Rencontre avec Thierry Koch, président des Journées Européennes de la Culture Juive France, qui nous dévoile les coulisses du choix du thème des journées qui se déroulent cette année et évoque aussi la participation croissante des villes de France.

Jguideeurope : Comment a été décidé le thème de cette année : « Peuple(s) des livres » ?
Thierry Koch : Comme chaque année, le thème central des Journées Européennes de la Culture Juive découle d’un choix fait au niveau européen. C’est l’AEPJ (Association Européenne du Patrimoine Juif) qui fixe ce thème central, destiné à être repris dans la trentaine de pays qui y participent. JECPJ France, membre historique de l’AEPJ depuis sa création il y a vingt ans, siège au sein du comité qui pilote le projet. Elle participe donc à ce choix européen. Le thème est formulé en langue anglaise et accompagné d’un narratif (également en anglais) qui le développe. Reste donc à traduire le thème en français.
Cette traduction peut être l’occasion d’une adaptation. C’est ce qui s’est produit cette année. JECPJ France a en effet décidé de « traduire » le thème européen « People of the Book » en « Peuple(s) des livres ». Une traduction littérale aurait donné « gens du Livre », une expression de la tradition musulmane ancienne pour désigner Chrétiens et Juifs. Si le dialogue souhaité entre les trois religions monothéistes autour du Livre (c’est-à-dire la Bible ou le Coran) se trouvait bien aux prémices de la réflexion du comité, le sujet proposé aux organisateurs se propose de mettre plus largement en valeur l’attachement du judaïsme, non seulement pour la Bible, mais pour les livres en général. Il s’agit évidemment de tous les livres de la « chaîne de la tradition », autrement dit de la littérature rabbinique, mais au-delà, de tous les livres qui contribuent à partager et transmettre savoir, histoire, mémoire, idées, poésie, etc. D’où la notion de « peuple des livres » s’inscrivant dans la continuité revendiquée de l’appellation « gens du Livre » ! Mais comme le judaïsme ne prétend pas avoir le monopole de l’attachement aux livres, toujours dans le souci d’appeler au dialogue, nous avons opté pour la possibilité d’un autre pluriel : peuples ! Ainsi avons-nous abouti à la formulation finale pour la France : « Peuple(s) des livres ».
Quel aspect concernant ce thème souhaitez-vous mettre en valeur lors des JECJ ?
Comment décliner le thème et quel aspect mettre en valeur est quelque chose que nous laissons à la liberté de chaque organisateur. Par le narratif qui accompagne la publication du thème, nous ouvrons des portes, mais nous n’imposons rien. Néanmoins nous serions tout particulièrement heureux de voir plusieurs évènements montrer comment le « culte » voué par le peuple juif à l’étude des livres religieux, Torah, Talmud et tous leurs commentaires, s’est étendu avec la modernité à une passion pour les livres en général. Et par là-même comment a été produite dans le monde juif une littérature, riche et diverse, souvent caractéristique de l’identité juive mais pouvant parler à tous.
Quels événements ouvrent ces JECJ ?
Une cérémonie européenne d’ouverture officielle des JECJ 2025 se déroulera à Stockholm le 31 août, tandis que le coup d’envoi des programmes interviendra partout en Europe et donc en France le dimanche 7 septembre. En France, nous laissons chaque métropole ou région libre d’organiser un évènement d’ouverture mais n’avons pas prévu cette année un lancement national.
Quelles sont les nouvelles villes qui participent ?
A ce stade, tous les organisateurs connus ne nous ont pas encore communiqué leurs programmes. C’est d’autant plus le cas pour les villes qui auraient décidé de nous rejoindre de leur propre initiative et que par définition nous n’avons pas interrogées. Néanmoins, d’ores et déjà nous nous félicitons d’une nouvelle venue, la ville de Vauvert dans le département du Gard. Située à une vingtaine de kilomètres au sud de Nîmes et autrefois dénommée Posquières, cette ville accueillit une importante communauté juive du 12è au 14è siècle, qui s’illustra notamment par une école de kabbale qui rayonna en Occitanie, Provence et bien au-delà, tout en étant en contact étroit avec les savants juifs de Catalogne. La société d’histoire de Posquières-Vauvert s’attache à valoriser ce patrimoine immatériel et nous sommes heureux d’aider ses membres à organiser une première participation aux JECJ. Celle-ci prendra la forme d’une conférence d’Alexis Nouss, professeur de littérature générale et comparée à l’Université d’Aix-Marseille et à l’Université de Cardiff. Le sujet de la conférence sera « Y a-t-il une littérature juive ? »