La Moldavie, avec ses centaines de synagogues depuis longtemps fermées ou disparues et ses shtetlkh désertés, peut être considérée comme un singulier musée des judaïsmes d’Europe orientale.

Vue extérieure de la synagogue de Radauti en Moldavie
Synagogue de Ràdàuti © Wikimedia Commons (Alesia17)

En Bucovine tout d’abord, où l’on trouve encore quelques splendides synagogues du XVIIIe et de la fin du XIXe siècle, au nombre desquelles celles de  Ràdàuti , Vatra Dornei , ou Câmpulung Modovenesc .

Plus au sud, celle de Piatra Neamt , l’une des rares synagogues de bois datant du XVIe siècle. À Bacàu, près de la  synagogue , se tient un petit musée d’Histoire juive.

Synagogue construite en 1898 située au 54 strada Mihai Eminescu, faisant partie du patrimoine roumain où officia le rabbin Abraham Ehrenfeld
Synagogue de Vatra Dornei. Photo de Cezar Suceveanu – Wikipedia

Le plus émouvant témoignage de la présence juive en Moldavie demeure certainement la soixantaine de cimetières situés entre les collines boisées du Nord-Ouest et les plaines du Sud-Est. Parmi eux, le cimetière de Radauti , le cimetière de Vatra Dornei , le cimetière de Piatra Neamt et le cimetière de Bacau .

Ainsi, le cimetière de Siret (résidence princière au XIXe siècle), entre les villes de Cernàuti en Ukraine et Suceava en Roumanie, pourrait facilement rivaliser avec les plus beaux de Slovaquie, Moravie ou Bohême, voire avec celui de Prague.

Le nombre des communautés vivantes est très réduit, surtout depuis la Shoah. Toute information les concernant peut s’avérer vite obsolète, la pyramide des âges de ces communautés ne laissant guère de doute sur leur extinction prochaine, et l’aliyah vers Israël étant de surcroît importante. Adressez-vous au siège de la communauté juive de Riga.

Panneau indiquant la localisation du cimetière juif de Jelgava
Cimetière juif de Jelgava. Photo de Laima Gutmane – Wikipedia

Dans ce contexte, un voyage en Lettonie comprendra surtout la visite des cimetières. Le moyen le plus sûr de retrouver ce qui reste d’un cimetière juif est de se faire aider, sur place, par une personne âgée, la compensation financière étant de règle en cas de visite. La difficulté principale que tout voyageur rencontre pour retrouver la tombe d’un de ses ancêtres est que les pierres tombales ne portent généralement que le nom hébreu du disparu (c’est-à-dire son prénom et le nom de son père), sans indication du nom de famille. On trouvera ci-après une liste non exhaustive des cimetières en état de conservation.

Pierres tombales entourées d'arbre au cimetière juif de Valdermarpils
Cimetière juif de Valdermarpils. Photo de Modris Putns – Wikipedia

Aizpute : il subsiste une centaine de pierres tombales, datant pour la plupart du début du XIXe siècle.

Auce : une dizaine de stèles, sur un terrain adjacent au cimetière chrétien.

Dagda : il reste environ soixante-dix stèles.

Daugavpils : dans le vieux cimetière de l’Alte Vorstadt, il ne reste qu’une seule stèle brisée (des années 1830). Le nouveau cimetière rassemble à peu près 200 tombes. Les registres de la Hevra Kadisha locale sont consultables, sur environ soixante-dix ans, auprès de la communauté.

Gostini : le cimetière (160 tombes) est situé à 2 km de la ville, sur la route de Madona.

Jaunjelgava (Friedrichstadt) : grand cimetière possédant nombre de pierres tombales ornées de motifs tels que lions et oiseaux gravés.

Jekabpils (Jakobstadt) : situé près de la rivière Duiha, le cimetière demeure utilisé par les vingt familles juives restantes, sans être en très bon état.

Pierres tombales du cimetière juif de Liepaja
Cimetière juif de Liepaja. Photo de Laime Gutmane – Wikipedia

Jelgava (Mitau) : ce cimetière créé au XVIe siècle a été presque entièrement détruit par les nazis, puis par les Soviétiques. Il ne contient que trente caveaux.

Kraslava : cimetière du XVIIe siècle dans un excellent état de conservation, avec plusieurs centaines de tombes, dont certaines de soldats juifs de l’Armée rouge.

Kuldiga (Goldingen) : à l’ouest de la ville, ce cimetière, transformé en parc municipal, comprend une section juive d’environ vingt-cinq tombes. Les tombes endommagées ont été transférées dans la ville voisine de Skrunda. Précision importante : sauf exception notable dans les capitales (et encore), ces exhumations ont été effectuées sans aucun respect des lois religieuses juives.

