Alors qu’une étonnante exposition consacrée au thème « sexualité et positions juives » se termine en octobre, le musée juif Berlin prépare pour la fin de l’année 2024 une exposition sur Kafka. Marquant les 100 ans de la mort de l’écrivain, l’exposition encourage le dialogue entre l’art contemporain et des thèmes centraux de son œuvre, très actuels encore aujourd’hui. Rencontre avec Shelley Harten, commissaire d’exposition au musée juif Berlin.
Jguideeurope : En décembre, le musée présente une exposition consacrée à Kafka et à l’art contemporain. Qu’est-ce qui a motivé une telle approche ?
Shelley Harten : L’exposition s’inscrit dans le cadre des célébrations mondiales autour de Kafka qui marquent le centenaire de la mort de l’auteur. Elle instaure un dialogue entre Kafka et les artistes visuels sur les questions de l’accès à l’art et de la condition d’artiste. Sur son lit de mort, Kafka a travaillé à sa dernière publication, « L’artiste de la faim », qui contient des histoires sur ce même sujet, montrant à quel point ces questions étaient centrales pour son œuvre et pour l’accès à celle-ci aujourd’hui. Le thème de l’accès, de l’obtention ou du refus d’entrée, des infiltrations et du chevauchement des sphères privées et publiques, est devenu encore plus pertinent aujourd’hui à l’ère numérique. La motivation de cette exposition réside donc dans la fusion du monde imaginaire de Kafka avec notre compréhension de l’art et de la société d’aujourd’hui.
Qui sont les partenaires participants ?
Nous sommes très honorés de collaborer avec les trois bibliothèques centrales qui conservent aujourd’hui les manuscrits de Kafka : la Bodleian Library d’Oxford, la Bibliothèque nationale d’Israël et les Archives de littérature allemande de Marbach. Quatre éminents spécialistes de Kafka contribuent à la publication et à la rubrique en ligne du musée : Reiner Stach, Carolin Duttlinger et Vivian Liska pour le catalogue et Hans-Gerd Koch pour le site web du musée intitulé « Jewish Places » (Lieux juifs).
Pouvez-vous nous présenter quelques-uns des objets présentés dans le cadre de l’exposition ?
Nous présenterons plus de 30 manuscrits et quelques dessins de Kafka – une sélection unique qui retrace différentes facettes de son œuvre et de sa vie, y compris l’un des carnets de « Das Schloss » et de « Der Verschollene (Amerika) » ainsi que des extraits de la lettre au père et de ses carnets de vocabulaire en hébreu. Ils seront exposés aux côtés d’œuvres d’art contemporaines d’artistes tels que Cory Arcangel, Guy Ben-Ner, Hito Steyerl, Maria Lassnig, avec la Boîte-en-valise de Duchamp comme pièce de transition entre le monde des pensées et des livres et celui des arts visuels. J’espère qu’il y aura des conversations intéressantes entre les œuvres d’art – par exemple, l’œuvre « Strike » de Hito Steyerl et le chapitre « Oklahoma » de « Amerika » de Kafka – et la question suivante : tout le monde est-il invité à devenir un artiste ?