L’institut universitaire européen Rachi à Troyes, nommé en hommage au plus grand exégète de la Bible qui vécut dans cette ville, se consacre aux études juives et sémitiques et à la recherche sur les monothéismes. Dès la rentrée 2024-5, l’Institut propose de nombreuses rencontres académiques et culturelles. Rencontre avec la direction de l’institut.
Jguideeurope : Comment définiriez-vous l’Institut universitaire européen Rachi à Troyes ?
L’Institut a une vocation académique laïque d’enseignement supérieur organisée autour des Humanités. Humanités bibliques et juives, et Humanités européennes, dans leurs interactions. Suivant la conception axiale des enseignements aux Humanités, ce sont ses grandes disciplines qui forment l’architecture des activités de l’Institut : la Philosophie, incluant l’herméneutique et la psychanalyse ; l’Histoire et le Droit ; les Langues ; la Littérature et la Poésie ; les Arts. Cet ensemble se décline sous forme de cours, de séminaires, de conférences, de rencontres avec des auteurs, de soirées artistiques, d’expositions. Pour les évènements culturels nous avons plusieurs rendez-vous dans l’année calés sur l’agenda public.
Quels sont donc les évènements culturels prévus à l’Institut Universitaire Rachi pour 2024-25 ?
Comme, il se doit, nous avons une conférence solennelle d’ouverture. Cette année, le 26 septembre 2024, autour de Résistance/Terrorisme, le poids des mots, le choc de l’ignorance, conférence à deux voix, celle de la philosophie et celle de la création artistique cinématographique avec Gérard Rabinovitch et Samuel Blumenfeld. Elle sera précédée d’une double journée de participation aux journées européennes du Patrimoine, le 21 septembre, avec des conférences et lectures publique par Steve Krief, et Michel Degardin.
Nous ne manquons pas non plus chaque année la journée nationale de commémoration de la « libération des camps » le 27 janvier 2025. Cette année avec l’Association Yahda-in unum, et son directeur Michal Chojac. Ni la Journée internationale des Femmes en mars, avec Isabelle Cohen qui fera une conférence sur le thème « Qu’est-ce qu’une femme, selon la Sagesse biblique ? ».
Nous sommes chaque année au rendez-vous des journées de la poésie, en mai, avec un hommage au poète juif de l’avant-garde russe : Lev Rubinstein, décédé cette année, avec Hélène Henry-Safier et Laurent Natrella. Et enfin au rendez-vous de la « fête de la musique » autour du 21 juin avec une conférence musicale « Quand Édith Piaf chantait du Klezmer », avec Didier Francfort, et Nathan Kuperminc.
Et comme aperçu sur les enseignements dispensés cette nouvelle année universitaire ?
Il s’agit de cours d’enseignements semestriels ou annuels. D’histoire « Les Juifs et l’État », « Histoire des religions et histoire de l’humanité », ainsi que de conférences magistrales. Pascal Ory viendra donner une conférence sur le « Cher et vieux pays ». De langues : hébreu et arabe ; et en prévision de démarrage : latin, grec et yiddish. De philosophie : « lire la Bible avec Rachi », « la question du Mal : du judaïsme à la philosophie allemande », « Spinoza et Rachi en miroir ». D’histoire de l’art : « La Seconde Guerre mondiale à l’écran : silence du passé, craintes de l’avenir », « Représentations des figures bibliques dans les trois monothéismes ».
Et de séminaires, l’un d’« Approches psychanalytiques », cette année sur les apports anthropologiques freudiens ; l’autre de « Lectures croisées, philosophie, herméneutique, psychanalyse », cette année avec des lectures croisées de « Difficile liberté » d’Emmanuel Levinas. Enfin, l’IUR assure les enseignements du Diplôme universitaire « Droit, laïcité et cultures monothéistes » en partenariat avec l’UFR Droit et Sciences politique de l’URCA. C’est un des aspects du reliement de ces activités avec des établissements publics d’enseignements secondaires, universitaires, ou culturels, de la ville de Troyes et de l’agglomération troyenne, chaque fois que possible.
La ville de Troyes et le département de l’Aube, ont une longue histoire depuis le Moyen Âge avec une présence de populations juives. La personnalité de Rachi en est l’emblème le plus internationalement connu. Quelles en sont les traces encore aujourd’hui, et quel lieu lié au patrimoine culturel juif trayen mériterait d’être mieux connu ?
Le plus patent est le plus immatériel, c’est ce qui se nomme le Genius loci. Non plus une des divinités protectrices du panthéon polythéiste des Antiquités romaine, mais : l’« Esprit du lieu ». L’« âme » distinctive de l’endroit. Une ambiance diffuse, dont la très forte et fidèle fréquentation des activités de l’Institut par le public local témoigne. Dont le soutien indéfectible à celui-ci par les autorités locales est la marque la plus indubitable. Elle a retrouvé l’esprit protecteur des Comtes de Champagne, par-dessus les épisodes persécutifs et d’effacement d’une présence juive du temps de Philippe Le Bel et les siècles suivants.
Ensuite, il y a hors l’Institut universitaire Rachi, le parcours muséal de la « Maison Rachi » de l’autre côté de la rue, mitoyen de la synagogue. Il y a les richesses bibliothécaires de la médiathèque de Troyes et ses joyaux de livres anciens, si rares, si impensables d’existence avant de les avoir vus. Il y a encore le monument dédié à Rachi devant le théâtre de Champagne, du sculpteur Raymond Moretti.
Et puis, il y a aussi le parcours « Rachi », qui balise la vie juive au temps de Rachi, en Champagne : Dampierre, Lhuitre, Ramerupt, et ces lieux dans le vieux Troyes dont la disposition des habitats portent l’empreinte « fantôme » de la vie juive médiévale.
Enfin, en levant le nez, on peut tomber sur des surprises à nulle autre pareille, comme ce Moïse avec ses tablettes gravées en caractères hébraïques, sculpté au coin de la façade d’une maison ancienne. Il pourrait faire emblème pour l’esprit de la ville, d’une fraternité juive et chrétienne au sein d’un monothéisme éthique.