De la longue présence ottomane en Grèce, Ioannina garde toujours une forte empreinte. Au cœur de la montagneuse Épire (Ioannina est à 450 km d’Athènes, tout près de l’Albanie ; une route difficile relie les deux villes), la ville abrite toujours une petite communauté juive, probablement une des plus anciennes d’Europe.
Les juifs romaniotes hellénisés sont présents en Grèce depuis 2300 ans, Ioannina étant alors un des centres majeurs de cette population. Ils furent rejoints par un fort contingent de séfarades à l’époque de l’Inquisition. Refermée sur ses traditions, peu ouverte aux autres, selon un voyageur turc du XVIIe siècle, la communauté juive entretint de médiocres relations avec la majorité grecque orthodoxe, ce dont les Turcs n’hésitèrent pas à tirer parti. À la fin du XVIIIe siècle, Ioannina passa sous la coupe d’un tyran, Ali de Tebelen, pacha albanais de la Porte qui se tailla, en 40 ans de règne, son propre fief, aux frontières étendues jusqu’à l’Albanie et la Macédoine. Un ancien officier napoléonien, juif strasbourgeois, Samson Cerf Berr, se retrouva à la cour d’Ali le Rebelle ; il s’était converti à l’islam et était le neveu de Cerf Berr de Medelsheim, fournisseur des armées de Louis XV et préposé général des juifs alsaciens.
Plusieurs émeutes antijuives éclatèrent à la fin du XIXe siècle, à l’occasion des Pâques orthodoxes, sous le prétexte d’accusations de crimes rituels. Des centaines de juifs abandonnèrent alors la ville. certains émigrèrent Jérusalem ou à New York. Au début du siècle, ils fondèrent, à Mahané Yehuda (Jérusalem) et dans le Lower East Side (New York), des synagogues de la « sainte communauté de Ioannina », qui existent toujours.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les juifs étaient un peu moins de 2000 à Ioannina. En mars 1944, ils furent raflés par les nazis. Une centaine seulement survécurent. Un monument commémorant les victimes de la Shoah a été inauguré en 1994.
La communauté ne compte plus qu’une cinquantaine de personnes, et beaucoup vivent dans un immeuble édifié à la place de l’ancienne synagogue, la « neuve », en bordure du Kastro, et de l’école de l’Alliance israélite. Quelques juifs albanais, exfiltrés par l’Agence juive en 1991, avant la chute du régime communiste, transitèrent par Ioannina. Signe d’espoir de renouveau pour la communauté juive, Moses Elisaf, juif né dans la ville, a été élu Maire de Ioannina en 2019.
La synagogue Kahal Kadosh Yashan , la seule qui témoigne de l’importance passée de la communauté juive de Ioannina. Sa structure originale date de l’époque byzantine, mais elle fut restaurée à de nombreuses reprises. La synagogue Kahal Kadosh Hadash (« hadash » signifiant nouveau en hébreu, pour se démarquer de celle se nommant « yashan », signifiant ancien), construite au 16e siècle, a été détruite pendant la Shoah. Elle était située sur la rue Joseph Eliyia.
Dans la cour de la Kahal Kadosh Yashan, une fontaine d’ablution, réservée aux Kohanim, se trouve sur la droite, ainsi qu’un puit pour la cérémonie du Tachlikh, tandis que, sur la gauche, une charpente de soukkah, pour la fête des Cabanes, est adossée au mur de la synagogue. La porte principale était réservée aux hommes ; une entrée latérale permettait aux femmes d’accéder à une galerie supérieure. L’architecture intérieure, avec ses arches enserrant un dôme central, montre l’influence ottomane. La synagogue transformée momentanément en bibliothèque, fut épargnée pendant la guerre grâce à l’intervention du maire de la ville.
Dans le musée de la Citadelle , l’ancienne mosquée Aslan Pacha, sont exposées quelques reliques : une teinture synagogale, une robe juive ainsi qu’un contrat de mariage calligraphié et illustré, une ketoubah.
Hors la citadelle, une partie de la communauté juive s’était aussi regroupée dans le quartier voisin de Léonide qui borde le lac. Des étoiles de David sont encore visibles sur les façades des maisons ou des grilles en fer forgé.
Le cimetière juif est situé à l’ouest de la ville, dans le quartier de Agia Triada.