Croatie / Côte dalmate

Split

Librairie Morpurgo ©Sadar Moritz

L’archéologie a permis de retrouver des traces d’une présence juive à Salone (Solin), capitale de la dalmatie romaine et ville soeur de Split, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne. Salone fut détruite au VIIe siècle, et ses survivants, dont les juifs, trouvèrent refuge derrière les solides murailles du palais de l’empereur Dioclétien, à l’origine de l’actuelle Split.

On est en mesure d’affirmer qu’une synagogue y fut rapidement construite, dans la partie sud de la nouvelle ville. Jusqu’au XVIe siècle en effet, cette section de la ville est encore appelée « la synagogue » par ses habitants. On en perd la trace au Moyen-Âge, où les communautés juives de Dalmatie sont rarement mentionnées ; quand c’est le cas, on parle de zueca, terme employé pour désigner les lieux occupés par des tanneurs et des teinturiers.

C’est à partir du XVIe siècle, avec l’arrivée de juifs d’Espagne et du Portugal, que le judaïsme connaît son essor. Un juif espagnol, Daniel Rodriga (à l’origine Daniel Rodriguez), joue un rôle essentiel dans le développement de la ville. Il met sur pied de nombreux projets d’aménagement, y compris un lazareth, et parvient à convaincre ses contemporains de privilégier la route terrestre à travers les montagnes, beaucoup plus sûre que la navigation au sud de Split, vers la Turquie et le reste de l’Asie. Ses mérites sont reconnus par la république de Venise qui améliore le statut de l’ensemble de la communauté. Les juifs se voient, par exemple, autorisés à pratiquer le commerce alimentaire, chose interdite partout ailleurs en Europe.

Pendant les guerres contre les turcs, les juifs de Split, qui forment selon les époques de 2 à 3 % de la population de la ville (200 à 300 personnes), font preuve de loyalisme. Ainsi, lors du siège turc de 1657, ils se distinguent dans la défense de l’aile nord-ouest du palais de Dioclétien (le fort Arniro), appelée depuis le « fort des juifs ». À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la communauté juive de Split compte environ 300 membres. La moitié est tuée, soit en déportation, soit au cours de combat contre l’occupant. Au lendemain de la guerre, il n’y avait plus que 163 juifs à Split. Il n’en resta plus qu’une centaine au tournant du 21e siècle.

Pierre tombale de Vid Morpurgo
Tombe de Vid Morpurgo ©WikimediaCommons (Robcoral)

La synagogue, entièrement ravagée par les oustachis en 1942, se trouve dans un bâtiment servant de centre à la petite communauté juive, dans une toute petite rue, ou plutôt un passage, du centre-ville, près de la place du peuple (Narodny Trg). La synagogue reprit du service suite à l’indépendance de la Croatie. Des travaux ont été effectués en 2016-2017.

Sur la Narodny Trg, se trouve la librairie Morpurgo. À l’intérieur du magasin, ouvert en 1860, on peut voir une plaque à la mémoire du fondateur Vid Morpurgo (1834-1911), dont la vie à marqué Split au XIXe siècle. Vid (Vita) Morpurgo a notamment participé au mouvement national naissant de la Croatie, a créé la première librairie de prêt de Split, fonda une banque et fut bientôt appelé à présider la chambre de commerce locale.

Le cimetière juif, fondé en 1578, est situé sur les pentes du mont Marjan un site classé. Dans un cadre magnifique, il renferme plus de 200 tombes, dont beaucoup d’inscriptions restent lisibles, les plus récentes étant écrite en italien. On y retrouve les noms de plusieurs familles célèbres de ponentini de la région, comme les Tolentino, les Camerici, ou encore la tombe d’un certain Raffael Valenzin, docteur en médecine, décédé à l’âge de trente ans en 1878. C’est également sur le mont Marjan qu’est enterré Vid Murpurgo. Les dernières tombes remontent au début de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée du cimetière est située à côté d’une maison ayant servi autrefois de mikveh, aujourd’hui transformée en café.

Sources : Encyclopaedia Judaica