Derrière les remparts de Rhodes élevés par les chevaliers de Saint-Jean, après leur fuite de Terre Sainte, s’intégra dès le XIVe siècle une communauté juive. Étrange destin que celui de ces juifs qui firent d’abord cause commune avec les croisés contre les Ottomans, avant que le grand-maître Pierre d’Aubusson ne leur laissât que le choix du départ ou de la conversion.
Les vagues d’expulsion de la péninsule ibérique conduisirent de nombreux séfarades sur les côtes de l’île. Les éclats des querelles rabbiniques entre ces nouveaux arrivés et les juifs romaniotes installées bien avant sont consignés dans de nombreuses responsa. Pendant la première partie du XXe siècle, les juifs de Rhodes émigrèrent, en particulier en Rhodésie. La très grande majorité des 2500 juifs restants dans l’île fut déportée par les nazis en juillet 1944.
La judería
Dans la partie orientale de la vieille cité médiévale, le vieux quartier juif, la judería, part de la place Evreon martyron (« des Martyrs juifs »). Dans les années 1920, il compta jusqu’à six synagogues, et 4000 juifs y vivaient.
Longez la rue Pindarou , puis sur la gauche, tournez dans la rue Dosiadou : vous trouverez la synagogue Kal Kadosh Shalom . Si vous remontez vers la rue Pindarou, au numéro 4 de la rue Byzantinou, une plaque en hébreu offre la bénédiction à ceux qui la pénétraient sous l’arche, avec la date Nisan 5637 (1837). Vous pourrez poursuivre votre visite jusqu’à l’ancienne Puerta de la mar, avant de longer les remparts sur la gauche, rue Kisthiniou où s’élevaient la Grande Synagogue de Rhode et l’école de l’alliance israélite universelle. Une plaque rappelle l’existence de cette institution fondée au début du siècle grâce à un don du baron Edmond de Rothschild qui visita Rhodes en 1903. Il s’agissait de la première école mixte, et l’enseignement était dispensé en français. Elle fut détruite par des bombardements durant la guerre.
La synagogue Kal Kadosh ShalomUne seule synagogue, Kal Kadosh Shalom, subsiste. Bien restaurée grâce à l’attention de l’importante diaspora, elle fut édifiée à la fin du XVIe siècle. Sur la fontaine, dans la cour d’entrée, la date de Kislev 5338 (1577) atteste de son ancienneté. La porte principale conduit à la synagogue ; à gauche, une petite entrée conduit à la section féminine supérieure construite au milieu des années 1930. Auparavant, les femmes ne pouvaient que se tenir dans les pièces adjacentes au mur méridional du temple. La disposition intérieure, avec la tévah au centre, est typiquement séfarade.
Le mur occidental présente la particularité de posséder, de part et d’autre d’une porte ouvrant sur une cour, deux aronot ha-kodesh à chapiteaux néo-classiques pour les rouleaux de la Loi. Cette petite cour menait autrefois à la yeshiva, détruite pendant la guerre. Le sol est fait d’une mosaïque de pierre noires et blanches, comme dans ‘autres bâtiments du vieux Rhodes. Décorée au XIXe siècle, cette synagogue dégage un grand charme avec ses influences architecturales ottomanes. On peut y déchiffrer de nombreuses plaques de donateurs, comme la famille Aldaheff, en judéo-espagnol, le ladino ou judezmo.
Le cimetièreDans les années 1930, les autorités italiennes d’Occupation déménagèrent le cimetière juif ancestral hors des remparts ; il se trouve désormais dans la ville moderne. D’importants travaux de restauration en 1997 ont mis au jour quelque 200 tombes, dont plusieurs remontent au XVIe siècle. Les noms qui figurent sur les pierres tombales sont ceux des familles séfarades de l’Empire ottoman, avec des dédicaces en judezmo et des abréviations en hébreu, comme celle de Moshe Sidi (1593), de Dona de Carmona (1671), ou encore de « l’humble, l’honorable, la pure » Reina Hasson, décédée le dix-septième jour de Tishreh, l’année 5623 (1863).
Pour plus d’informations quant à la Rhodes juive, vous pouvez vous rendre sur les sites du Musée juif de Rhodes.