Liepaja (Libau) : le cimetière (à la fois juif et chrétien) comprend environ 500 tombes en relativement bon état, et les registres funéraires sont consultables (jusqu’à l’année 1941) auprès du gardien.

Piltene : cimetière bien conservé, datant du XVIIe siècle.

Prejli : environ vingt tombes recouvertes par la végétation. Le cimetière comporte aussi un mémorial aux victimes de la Shoah.

Pierres tombales en mauvais état couverte par les plantes au cimetière juif de Aizpute
Cimetière juif de Aizpute. Photo de Laima Gutmane – Wikipedia

Rezekne : situé au sommet d’une colline en banlieue de la ville, ce cimetière bien conservé comprend 300 tombes.

Sabile : petit cimetière de vingt tombes, entièrement recouvert par la végétation, situé au bout d’une route non goudronnée et sans indication.

Saldus (Frauenburg) : le cimetière est situé juste à la sortie de la ville, en forêt, dans un endroit non indiqué. Il reste soixante tombes dans un site totalement négligé, non gardé.

Skaistkalne : mitoyen au cimetière chrétien.Quarante tombes.

Subate : le curé de la ville s’intéresse à la préservation du site, vieux d’environ 200 ans.

Talsi : cimetière situé de l’autre côté de la route menant au cimetière chrétien, recouvert par la végétation. Il a été vandalisé.

Tukums : cimetière en bon état, environ 200 tombes dont un mausolée assez important (celui du dernier rabbin de la ville).

Valdemarpils (Sasmachen) : cimetière situé à l’est de la ville, en haut d’une colline boisée surplombant le lac Sasmaka. Il n’en reste presque rien, ce cimetière ayant été détruit par les Soviétiques dans les années 1960. Nombre de stèles furent utilisées pour paver des routes.

Varakljany : 250 tombes en bon état, la plus ancienne date de 1820.

D’autres cimetières ont une moindre importance : à Ventspils (Windau), Viljani, Viski (sur la petite île du lac)…

Le terme Yiddishland est un néologisme qui désigne a posteriori un pays qui n’a jamais existé en tant que tel et que l’on pourrait définir comme étant un espace culturel et linguistique, l’espace dans lequel s’est déployée la langue yiddish.

Tableau de Chagall présentant des juifs avec des rouleaux de Torah
Marc Chagall, Retour de la Synagogue, 1925-1927

Le visiteur qui se rend en Europe de l’Est en espérant trouver un patrimoine architectural juif doit savoir que, de ce qui fut -principalement en Lituanie, entre le XVIIIe siècle et la Shoah- l’épicentre de la vie religieuse et culturelle juive en Europe, il ne reste absolument rien, hormis des ruines et des cimetières. L’éradication de toute présence juive, objectif avéré des nazis, fut conduite avec la complicité d’une partie de la population locale. Puis la politique antireligieuse soviétique, avec son cortège de transferts de populations et de persécutions, acheva de réduire à néant une culture incomparable, avec sa langue, celle du Yiddishland. Tout voyage à thème juif dans les pays baltes relève donc prioritairement de l’archéologie et de la recherche généalogique. Pour autant, vous trouverez un grand intérêt à rencontrer de petites communautés qui tentent, courageusement, de témoigner du passé et de faire découvrir leurs racines juives à de nombreux jeunes.

Le terme Yiddishland est un néologisme qui désigne a posteriori un pays qui n’a jamais existé en tant que tel et que l’on pourrait définir comme étant un espace culturel et linguistique, l’espace dans lequel s’est déployée la langue yiddish. Ce terme peut ainsi être entendu dans un sens large, recouvrant les acceptions historique et géographique : il couvrirait l’évolution de la langue yiddish depuis sa formation dans les communautés ashkénazes d’Allemagne (vallée du Rhin, Moselle) aux Xe-XIe siècles, sa migration, à travers la Bohême vers la Pologne et l’Est de l’Europe, puis son déplacement, depuis la fin du XIXe siècle, vers New York, Anvers, Paris (autour de la rue des Rosiers), Buenos Aires, et d’autres villes encore.

Photo de vieux juifs discutant dans la rue
Juifs de Slonim dans les années 1920 (National Digital Archive)

Cependant, dans son usage le plus fréquent, il désigne l’extension du yiddish d’Europe orientale, tant dans l’espace que dans le temps, tel qu’il s’est vraiment constitué et a vraiment été parlé par la quasi-totalité des membres des communautés juives. C’est le cas en Pologne, en Lituanie, en Biélorussie, en Ukraine, en Bessarabie, en Moldavie et dans une partie de la Hongrie et de la Roumanie, depuis le XVIIe ou le XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle.

