Journées européennes de la culture juive / 2023

Montpellier

Rencontre avec Michaël Iancu , Docteur en Histoire et Directeur de l’Institut Universitaire Maimonide-Averroès-Thomas d’Aquin au sujet des Journées Européennes de la Culture Juive et du récent hommage au Grand rabbin René-Samuel Sirat.

Jguideeurope : Quel sera l’événement d’ouverture des Journées Européennes de la culture juive ? 

Michaël Iancu : Indubitablement la visite du Mikvé médiéval de Montpellier, joyau de l’art roman, daté du XXIIe, l’un des plus anciens mikvaot européens retrouvés, toujours licite (répondant aux normes requises par la loi juive) et composante de la Domus schole judeorum, l’une des quatre entités avec les restes synagogaux, la Domus helemosine (Beth hatsedaka) et la Maison d’étude (Yeshiva); l’un des plus anciens monuments religieux de la cité, qui suscite de plus en plus la curiosité des passants. Cette visite n’est que le préambule à une immersion toujours plus profonde dans l’histoire des Juifs d’Occitanie, « les assises du judaïsme français ».

Comment le thème de la Mémoire est-il présenté en Occitanie dans le cadre de ces Journées ?

« Les Juifs d’Occitanie entre histoire et mémoire ». L’histoire du judaïsme en terres d’Oc a son originalité qui réside en bien des traits caractéristiques. C’est une histoire ancienne. Elle se révèle particulièrement forte durant le Moyen âge et l’époque contemporaine. Les premiers vestiges d’une présence juive dans le Midi remontent au VIIe siècle avec une pierre tombale trouvée à Narbonne dotée d’une épigraphie latine et d’une conclusion hébraïque.

Niches romanes murées du mikvé médiéval de Montpellier
Mikvé médiéval (XIIe s.) de Montpellier. Photos de Hugues Rubio, Ville de Montpellier et Michaël Iancu, Institut Maïmonide-Averroès-Thomas d’Aquin.

L’on retrouve également des traces de l’accueil de réfugiés juifs andalous à Narbonne et à Lunel, vers 1140. Ce qui a généré des transferts culturels sans précédents (de l’arabe andalou à l’hébreu) dont les effets se sont répercutés tant à Montpellier, Lattes, qu’à Béziers, Villefranche-de-Conflent, Posquières (aujourd’hui Vauvert), Carcassonne, etc. Dans les années 1160, un voyageur itinérant originaire de Navarre, Benjamin de Tudèle, livre le témoignage d’un homme de son temps sur les communautés juives présentes au XIIe siècle dans les grandes villes du Languedoc.

Pouvez-vous partager une rencontre avec un visiteur ou intervenant qui vous a particulièrement marqué lors de ces Journées ? 

Avec les enfants. Toujours un émerveillement. Des questions simples, mais éclairantes. Et puis la conteuse Susana Azquinezer, il y a quelques années. Entendre des contes et chants psalmodiés dans cet espace intemporel qu’est le Mikvé, lequel a échappé aux rugosités du temps, faire résonner à nouveau ces pierres médiévales romanes…

René-Samuel Sirat. Photo de Michel Rothe – Wikipedia

Vous avez récemment organisé un événement en hommage au Grand rabbin René Samuel Sirat. Représente-t-il pour vous un exemple dans le dialogue inter-religieux ?

Absolument. Apôtre du dialogue, fanatique du dialogue. L’un des pionniers au lendemain de la Shoah, puis de la déclaration Nostra Aetate du Concile Vatican II, à s’être engagé en France dans le dialogue multi-confessionnel et inter-religieux entre les Religions du Livre, ce trident monothéiste, cette Fraternité d’Abraham. Sa vie, son combat et son œuvre sont déclinés autour du dialogue.

Le pape Jean-Paul II l’avait d’ailleurs convié lors de son voyage en Israël, afin qu’il soit présent avec lui au Kotel ha-Maaravi, Mur des Lamentations. Cette notion de dialogue inter-religieux est d’ailleurs l’un des piliers voulus par le Professeur Sirat lorsqu’il créa en 2000, en sa qualité d’universitaire, avec le Professeur Georges Frêche, ancien député-maire de Montpellier, l’Institut Maïmonide. Notre président fondateur, un homme saint et bienveillant. Un être d’exception.