Forts de 20 ans d’expérience et de partage de la culture juive européenne lors de festivals réunissant des enthousiastes de toutes origines et générations, l’AEPJ a choisi un thème particulièrement audacieux : Le Peuple du Livre. Rencontre avec son directeur, Victor Sorenssen et le responsable de projets, Fede Szarfer.
Comment l’AEPJ a-t-elle choisi le thème de cette année pour les JECJ ?
Victor Sorenssen & Fede Szarfer : Cette année marque une étape importante dans l’évolution des Journées européennes de la culture juive : pour la première fois, le thème du festival a été choisi par le comité JECJ nouvellement créé. Ce comité réunit certains des coordinateurs nationaux les plus expérimentés de toute l’Europe, qui apportent leur expertise et leur connaissance approfondie du terrain pour aider à définir l’orientation du festival.
Le thème retenu, « Le Peuple du Livre », est le fruit d’une conversation riche et approfondie entre les membres du comité. Il ne s’agit pas d’une décision imposée d’en haut, mais d’un processus collaboratif et démocratique, fondé sur une compréhension commune de la puissance et de la profondeur de la tradition textuelle juive et de sa résonance contemporaine dans l’Europe d’aujourd’hui. Le comité a estimé à l’unanimité que ce thème offrait un espace non seulement pour célébrer l’héritage juif à travers la littérature, les textes sacrés et l’éducation, mais aussi pour explorer des notions plus larges de mémoire, d’identité et de créativité à travers les langues, les générations et les communautés. Pour en savoir plus sur ce thème, consultez notre site web : https://jewisheritage.org/edjc/2025-people-of-the-book#1691418074783-376de256-972d
À l’avenir, nous nous engageons à approfondir cette approche participative. C’est pourquoi nous avons déjà lancé un appel à idées pour le thème des JECJ 2026, invitant tous les organisateurs et le grand public à partager leurs suggestions via un formulaire simple. Nous encourageons chaleureusement toutes les personnes qui s’intéressent au patrimoine juif en Europe à se joindre à ce processus créatif. Vous pouvez nous envoyer vos idées via ce lien
Combien de pays participent cette année ? Quels sont les nouveaux membres ?
Les Journées européennes de la culture juive étant un festival décentralisé, organisé par un réseau large et diversifié d’institutions locales, il est parfois difficile de fournir un chiffre exact à l’avance. Cependant, compte tenu du fort engagement dont nous avons été témoins ces dernières années, nous prévoyons de maintenir un niveau de participation similaire, avec des activités dans au moins 26 pays à travers l’Europe.
Cette structure organique et flexible fait partie de la force unique du festival : chaque édition s’enrichit de l’énergie et de la créativité des organisateurs locaux qui apportent leurs propres perspectives et leurs communautés à cette célébration commune.
Une nouveauté passionnante cette année est la participation de la Grèce, qui se joindra aux JECJ avec un programme national coordonné par la communauté juive d’Athènes. C’est la première fois que la Grèce participe à ce festival au niveau national, et nous sommes ravis de l’accueillir dans notre réseau.
Si vous, en tant que particulier, institution ou communauté, êtes intéressé par l’organisation d’une activité dans le cadre des JECJ, nous vous invitons chaleureusement à nous rejoindre. Vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour vous lancer, notamment des ressources, des lignes directrices et des informations pratiques, sur notre site web
Pouvez-vous nous parler de l’exposition itinérante de la NLI ?
Depuis près de dix ans, l’AEPJ a le grand privilège de collaborer avec la Bibliothèque nationale d’Israël afin de faire découvrir ses riches collections à travers l’Europe dans le cadre des Journées européennes de la culture juive. Ce partenariat continu a donné lieu à la création d’expositions itinérantes de grande qualité, spécialement adaptées au thème du festival de chaque année et proposées aux organisateurs des JECJ afin d’enrichir leur programmation locale. Adaptables, visuellement attrayantes et entièrement traduisibles, ces expositions permettent à des communautés de toutes tailles de découvrir un contenu juif profond de manière significative et accessible.
Cette année, en résonance avec le thème 2025 « Peuple du Livre », la BNI a développé une nouvelle exposition qui explore la relation puissante entre la vie juive et l’écrit.
Elle explore non seulement le contenu des livres juifs, mais aussi ce qu’ils représentent : un symbole de continuité, de résilience, d’identité et de connexion à travers le temps et l’espace. À travers une série de panneaux magnifiquement conçus, l’exposition emmène les visiteurs dans un voyage à travers les nombreuses dimensions du livre juif. Elle examine l’évolution de ses formes physiques, des anciens rouleaux aux volumes imprimés et aux textes numériques, ainsi que les histoires des personnes qui les écrivent, les lisent, les illustrent, les collectionnent et les conservent.
Elle s’intéresse à la dimension sacrée du livre, mais aussi à sa présence quotidienne dans les foyers, les écoles et les communautés juives. Elle réfléchit à la manière dont les livres voyagent, comment ils façonnent l’identité et comment la lecture et l’apprentissage sont au cœur de la vie juive depuis des siècles.
Disponible en format numérique, l’exposition peut être facilement traduite et imprimée localement, ce qui permet à chaque organisateur de l’adapter à son propre public. Elle sera prête à la mi-juin et nous informerons tous les organisateurs dès qu’elle sera disponible. Vous trouverez plus d’informations et de ressources sur notre site web.