Si l’on prend une carte de l’union polono-lituanienne d’avant 1772 (date du premier partage de la Pologne), qui s’étendait au nord jusqu’aux portes de Riga, à l’est jusqu’à Vitebsk, au sud-est jusqu’aux portes de Kiev, au sud jusqu’à Lvov et en Polodie, se dessinent les limites historiques du Yiddishland, puisque le yiddish s’y est consolidé. Constitué d’un fond germanique (issu du moyen haut allemand) assorti de nombreux mots hébreux (environ 10 %), il a intégré au cours de son histoire un nombre important de slavismes (environ 10 à 15 %) d’origine polonaise ou russe.

Après les partages de la Pologne et la disparition de ce pays, de 1795 à 1918, le Yiddishland fut intégré presque totalement à l’Empire russe (à l’exception de la Galicie, de la Bukovine, de l’Ukraine subcarpatique et de la Transylvanie qui faisaient partie de l’Autriche-Hongrie) et enfermé par un oukase de Catherine II dans la tcherta osiedlosti (« zone de résidence »), qui imposait de nombreuses restrictions de circulation, notamment l’interdiction de se rendre en Russie centrale, à Saint-Pétersbourg ou à Moscou. Cet état de fait durera jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Ancienne carte du Yiddishland
Carte du Yiddishland avant la partition de la Pologne

Les centres du Yiddishland sont Vilnius, la « Jérusalem de Lituanie », Varsovie (le quartier Muranów), Cracovie (le faubourg de Kazimierz), Lódz (surtout les quartiers nord et le centre), Minsk, Lvov, Jassy, Kichinev, Czernowitz et Odessa.

Toutefois, ce « pays » se caractérise plus encore par le shtetl, la bourgade juive, petite ville en milieu rural où les juifs sont majoritaires dans un quartier bien défini autour de la synagogue et de la place du marché, lieu d’échange où tout le monde se retrouve et commerce aussi avec le monde non juif environnant. Il existait d’innombrables shtetlekh, dont les noms font encore rêver : Lubartów, Chelm, Szczebrzeszyn, Wlodawa, Zamósc, Radiechow, Sambor, Drohobycz, Brody, Belz, Bursztyn, Brzezany, Kremenets, Sadagora, Kossov, Wyznitz, Czortkow, Jassy, Berchad, Berditchev, Pinsk, Bodroujsk, Baranovici, Slonim, Vitebsk, Dvinsk, Tykocin…

Dans chacune de ces petites villes, il est possible d’en retrouver, tant bien que mal, quelques traces : synagogues, cimetières, places de marché, anciens mikvaot, maisons à l’architecture typique avec galeries et cour rectangulaire -quelque chose de l’esprit du lieu qui perdure après l’extinction de ses habitants. Architecturalement, l’un des exemples de shtetlekh les mieux conservés est celui de Tykocin, près de Bialystok, avec les deux quartiers (chrétien et juif) bien délimités, la synagogue et l’église au centre de chaque quartier, la place du marché entre les deux, les deux cimetières à chaque extrémité.

Photo montrant des vieux juifs à Vilna
Juifs de Vilna, fin du XIXe siècle

Le shtetl est le morceau d’une immense culture qui, au-delà du folklore, a acquis de véritables lettres de noblesse et appartient au patrimoine universel : la littérature yiddish avec Scholem Aleïkhem, Itzhak Leybush Perez, Mendel Moïkher Sforim (les trois fondateurs au XIXe siècle), poursuivie au XXe siècle par d’innombrables poètes (Glatstein, Gebirtig, Katzenelson…) et par l’oeuvre du prix Nobel Isaac Bashevis Singer ; la peinture mettant en scène le shtetl, qui culmine avec les chefs-d’oeuvre de Chagall ; la photographie avec Vishniak ou encore Alter Kacyne ; la musique avec les chants yiddish (Mayn Shtetele Belz, Di yiddishe mame, kinderyoren, Az der rebbe tanzt, Rabbi Elimelekh…), mais aussi les comédies musicales comme Le Violon sur le toit (ou Anatevka) de Leonard Bernstein et, plus généralement, la musique klezmer qui revient en force. Toutes ces expressions artistiques ont idéalisé, dans la conscience d’aujourd’hui, le shtetl comme un lieu de bien-être, une atmosphère chaleureuse avec ses joies et ses peines, idéalisation d’autant plus forte que ce monde est irrémédiablement perdu, englouti dans la Shoah.

Pourtant, la vie du shtetl n’était pas idyllique : les masses juives étaient tenues dans la misère, le chômage, l’insécurité, les pogroms et l’ignorance. La forte émigration, de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930, en est d’ailleurs la conséquence.

