France / Auvergne-Rhône-Alpes

Le Chambon-sur-Lignon

Le Chambon-sur-Lignon. Photo de Havang(nl) – Wikipedia

En 2015, Erich Schwam (1930-2020) souhaite rencontrer la maire du Chambon-sur-Lignon, Eliane Wauquiez, afin d’envisager un legs à la ville. Il habite alors à La Tour-de-Salvagny, dans une petite maison. L’homme n’ayant pas d’enfant, il désire donc donner au Chambon ses biens, sans connaitre leur valeur précise, afin de « soutenir l’avenir des enfants du Chambon comme lui en avait bénéficié en y étant caché pendant la Shoah et en y poursuivant ensuite ses études au collège ».

Ainsi, après sa mort, l’ensemble des biens furent donner à la ville. Sur un mur de sa maison, les employés de la mairie du Chambon trouvèrent une lettre de Malcie, la mère d’Erich Schwam, où elle partageait avec son fils un poème de Simone Weil : « Il restera de toi ce que tu as donné au lieu de le garder dans des coffres rouillés. Il restera de toi, de ton jardin secret une fleur oubliée qui ne s’est pas fanée. Il restera de toi ce que tu as offert entre tes bras ouverts un matin au soleil. »

Erich Schwam est né le 21 octobre 1930 à Vienne. Il y passe, avec ses parents, les neuf premières années de sa vie, dans le 17e arrondissement de la capitale autrichienne. Son père Oskar y est médecin. Suite à l’Anschluss, menacés, ils déménagent rapidement dans le 20e arrondissement. En mars 1939, un diplomate chinois leur fournit un visa pour Shanghai. Ces documents leur permettent de fuir le pays et d’aller en Belgique, demeurant à Bruxelles. Suite à l’invasion allemande de mai 1940, la famille est déplacée avec d’autres réfugiés « originaires de pays ennemis » dans le midi de la France.

Oskar est envoyé au camp des Milles, près de Marseille. Quant à Malcie et Erich, ils vont être internés au camp de Rivesaltes, à proximité de Perpignan, y restant plus d’un an. En août 1942, alors qu’Erich et sa mère devaient faire partie des déportés à Auschwitz, ils sont exemptés deux jours auparavant, sauvés par Friedel Bohny-Reiter, aidant les internés avec la Croix rouge Suisse. Quelques semaines plus tard, Oskar est envoyé à Rivesaltes, retrouvant les siens.

A la fermeture du camp, la famille Schwam suit Friedel qui les emmène au Chambon-sur-Lignon, dans une maison tenue par le Secours suisse et gérée par son mari. Il s’agit de la « maison d’enfants Faïdoli », où sont logés d’autres jeunes pensionnaires, souvent des orphelins dont les parents ont été déportés (la maison a été transformée en 2022 en maison de colocation pour six appartements). Les Schwam arrivent au Chambon en février 1943. Les risques d’arrestation étant plus élevés pour les hommes, Oskar va se cacher dans une ferme sur le plateau. La famille Schwam est également cachée un moment à Saint-Jeures dans le grenier de la famille Exbrayat, aménagé en dortoir. Le jeune Erich y est scolarisé, s’y fait des amis, une vie.

Plaque commémorative du sauvetage des juifs au Chambon-sur-Lignon. Photo de Pensées de Pascal – Wikipedia

Suite à la Libération, ils décident de rester au Chambon. Erich effectue ses études au collège Cévenole et y passe son Baccalauréat. En 1949, il débute ses études de Pharmacie à l’université de Lyon, tandis que ses parents retournent en Autriche. Diplômé en 1956, Erich obtient la nationalité française l’année suivante, après de nombreuses et longues démarches. Il participe au développement d’un laboratoire, avec succès, ce qui lui permettra de bien gagner sa vie.

La totalité du legs s’élève à trois millions d’Euros. La mairie s’engagea à respecter ses vœux d’aider les jeunes dans les études qu’ils entreprennent, notamment en rénovant l’école et assurant son bon fonctionnement, ainsi qu’en effectuant un partage de la mémoire. L’exposition « Erich Schwam : une vie bousculée par l’Histoire » fut organisée par la mairie du 6 juillet au 20 septembre 2021.

Cette histoire marque la reconnaissance d’un homme pour un village qui l’a sauvé, lui et ses parents, qui lui a permis d’y vivre le plus heureux possible en cette terrible période. Une histoire qui motiva de nombreux articles et un très beau documentaire de Jérôme Lévy. Qui permettra peut-être de motiver les jeunes générations à en savoir plus sur ce village courage, ce village de Justes, discrets.

Pasteur André Trocmé. Photo de Wikipedia

L’exposition itinérante « La Montagne refuge » retrace ce courage hors du commun, communément partagé par les villageois du Chambon-sur-Lignon et des maisons environnantes sur ce plateau montagneux aux longs et rudes hivers. Ce qui permettait d’avoir moins de visites de la milice et de les voir arriver au loin. Avec une grande partie de la population protestante, ouverte à l’accueil de gens de différentes confessions et pays depuis bien longtemps. Ainsi, 112 Espagnols fuyant le régime de Franco sont accueillis.

