France / Île-de-France

Vincennes – Saint-Mandé

En 2010, suite aux célébrations du centenaire de la synagogue de Vincennes – Saint-Mandé a été publié un livre écrit par Dominique Jarrassé, avec la participation d’Elie Zajac, en hommage à cette belle synagogue et à son esprit fraternel.

Laurent Lafont, maire de Vincennes, et Patrick Baudouin, maire de Saint-Mandé, ont écrit d’émouvants textes au début du livre, rappelant à la fois l’âge d’or des synagogues, leur évolution à travers le temps et surtout l’esprit de la République française dont témoigne depuis un siècle la communauté juive locale et les valeurs partagées.

Synagogue ashkénaze de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

La préface est écrite par Bruno Blum, président de la synagogue ashkénaze et Dov Houri, président de la synagogue sépharade. « Étonnant, non ? », comme pourrait dire Pierre Desproges… Pas tant que ça lorsqu’on connaît l’esprit de la synagogue de Vincennes – Saint-Mandé, celui de réunir depuis des décennies des juifs issus à la fois des anciennes communautés ashkénazes d’Alsace-Lorraine, d’Europe de l’Est et ceux d’Afrique du Nord. De disposer de plusieurs salles de prière, chacune respectant un rite et surtout en partageant une perception ouverte et généreuse du judaïsme.

En 1872, un recensement indique qu’il y a 108 juifs à Vincennes et 84 à Saint-Mandé. Auxquels s’ajoutent une poignée de juifs de Montreuil, le tout formant la première communauté juive de Vincennes – Saint-Mandé. Avant de bénéficier d’une synagogue, ils priaient dans un oratoire créé par le rabbin Maurice Zeitlin et situé au 21 avenue Gambetta à Saint-Mandé.

Synagogue ashkénaze de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

Arthur Willard, né en 1873 à Ingwiller, est le premier rabbin à être nommé à la tête de la communauté de Saint-Mandé en 1902. Un terrain est acheté pour la construction de la synagogue , avec les dons des fidèles et grâce à l’aide du Consistoire. Sur lequel est bâti la synagogue, grâce au don du grand mécène Daniel Iffla, dit Osiris.

Né à Bordeaux en 1825, Osiris est originaire d’une famille modeste. Il s’installe à Paris afin de travailler dans la finance, où il connaît un grand succès. Dans les années 1860, il décide de se consacrer pleinement à la philanthropie, au mécénat et à l’art. Dans cet élan de générosité et de patriotisme, il participe à la construction de la synagogue Buffault à Paris, mais aussi à la création d’un pavillon opératoire pour les femmes à la Pitié-Salpêtrière, un institut sérothérapique à Nancy, un bateau-soupe à Bordeaux pour nourrir les pauvres… Osiris fera également de l’Institut Pasteur son légataire universel.

Synagogue ashkénaze de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

Il faudra attendre le 5 septembre 1907 pour que soit inaugurée officiellement la synagogue de Vincennes – Saint-Mandé, œuvre de l’architecte Victor Tondu. Le pavement en mosaïque situé devant la bima comporte d’ailleurs l’inscription « Tishri 5668 » en référence à la nouvelle année juive qui accueille l’inauguration de cette synagogue. Cette année fut également celle du décès d’Osiris, survenu en février 1927. D’ailleurs, le Grand Rabbin Dreyfus, lors de son allocution, rendit un vibrant hommage au mécène. En rappelant son patriotisme, son engagement et sa générosité.

Le rite pratiqué à cette époque à la synagogue est alsacien, en conformité avec une grande partie des Juifs habitants Saint-Mandé et Vincennes, originaires d’Alsace. Dans l’entre-deux-guerres s’installent de nombreuses familles juives originaires d’Europe de l’Est, principalement de Pologne, de Russie, de Roumanie et de Hongrie. Ce qui permet aux communautés de la banlieue Est de Paris de grandir. En particulier celles de Montreuil et de Bagnolet. Ainsi, il est estimé que près de 1000 juifs vivent à Vincennes en 1936. Les juifs russo-polonais forment alors environ un tiers des juifs de Vincennes. Signe de cette évolution démographique, en 1938, Wolf Gordon devient président de la Communauté. Cordonnier en Russie et même bottier du tsar, il était arrivé en France en 1906, suite aux pogroms.

