Journées européennes de la culture juive / 2023

Malines

Rencontre avec Tomas Baum, directeur de la Kazerne Dossin, au sujet des nombreuses initiatives éducatives pour transmettre l’histoire de la Shoah et les précieux témoignages enregistrés et partagés.

Musée Kazerne Dossin. Photo de KD

Jguideeurope : Recevez-vous de nombreuses demandes de recherche d’informations familiales ?

Tomas Baum : Le centre de recherche a reçu 1801 demandes en 2022. Ces demandes ont été faites par des historiens, des chercheurs et des étudiants, des personnes intéressées mais la plupart sont des familles. Ces familles vivent dans le monde entier et réalisent souvent tardivement leur lien avec la Belgique. Dans de nombreux cas, nous pouvons expliquer comment ils sont liés à certains déportés, et parfois ils ne connaissent pas leurs (grands) oncles et tantes. Il y a aussi beaucoup d’échanges entre les familles et notre équipe. Fréquemment, les deux disposent des informations et des archives concernant l’histoire de la famille pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mettre en commun ces informations est enrichissant des deux côtés.

Le projet « Give them a Face » est un stimulant important à cet égard. Les gens trouvent des photos en ligne et nous contactent ensuite, afin de demander plus d’informations. Nous gagnons également en visibilité grâce à la banque d’images et à des partenariats. Par exemple, le site web de l’USHMM permet de cliquer sur notre banque d’images.

Mur des portraits © Sascha Kleinblatt.jpg

Qu’est-ce qui marque le plus les jeunes lors des visites scolaires ?

Avec le parcours ‘Histoire de Simon’ les plus jeunes sont impressionnés par les faits que la mère de Simon l’a poussé du train (pour le sauver) et qu’il était tout seul. Les histoires personnelles et les témoignages des déportés sont fort(e)s. Quand Natan Ramet raconte dans une vidéo ce moment où enfant, lorsqu’il était en classe, le professeur déclara que “son crâne, comme celui de tous les juifs, a une forme particulière et que c’était la preuve que les juifs sont inférieurs” et l’émotion ressentie quand les élèves s’opposèrent aux propos du professeur, choisissant le côté de Natan. Ce qui a valu aux élèves d’être frappés par l’enseignant. La chambre des enfants dans le mémorial a aussi un impact important.

Parcours Historie de Simon. Photo de KD

Ressentez-vous, avec le temps, des différences en Belgique sur la présentation de l’histoire de la Shoah ?

Beaucoup d’écoles et +- 30.000 jeunes visitent le musée chaque année. Cela signifie que la société belge (à la fois du côté néerlandophone et francophone) trouve qu’une visite à Kazerne Dossin est indispensable dans l’éducation contemporaine. Par ailleurs, nous faisons face à des défis à cette époque où les derniers survivants de la Shoah ont presque tous disparu. Comment peut-on raconter cette partie de l’histoire sans ces témoins ?

Heureusement, un très grand nombre d’entre eux ont été filmés et cela a une valeur immense, même à l’avenir. On constate aujourd’hui une évolution dans la recherche de la signification du passé. Nous nous intéressons davantage aux mécanismes universels, au fonctionnement de la propagande, au fonctionnement d’une masse, au fonctionnement de la polarisation…. Nous nous concentrons également sur le travail sur mesure. Toutes les histoires ne conviennent pas à tous les publics. C’est un gros investissement, mais il est important de trouver des angles qui conviennent aux visiteurs. Constituer une connexion avec la vie personnelle des visiteurs est primordial pour un premier contact avec le sujet.

Chambre des enfants dans le Mémorial. Photo de KD

Votre prochain projet s’appelle ‘Chaque nom compte’. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dans le cadre de ce projet public, plus de 80 ans après le départ du premier transport, nous voulons rendre les noms aux 25 843 déportés raciaux. Pour ce faire, nous recherchons 25 843 personnes qui liront chacune le nom d’une victime dans les studios d’enregistrement de Kazerne Dossin. C’est dans cet endroit chargé d’histoire, où des personnes ont été privées de leur nom, que nous les leur rendrons ensemble.

Ce projet durable de mémoire et de souvenir est spécial non seulement par son ampleur, mais aussi en termes d’implication personnelle. Chaque lecteur a ainsi l’occasion de rappeler et de commémorer le souvenir d’une personne du passé d’une manière personnelle et très concrète. En faisant retentir un nom, les lecteurs se font les porte-parole de valeurs telles que justice, solidarité et tolérance, de normes qu’ils estiment importantes dans la société. Afin de rendre le passé tangible, la Kazerne Dossin fournit des informations biographiques et un encadrement de fond à travers des canaux différents.

À partir de 2025, tous les noms résonneront dans l’espace commémoratif de l’ancienne caserne et pourraient être utilisés dans des commémorations spécifiques, en tant que monument à tous ceux qui ont été déportés ainsi que pour compléter le mur des portraits dans le musée.

Parce que chaque nom compte.