Autriche

Hohenems

Vue aérienne d’Hohenems ©WikiCommons Friedrich Böhringer

La ville d’Hohenems est située dans la région du Vorarlberg. En 1617, une charte ducale rend la douzaine de familles juives qui avaient fui Burgau pour Hohenems égale aux familles chrétiennes à tous points de vue. Au XVIIe siècle, la ville compte environ douze familles. Huit ans après que Hohenems passe sous contrôle autrichien en 1765, la ville compte 227 juifs, soit 10% de la population totale. La communauté vivait dans la Judengasse, la rue des juifs. Un édit promet, sans grand succès, protection à la communauté en 1769. En 1813, la communauté est incorporée à la ville. Jusqu’à 1848, de nombreux conflits font rage entre la communauté juive et le reste de la ville, principalement pour des questions d’impôts. Interdits de commerce dans la région du Vorarlberg, les juifs d’Hohenems deviennent des marchants réputés en Suisse et en Allemagne. Entre 1849 et 1878, la communauté est de nouveau séparée de la ville et élit son propre maire.

Un hevra kadisha fut fondé en 1760, une synagogue en 1772. La communauté possédait sa propre école élémentaire (1784), mikveh, abattoir rituel et environ vingt-deux organisations culturelles ou charitables. Au milieu du XIXe siècle, une bonne partie de la communauté émigre aux États-Unis. En 1860, la population juive avait déjà diminué de moitié. Après la Constitution de 1867 qui autorisait aux juifs à s’établir dans le lieu de résidence de leur choix, la communauté d’Hohenems décline rapidement : 455 en 1866, 221 en 1869, 165 en 1878. Il ne restait plus que 10 juifs dans la ville en 1939. La synagogue fut sévèrement endommagée en 1938, les juifs déportés à Vienne en 1940. Il reste aujourd’hui un membre de la communauté à Hohenems. À noter, Hohenems est également la ville natale du célèbre hazzan et compositeur Salomon Sulzer.

Mikveh d’Hohenems ©WikimediaCommons (Asurnipal)

La Synagogue

La synagogue fut construite en 1771 par Peter Bein, architecte baroque originaire de Bregenzerwald. Sa construction, qui se distingue par une voûte cylindrique, représente un exemple unique d’architecture rurale baroque.

Si son intérieur était de facture classique, la synagogue se distinguait par ses fresques figuratives qui représentaient des thèmes originaux tels que la création de la lumière, la révélation sur le mont Sinaï, et une mer de nuages parsemés d’éclairs au centre de la synagogue. Entre 1863 et 1867, l’architecte suisse Felix Wilhelm Kubly procéda à une rénovation du lieu de culte. Une galerie supplémentaire, financée par Salomon Sulzer, fut également ajoutée au bâtiment.

En 1954, la synagogue endommagée fut transformée en caserne des pompiers. Le bâtiment avait en effet été racheté par la municipalité, faute de communauté pour l’occuper. Il fallut attendre 2003 pour que le lieu soit réhabilité par les architectes Ada et Reinhard Rinderer et réouvert sous la forme d’une école de musique en 2004. Même si le lieu est désacralisé, la visite en est conseillé : en effet, les architectes ont pris soin de reproduire la forme originale de la disposition synagoguale d’origine.

Musée juif d’Hohenems ©WikimediaCommons Friedrich Böhringer

Le mikveh

Construit en 1829, le mikveh venait remplacer le bain rituel situé au sous-sol de la synagogue et qui souffrait de la pénétration de l’eau, menaçant les fondations de la synagogue. Situé à côté de l’école, le mikveh était un bâtiment modeste et dépouillé. On pense que le bain rituel fut utilisé (uniquement par des femmes puisqu’il n’y avait qu’une salle) jusqu’à la fin du XIXe siècle. En 1938, le bâtiment est « aryanisé », puis vendu au plus offrant après la guerre et transformé en atelier. En 1996, le bain rituel fut excavé et le bâtiment restauré en 2009. Vous pouvez aujourd’hui visiter le mikveh (adressez-vous pour cela au Musée juif). Les vitrines présentant des objets trouvés lors de l’excavation valent la visite de ce lieu.