Les troupes allemandes entrent à Vincennes le 14 juin 1940. Sur les 874 déportés de Montreuil, Bagnolet, Vincennes, il n’y aura que 27 survivants à la Shoah. Parmi ces victimes, de nombreux enfants, comme le rappelleront les plaques commémoratives posées bien plus tard.

Synagogue sépharade de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

Au lendemain de la guerre, la communauté juive de Vincennes – Saint-Mandé se reconstruit graduellement. Notamment grâce à l’arrivée de juifs d’Afrique du Nord dans les années 1950. Laquelle s’accélère suite à l’indépendance de l’Algérie. Ainsi, fin 1962, 150 familles sont installées à Vincennes. Les premiers fidèles arrivants sont fédérés en 1959 par les frères Marouani dans un petit local attenant à la synagogue ashkénaze. Ainsi, une quarantaine de personnes participent à l’office, assuré par les frères Alain et Michel Chetboun.

Joseph Guez prend alors la direction de cette communauté. Les Ashkénazes, ainsi que la mairie de Vincennes sont très actifs pour aider ces nouveaux arrivants. À titre d’exemple, en 1967, Jules Schick, informé des soucis financiers de la tentative de Joseph Guez d’organiser une colonie de vacances pour les enfants sépharades arrivés récemment, couvrira sur le champ les frais nécessaires.

Synagogue sépharade de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

Cet esprit très fraternel se concrétise aussi d’une autre manière lorsqu’en 1965 est créée l’association de jeunesse « Hatikvah », unissant Ashkénazes et Sépharades.

Suite à l’accroissement de la présence des fidèles, le local sépharade est agrandi en 1965, à nouveau en 1975, puis encore une fois en 1982. De nombreux projets sont étudiés afin de construire une synagogue sépharade viable juste à côté de la synagogue ashkénaze.

Synagogue sépharade de Vincennes. Photo de Jguideeurope 2025

En 2000, l’architecte Jacques Emsallem dépose un permis pour agrandir la synagogue. Lorsque le permis est obtenu, une possibilité d’achat des entrepôts Bardoux, situés en face de la synagogue, se présente. L’achat de ce local s’avère moins cher qu’une profonde modification architecturale de la synagogue et représente un gain de surface. La communauté a donc acheté ce local et effectué des travaux moins conséquents dans la synagogue. Les prières se déroulent dans le local le temps de réaménager la synagogue, le local devenant par la suite un centre communautaire. Les dirigeants Paul Fitoussi et Léo Touitou étaient très impliqués dans ce projet.

Le 7 janvier 2015, les dessinateurs de Charlie Hebdo et les policiers qui les protègent sont victimes d’un attentat terroriste. Le lendemain, une policière est également assassinée par un autre terroriste à Montrouge. Le 9 janvier, ce même terroriste assassine quatre juifs retenus en otage dans le supermarché Hypercacher situé porte de Vincennes.

Hypercacher. Photo de Jguideeurope 2024

En 2025, les deux rabbins des synagogues ashkénaze et sépharade sont respectivement Joseph Assayag et Hay Krief. Y sont expliqués et partagés les différents minhagim, airs de prières et traditions dans ce même esprit fraternel. Deux communautés très vivantes où sont régulièrement organisés les shabbats, les fêtes et de nombreuses activités cultuelles et culturelles. La synagogue ashkénaze de Vincennes-Saint-Mandé est actuellement la seule de la région parisienne, en dehors de Paris bien entendu, à suivre ce rite aujourd’hui.

Une douzaine d’autres petits lieux de culte existent également aujourd’hui à Vincennes-Saint-Mandé. Et comme le soulignent dans leur livre Dominique Jarrassé et Elie Zajac, ces juifs issus d’Alsace, de Russie, de Pologne, de Turquie, d’Afrique du Nord, se fondent harmonieusement en « tsarfatim », Français de confession juive.

Un texte écrit grâce à l’aide du rabbin Joseph Assayag et d’Élie Lobel.


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