Cette année, le thème des Journées Européennes de la Culture Juive qui débutent le 4 septembre est celui du « Renouveau ». Un thème bien adapté à notre époque d’incertitudes politiques et sanitaires, mais aussi en référence à belles tentatives de faire (re)vivre la culture juive dans les grandes villes et petits villages européens. Rencontre avec Thierry Koch, Président des Journées Européennes de la Culture et du Patrimoine Juifs – France.
Jguideeurope : Que représente pour vous le thème de « renouveau » choisi cette année ?
Thierry Koch : Ces Journées, comme leur nom l’indique, sont des Journées européennes organisées simultanément dans plus de trente pays d’Europe. Pour moi il est impossible de penser ces Journées dans un cadre purement français. Aussi le mot « renouveau » m’évoque-t-il d’abord la renaissance de la culture juive et le sauvetage du patrimoine juif dans plusieurs pays de l’Est de l’Europe ainsi qu’en Turquie. Je rappellerai à cette occasion que notre « mouvement », qui travaille depuis l’origine en étroite coopération avec le Conseil de l’Europe, a pour champ d’action potentiel l’ensemble des 47 pays membres de cette institution. Bien sûr, si nous revenons à la France, première communauté juive d’Europe en importance, la situation est totalement différente. Le mot « renouveau » me renvoie alors à des concepts qui se trouvent au centre de la vie religieuse et en particulier le renouvellement du sens de la Torah et de ses prescriptions, en lien avec le renouvellement des générations. « Renouveau » m’évoque aussi l’apport décisif qu’a constitué pour le judaïsme français la venue des communautés juives de Tunisie, du Maroc et d’Algérie dans les années 1950-1960. Enfin « Renouveau » m’évoque aussi l’audace dont font preuve un certain nombre d’acteurs culturels – souvent membres de JECPJ France – pour proposer une offre culturelle juive extrêmement moderne et ouverte sur notre société française diversifiée.
Combien de villes françaises participent ?
Une des particularités des Journées européennes de la culture juive en France est que ce « festival » propose aussi bien des évènements dans de très grandes villes (Paris, Lyon, Nice, Metz, Nancy, Strasbourg, Montpellier, etc.) ou des villes moyennes (Cannes, Antibes, L’Isle-sur-la-Sorgue, Cavaillon, …) que dans des villages. La présence d’une communauté juive structurée comme, au contraire, la présence d’un patrimoine juif ancien trace d’une communauté juive aujourd’hui disparue peuvent conduire, l’une comme l’autre, à l’organisation d’un évènement proposé au programme. Aussi plutôt que de villes, je préférerais parler de lieux. Notre objectif – en ligne avec les éditions précédentes – est de proposer des évènements dans une centaine de lieux différents.
Percevez-vous une évolution des propositions d’activités et des attentes du public ces dernières années ?
Il me semble que le public est de plus en plus attiré par les concerts mais également par les circuits, pédestres ou à vélo, liés à la découverte du patrimoine juif dans une ville ou un petit territoire.
Vous agissez pour la préservation des sites, pouvez-vous nous donner un exemple récent de cette action ?
L’ouverture d’un site de patrimoine juif dans le cadre des Journées européennes de la culture juive constitue une occasion unique de souligner les dangers auxquels est exposé ce patrimoine et de faire un point sur son état de préservation. Cette motivation consistant à attirer l’attention de toutes les parties prenantes (municipalités, propriétaires, public, média) a été à la base du lancement en 1996 des toutes premières « portes ouvertes » dédiées au patrimoine juif.
Ce travail paie, parfois après de très nombreuses années. Ainsi, le 4 septembre prochain à Schirmeck (Bas-Rhin), la synagogue rénovée – après d’importants travaux de mise aux normes et de sécurité – sera inaugurée par les autorités, avec retour en son sein de son rouleau de Torah. Celui-ci, miraculeusement sauvé par un soldat pendant la Seconde Guerre mondiale puis confié à un particulier, a été conservé plusieurs dizaines d’années en Israël jusqu’à ce que sa provenance soit finalement établie. La synagogue de Schirmeck fonctionnera désormais comme un centre d’information historique en lien avec la mémoire de l’oppression nazie dans ce territoire de la vallée de la Bruche et, notamment, le camp de Natzwiller-Struthof.
Pouvez-vous nous raconter une rencontre particulièrement marquante avec un visiteur lors de précédentes Journées ?
Mon expérience est encore relativement limitée après seulement trois éditions des Journées européennes de la culture juive. Néanmoins, j’aime être présent sur le terrain, notamment dans la région où j’habite, l’Alsace. J’ai eu ainsi l’occasion de me fondre dans le public ou au contraire d’intervenir comme commentateur de visite. Je garde en particulier un souvenir très riche de cette dernière expérience. Voir comment des personnes – y compris de jeunes enfants – peuvent s’intéresser à ce point à comprendre comment fonctionnait un bain rituel au moyen-âge ne cesse de m’étonner et de m’interpeler. Même si, en guide amateur, je donne le maximum de moi-même pour susciter la curiosité de mes auditeurs. Devoir interrompre un dialogue à peine commencé, parce que le groupe de visiteurs suivant s’impatiente déjà, constitue alors parfois un véritable crève-cœur…