Au lendemain des « accords de Munich » de 1938, qui marquent le début de la capitulation face à l’Allemagne, le maire du Chambon, Charles Guillon, adresse ce message à la population : « Prévoyant que le pire peut devenir une réalité, vous répondrez à l’appel de mes collègues du Conseil municipal pour recevoir, immédiatement et avec désintéressement, toutes les personnes fuyant les grands centres menacés. Vous vous êtes surtout préparés à recevoir dans vos maisons des centaines d’enfants et d’adultes pour les mettre à l’abri des bombardements et de la guerre… »

Daniel Trocmé. Photo du Mémoriel de la Shoah

Suite à la législation antisémite de Vichy, des associations de sauvetage, en particulier l’OSE, s’organisent pour permettre aux juifs de fuir le pays ou de se cacher dans des villages reculés, notamment au Chambon. Ils sont logés dans les maisons de ces associations, fermes et pensions de familles. Cela s’accélère à partir de 1942. Des tentatives d’arrestations s’avèrent en grande majorité infructueuses, grâce au courage et à la discrétion des habitants, ayant trouvé des maisons pour cachés les familles qui se trouvaient en des lieux trop identifiables telles les maisons d’associations.

André Trocmé devient le pasteur du Chambon suite à l’élection du maire Charles Guillon, l’ancien pasteur. Au lendemain de l’armistice de juin 1940, avec son collègue Edouard Theis, il exhorta les paroissiens à résister avec les « armes de l’esprit ». Les deux hommes fondèrent également le Collège de Cévenol. Ainsi s’organisa collectivement le sauvetage des juifs. Magda Trocmé, la femme du pasteur, ainsi que l’OSE, la CIMAD et d’autres supervisèrent le réseau de familles.

Le 29 juin 1943, la Maison des Roches , centre d’accueil pour les jeunes hommes de 18 à 30 ans, est raflée par les autorités allemandes. 18 d’entre eux, ainsi que leur directeur, Daniel Trocmé, le cousin du pasteur, sont arrêtés. Emprisonné à Moulins, il sera ensuite transféré à Compiègne et Dora, avant d’être déporté en mars 1944 à Majdanek où il sera assassiné. Daniel Trocmé s’était installé au Chambon en 1941 afin de diriger le pensionnat des Grillons créé par des Quakers américains pour abriter des enfants juifs réfugiés.

La Résistance devient de plus en plus active militairement dans la région, ses membres trouvent refuge dans les maisons du Plateau. Un monument à Montbuzat, érigé en 1945, rend hommage à cinq Résistants et quatre habitants locaux assassinés par les miliciens.

Selon les historiens, plusieurs milliers de juifs ont ainsi pu être sauvés par le village des Justes, le Chambon et les communes voisines, reconnu comme tel en 1990 par Yad Vashem. 90 Justes ont été reconnus à Chambon.

Daniel Milgram dans la pièce « Dieu, Brando et moi »

Un Lieu de Mémoire a été inauguré en 2013, dédié à la conservation et à la transmission de l’histoire d’accueil et de résistance du Plateau pendant la Seconde Guerre mondiale. Il accueille un parcours permanent racontant l’histoire du sauvetage et une salle mémorielle avec de nombreux témoignages. Des actions pédagogiques sont organisées pour les écoles.

En 2017, le comédien Daniel Milgram créa la pièce « Dieu, Brando et moi » en hommage à sa famille et au Chambon, où il fut caché pendant la guerre, étant né en 1942. Dans une interview effectuée lors de la sortie de la pièce, il nous raconta ce sauvetage : « L’OSE a proposé qu’on soit placé à la Maison d’Izieu, mais j’étais trop petit et ma famille ne voulais pas me séparer des autres jeunes de la famille. L’OSE a trouvé une solution pour nous quatre, juste à côté du Chambon, à La Bâtie de Cheyne. J’ai été logé chez des paysans, la famille Kittler. Mon frère Claude était avec ma tante Hélène dans la famille Ollivier et mon oncle Léon chez les Cros. Tout ça dans un petit village où il y a quatre ou cinq maisons qui se courent après. La mienne était très excentrée au milieu des bois. On a eu la chance de survivre. On est là ! »

Un itinéraire mémoriel est organisé par le Lieu de Mémoire au Chambon-sur-Lignon. Ce parcours est mis en place en partenariat avec l’association des Amis du Lieu de Mémoire et avec le concours des Amis du Vieux Tence. Parmi les lieux recensés, on trouve la Plaque commémorative au Lieu de Mémoire, inaugurée en 1979 ; le Monument de Montbuzat  ; le Monument en hommage aux habitants de Villelonge et à Pierre Piton  ; la Stèle à la mémoire des Résistants  ; l’Arbre de la Mémoire  ; la Stèle de la Papeterie  ; la Plaque de la Maison des Roches ; la Plaque de la maison de Roger Le Forestier et la Stèle de la maison de Charles Guillon .

Vous pouvez également contacter l’Office de Tourisme du Haut-Lignon .


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