Dans la partie nord du Yiddishland (Lituanie, Biélorussie, Nord-Est de la Pologne), c’est l’influence du Gaon de Vilan (Vilnius) qui est déterminante, une forme d’orthodoxie très respectueuse de la lettre et des commandements, tout en étant ouverte à un certain rationalisme (la Haskalah). Dans la partie sud (le Sud-Est de la Pologne, l’Ukraine, la Bessarabie), c’est le hassidisme qui s’est développé à partir du milieu du XVIIIe siècle, un mouvement mystique hostile aux Lumières, cherchant à faire revivre l’esprit de ferveur originelle du judaïsme, transportant ses adeptes dans une transe et dans un contact immédiat avec Dieu, se constituant autour de personnages charismatiques, les tsaddikim, qui formèrent autour d’eux de véritables cours et créèrent une nouvelle forme d’orthodoxie.

Aujourd’hui, le Yiddishland n’existe plus que dans les mémoires, dans ses créations intellectuelles, ses expressions culturelles et artistiques, dans les cœurs, dans les chants de ceux qui tentent d’en faire revivre l’esprit et la lettre. C’est donc à un travail d’archéologue à la fois du terrain et de la mémoire qu’il faut se livrer pour visiter ce monde disparu.

Les camps de concentration situés sur le territoire de l’ex-RDA (Sachsen-hausen, Buchenwald) ont été transformés en lieux de mémoire. Il s’agissait pour le régime communiste en place de donner sa propre version de la résistance au nazisme. Les victimes des camps sont rassemblées dans la catégorie des « antifascistes », et le rôle des déportés communistes dans l’organisation de la résistance souterraine et de l’Armée rouge dans la libération des camps est davantage souligné. Depuis la réunification du pays, en 1990, l’éclairage de l’historiographie « occidentale » s’est imposé, non sans difficulté, comme en témoignent les nouvelles manifestations d’antisémitisme et de xénophobie dans cette partie du pays.

Sachsenhausen

Ce camp de concentration a été ouvert dès 1933 pour enfermer les opposants allemands à Hitler : communistes, sociaux-démocrates et syndicalistes. Erich Honecker, le futur maître de la RDA de 1971 à 1989, y fut détenu pendant dix ans. La moitié des 200 000 détenus venus de toute l’Europe qui passèrent par ce camp moururent à la suite de privations, de maladie et de mauvais traitements.

Ravensbrück

Ravensbrück est le plus important des camps réservés aux femmes. Plus de 130 000 détenues résistantes, juives, tziganes, y furent enfermées, souvent avec leurs enfants, dans des conditions épouvantables. La ministre Simone Veil y fut détenue avant d’être transférée à Auschwitz.
Transformé après 1945 en caserne pour les troupes d’occupation soviétiques, ce camp a été aménagé à partir de 1992 en musée, avec notamment des cellules commémoratives où chaque pays rend hommage à ses propres prisonnières.

Neuengamme

55 000 des 106 000 détenus moururent dans ce camp. Des expérimentations médicales criminelles furent pratiquées par les médecins SS sur des prisonniers, dont des enfants, juifs pour la plupart. Un monument en souvenir des victimes et un centre de documentation peuvent être visités.

Buchenwald

Ouvert en 1937, le camp de Buchenwald est destiné aux opposants politiques du régime hitlérien. Après le déclenchement de la guerre, il « accueille » les adversaires des nazis dans les pays occupés, parmi lesquels d’éminentes personnalités françaises, comme Léon Blum et Marcel Dassault, et de nombreux résistants (plus d’un tiers des 250 000 détenus). Buchenwald est libéré à la suite d’une révolte organisée par la Résistance clandestine du camp. Sur son emplacement est érigé un monument pour toutes les victimes de la terreur nazie.

Bergen-Belsen

Dans ce camp, périrent plus de 50 000 prisonniers de guerre soviétiques. À partir de 1944, Bergen-Belsen servit de camp de repli pour les détenus des autres camps situés plus à l’est, emmenés par leurs bourreaux SS fuyant l’avancée russe. 50 000 d’entre eux, parmi lesquels la jeune Anne Frank, ne survécurent pas à ces marches forcées, ou décédèrent peu après leur arrivée au camp.

Dachau

Dachau fut le premier camp de concentration ouvert par les nazis dès leur arrivée au pouvoir, en 1933. Les registres font état de 200 000 entrées et de 30 000 décès, ce qui est loin de correspondre à la réalité du nombre de victimes, dont beaucoup furent amenées là et exécutées sans autre forme de procès.
Sur l’emplacement du camp ont été édifiés un musée, un centre de documentation, deux églises et une synagogue.