En janvier, l’AEPJ a célébré son anniversaire à Strasbourg. Quelles ont été les principales réalisations au fil des ans ?
Le 20e anniversaire de l’AEPJ, célébré au Conseil de l’Europe à Strasbourg, a marqué deux décennies de travail exceptionnel dans le domaine du patrimoine juif. Depuis ses origines, qui remontent à des initiatives locales en Alsace et dans le Bade-Wurtemberg, l’AEPJ est devenue un réseau européen de premier plan. L’une de ses premières réalisations a été la création des Journées européennes de la culture juive, qui ont débuté avec 17 pays et sont rapidement devenues une tradition annuelle qui compte aujourd’hui des milliers d’événements à travers le continent. Ces activités ont toujours favorisé l’engagement du public envers le patrimoine juif et créé un espace d’éducation, de dialogue et d’appréciation culturelle.
Une autre réalisation majeure a été la création, en 2004, de la Route européenne du patrimoine juif, certifiée comme Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe. Cette route s’étend aujourd’hui sur 24 pays et relie des centaines de sites, des synagogues aux cimetières en passant par les musées et les archives, favorisant ainsi la compréhension interculturelle et les opportunités éducatives. Elle sert de cadre à la coopération entre les organismes publics, les communautés juives, les ONG et les fondations privées, permettant une approche pluraliste de la préservation et de la promotion du patrimoine.
L’AEPJ a également développé une série de projets à fort impact au-delà de la Route et des JECJ. Il s’agit notamment de l’initiative « Réseaux contre l’antisémitisme », du programme « Mi Dor Le Dor » axé sur la transmission intergénérationnelle et de divers programmes de formation visant à renforcer les capacités professionnelles dans le secteur du patrimoine. Ces projets contribuent non seulement à préserver le patrimoine juif, mais aussi à relever des défis sociaux tels que les préjugés et la marginalisation. En outre, l’AEPJ a obtenu des financements de l’UE et établi des relations institutionnelles solides avec des organismes clés tels que le Conseil de l’Europe et la Commission européenne.
En fin de compte, ce qui rend le parcours de l’AEPJ si remarquable, c’est sa capacité à allier préservation culturelle et responsabilité civique. Elle est devenue une plateforme qui autonomise les communautés, favorise l’innovation dans l’éducation au patrimoine et sert de pont entre l’expérience juive et les récits européens plus larges. L’anniversaire célébré à Strasbourg n’était pas seulement une célébration du passé, mais aussi une affirmation forte du rôle de l’AEPJ dans la construction d’une Europe plus inclusive et plus cohésive à travers la culture.
Quels sont les principaux défis actuels en matière de partage du patrimoine juif européen ?
Aujourd’hui, le partage et la promotion du patrimoine juif européen sont confrontés à de multiples défis interdépendants. L’un des plus urgents est la nécessité de faire évoluer la perception du patrimoine par le public, afin qu’il passe d’un modèle statique et préservationniste à un modèle dynamique et participatif. Le patrimoine juif ne se résume pas à des monuments et à la mémoire ; il est aussi synonyme de continuité, de créativité et de transformation. Trop souvent, le patrimoine est considéré comme une chose du passé, déconnectée de la vie juive actuelle. Pour l’AEPJ et ses partenaires, il est essentiel de défendre le patrimoine en tant que force vivante, capable de renforcer les identités culturelles, de promouvoir le dialogue et d’agir comme moteur du développement social.
Un autre défi est le manque d’intégration stratégique du patrimoine juif dans les politiques culturelles nationales et européennes. Malgré de nombreuses initiatives couronnées de succès, le patrimoine juif est encore souvent perçu comme marginal ou secondaire. L’AEPJ appelle à la mise en place de stratégies à long terme et intersectorielles ancrées dans l’éducation, le tourisme, l’engagement communautaire et la diplomatie culturelle. Des cadres tels que la Convention de Faro et les conventions de l’UNESCO offrent des orientations précieuses, mais leur mise en œuvre nécessite une volonté politique, des financements et des modèles de gouvernance inclusifs impliquant les parties prenantes juives et non juives.
Il existe également des défis pratiques en termes d’engagement des parties prenantes et d’appropriation locale. Dans de nombreux cas, les sites du patrimoine juif sont situés dans des lieux où les communautés juives ne résident plus. Cela crée des tensions entre les efforts de préservation et les intérêts locaux, souvent aggravées par la fragmentation des structures communautaires et les niveaux variables de sensibilisation ou de sensibilité. L’AEPJ promeut des approches participatives qui traitent les communautés non pas comme des blocs homogènes, mais comme des groupes divers dont les voix et les intérêts doivent être compris à travers le dialogue, la négociation et la responsabilité partagée.
Enfin, la montée de l’antisémitisme en Europe constitue une menace sérieuse non seulement pour les communautés juives, mais aussi pour l’approche ouverte et inclusive du patrimoine défendue par l’AEPJ. Les initiatives patrimoniales doivent être protégées contre la politisation et l’instrumentalisation. Elles doivent également être dotées des moyens nécessaires pour favoriser la résilience, la pensée critique et l’empathie interculturelle. L’AEPJ reste attachée à cette mission, utilisant le patrimoine juif comme un moyen de renforcer la confiance, d’éduquer à la paix et de cultiver une identité européenne commune qui valorise la diversité.