L’école

Construite par la communauté entre 1824 et 1828, l’école juive d’Hohenems fut le théâtre d’une histoire passionnante et quasiment unique en Autriche : elle fut en effet au coeur d’une controverse sur les échanges et les coopérations entre les élites chrétiennes, protestantes et juives. Dès la fin du XIXe siècle en effet, le climat libéral de la ville pousse les professeurs à enseigner en Allemand. L’école a excellente réputation, et une centaine d’élèves n’appartenant pas à la communauté juive y sont inscrits. Cet esprit d’ouverture a pavé le chemin de la création de lieux, comme le Café Kitzinger ou le club Frohsinn, qui rassemblaient l’élite intellectuelle de la ville, nonobstant l’appartenance de leurs membres à des communautés religieuses différentes, et bien souvent en conflit.

Le succès de cette école n’a cependant pas survécu à l’antisémitisme ambiant. En 1896, un arrêté régional défend les élèves catholiques de s’inscrire à l’école juive. De plus, le nombre de membres de la communauté juive déclinant, l’école ferme finalement ses portes en 1913. En 1918, la municipalité entend contester que le bâtiment soit la propriété de la communauté juive. Le bâtiment est « aryanisé » en 1938. Après la Seconde Guerre mondiale, l’ancienne école accueille des ouvriers immigrés. Après des années de discussions, le bâtiment est finalement entièrement rénové en 2009 par le Jüdische Schule KG. Il abrite aujourd’hui le restaurant Moritz et l’auditorium culturel Federmann.

Le cimetière

Aussi vieux que l’implantation de la communauté juive dans la ville, le cimetière juif d’Hohenems date de 1617. Il compte environ 500 tombes, dont 370 très bien préservées. Le cimetière fut confisqué puis vandalisé en 1938. Cependant, il survécu à la Seconde Guerre mondiale sans être détruit. En 1954, un groupe de descendants de la communauté juive d’Hohenems se constitue pour racheter et assurer la préservation du cimetière. Même si la communauté juive a disparu, le cimetière est toujours en activité, et des concessions même achetées par des membres de la communauté de la région.

Le Musée juif de la ville a effectué un travail remarquable de documentation photographique du cimetière. Il a également mis en ligne une base de donnée (consultable en cliquant ici) de toutes les tombes, inscriptions et localisations. La porte du cimetière est vérouillée, vous pouvez emprunter la clé pour le visiter en vous adressant au Musée juif.

Le Musée juif

Fait assez rare pour être souligné, la ville d’Hohenems accueille aujourd’hui l’un des plus dynamiques et innovants musée juif d’Europe. La collection permanente expose des documents sur la communauté juive de la ville depuis le XVIIe siècle, mais ne tombe pas dans l’écueil de vouloir présenter aussi exhaustivement l’histoire de la communauté que les musée de Berlin ou de Varsovie par exemple. De manière concrète, cela veut dire que le musée garde une grande indépendance curatoriale et se permet des

expositions originales, dont certaines ont fait le tour du monde : une exposition sur le kitsch juif intitulée Schlock Shop, ou encore un état des lieux de la présence juive dans la production musicale au XXe siècle, Jukebox. Jewkbox!, qui a ensuite été exposé au musée POLIN à Varsovie, puis au Musée juif d’Amsterdam.

Tous les dix ans, le musée accueille la réunions des descendants de la communauté juive d’Hohenems. Le dernier rassemblement en 2017, pour les 400 ans de l’existence de la communauté, a rassemblé 200 descendants, venus des États-Unis, d’Italie, de Suisse dans cette ville où il ne reste aujourd’hui plus qu’un seul résident juif.