La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
La ville de Brody, créée en 1584 par Stanislaw Zolkiewski, connut un grand développement à partir de 1629, quand le voïvode Stanislaw Koniecpolski fit appel à l’ingénieur et capitaine d’artillerie Guillaume Levasseur de Beauplan pour édifier les fortifications et le tracé régulier de la nouvelle ville.
Après l’annexion de la Galicie polonaise par l’Autriche en 1772, Brody eut droit pendant 100 ans (de 1779 à 1880) au statut de « ville franche », exonérée de taxes. Cet avantage contribua à attirer marchands et artisans juifs qui formaient, au XIXe siècle, 80% de la population.
L’ancien quartier juif, au sud de la rue d’Or, s’étend aux rues Scholem Aleïkhem , Evreïskaïa , Armianskaïa , avec aujourd’hui encore des maisons détruites, des cours, un ancien magasin avec l’enseigne « Lustiger »…
Les vestiges d’une des plus belles synagogues
Les murs de l’ancienne synagogue du XVIIe siècle se dressent encore dans la rue Szkolna ou Shulgas, qui était l’une des plus belles de la région, comparable à celle de Zolkiew : fortifiée avec des étages marqués par des colonnettes et des constructions attenantes sur les flancs.
L’ancienne Israelitische Realschule, située au-delà de la place centrale, était une école de la langue allemande jusqu’à la Première Guerre mondiale. Joseph Roth y fit ses études. Elle est devenue aujourd’hui une école ukrainienne.
Brody dans la littérature
Balzac s’y arrêta en septembre 1847, alors qu’il allait voir madame Hanska en Ukraine. Il dut y rester une journée et une nuit avant de trouver un fiacre car personne ne travaillait à Brody le jour de Rosh HaShana et « les juifs de Brody, pour des millions à gagner, ne quitteraient pas leurs cérémonies » (Balzac, Lettre sur Kiev).
D’autres écrivains ont parlé de Brody : Joseph Roth y est né en 1894 et l’évoque dans La Marche de Radetzki (Paris, Seuil, 1995) ; Isaac Babel la décrit dans La Cavalerie rouge (Arles, Actes Sud, 1997) et dans son Journal de 1920 (Paris, Balland, 1991).
Le cimetière juif, immense, magnifique, presque intact, se trouve à l’extrémité nord de la ville, juste avant la forêt. C’est un véritable musée en plein air fait d’alignements de tombes portant des motifs soigneusement taillés, lions, cerfs, mains, chandeliers.
Mémorial de la Shoah
Les inscriptions sont presque toujours en hébreu, parfois en allemand. Aucune tombe n’est postérieure à 1941 ou 1942.
À l’extrémité du cimetière, dans la forêt, un monument commémore l’assassinat des juifs de Brody, exécutés dans une fosse commune dès juillet 1941 ou déportés à Belzec. Il ne reste plus un seul juif à Brody sur les 12000 d’avant la guerre.