupart des juifs du territoire de l’actuelle Slovaquie, notamment dans la partie orientale du pays, résidaient dans des villages. Il reste encore aujourd’hui les vestiges de près de 200 synagogues et de 630 cimetières à l’intérieur des frontières de ce nouveau pays né le 1e janvier 1993 d’une séparation à l’amiable d’avec la République tchèque. La plupart sont enfouis sous des constructions modernes ou réduits à l’état de ruines. Ce sont les ultimes traces d’un monde disparu. Avant la guerre, 135000 juifs (4,5% de la population) vivaient dans le territoire de la Slovaquie actuelle. Aujourd’hui, il n’en reste que 4000, pour la plupart très âgés, dont un millier à Bratislava.