Pays-Bas

Amsterdam

Amsterdam a beaucoup apporté aux juifs, et réciproquement. La ville a ainsi conservé dans son langage, sa gastronomie et son humour des traits typiquement juifs. C’est ainsi que mazel (« bonne chance ») ou meshuga (« fou») font désormais partie de son dialecte, de même qu’elle a adopté le hareng et les oignons au vinaigre, le saucisson de bœuf et le fromage blanc…

Musée juif © S. Sepp – Wikimedia Commons

À lui seul, le Musée historique juif nécessite quasiment une demi- journée. Depuis 1987, ce musée, qui permet d’explorer les coutumes juives, les fondements religieux du judaïsme et du sionisme, ainsi que la vie des séfarades et des ashkénazes hollandais aux siècles passés, se trouve dans l’enceinte d’un complexe formé par quatre synagogues, qui servirent au culte jusqu’en 1943 et furent vendues à la municipalité d’Amsterdam en 1955.

Notez que le musée organise des visites guidées de la ville et de son passé juif.

En 1943, les propriétés de ce musée furent acheminées à Offenbach, en Allemagne. Moins de 20 % des biens volés furent récupérés après la guerre par le gouvernement néerlandais.

L’assemblage de ces quatre vieilles synagogues à l’aide de constructions de verre et de métal est d’ailleurs destiné à rappeler cette rupture dans l’histoire juive et dans celle d’Amsterdam, avec le massacre de la majorité des habitants juifs de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale.

La Grande Synagogue fut inaugurée en mars 1671 par la communauté ashkénaze, qui venait de renoncer aux fallacieux espoirs suscités par le faux messie Sabbataï Zevi.

Synagogue portuguese, Amsterdam. Photo de Txllxt TxllxT – Wikipedia

À la place initiale de la bimah, s’élèvent aujourd’hui des vitrines contenant des objets rituels en argent. L’arche d’alliance, tout en marbre, a été restaurée, de même que les tribunes réservées aux femmes ou aux hommes et le mikveh.

Par manque de place, trois autres synagogues furent ensuite construites à côté : Obbene Sjoel (1685), Dritt Sjoel (1700) et la Nouvelle Synagogue (1752).

Outre l’exposition de nombreux objets de culte et d’œuvres d’art, le musée présente également des documents retraçant l’histoire des deux communautés juives et des personnages qui les ont marquées, tel Jonas Daniël Meijer (1780-1834), qui fit carrière comme avocat et haut fonctionnaire, et tenta d’améliorer le sort des juifs pauvres à Amsterdam.

À l’issue de cette visite, explorez l’ancien quartier juif, en suivant l’itinéraire ci-après, qui reprend en grande partie celui que propose le musée.

Après avoir traversé la  Mr Visserplein, du nom de Liuis Ernest Visser, président de la Haute Cour en 1939 qui s’employa activement à défendre les droits des juifs pendant l’Occupation, vous passerez devant  l’église catholique Moïse et Aaron (qui doit son nom aux petites statues qui ornaient sa façade et qui se trouvent désormais sur le mur arrière). À gauche, pénétrez dans la  Jodenbreestraat. Du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale, la Grand’rue des Juifs fut l’artère principale du quartier juif. En 1965, la partie nord fut détruite et la rue défigurée.

Au n° 4-6 de la Jodenbreestraat, se dresse la maison de Rembrandt. Le célèbre peintre n’était pas juif, mais il travailla et habita dans cette maison du quartier juif de 1639 à 1658. Il logeait au rez-de-chaussée avec sa femme Saskia Van Uylenburg, qui y mourut, puis avec Hendrickje Stoffels, son second grand amour. Le peintre réalisa dans l’atelier du premier étage la plupart de ses tableaux. Ses cours se tenaient au grenier.

Rembrandt, David et Goliath, gravure, 1655
Rembrandt, David et Goliath, gravure, 1655

La maison de Rembrandt, restaurée de 1907 à 1911 et décorée de meubles et d’objets du XVIIe siècle, présente de nombreux dessins et la quasi-totalité des eaux fortes de l’artiste (250 sur les 300 qu’il a exécutées), dont des autoportraits, des études de nus, de vagabonds et des scènes de famille.

L’influence de son environnement juif est visible dans son œuvre. Rembrandt demandait souvent à des habitants du quartier de poser pour ses scènes bibliques. Plusieurs riches juifs lui demandèrent également de faire leur portrait. Vous admirerez un portrait de Menasseh ben Israel, rabbin et écrivain qui habita longtemps en face du peintre. Celui-ci illustra aussi plusieurs de ses livres.

Parmi les scènes bibliques, sont exposées des gravures comme Le Sacrifice d’Abraham (1635), Jacob et Benjamin (1637), Le Triomphe de Mordecaï (1641), Abraham et Isaac (1645) et David et Goliath (1655).

Le Rijksmuseum qui se situe dans un autre quartier, à Stadhouderskade, présente également, outre la célèbre Ronde de nuit, un nombre significatif de peintures de Rembrandt inspirées par la culture juive, dont La Mariée juive et Les Lamentations de Jeremiah. On y trouve par ailleurs Une synagogue portugaise d’Emmanuel de Witte et Mariage juif de Kosf Israels.

En sortant de la maison de Rembrandt, traversez le St. Antonibrug, petit pont donnant sur la St. Antoniebreestraat, qui offre un très beau panorama d’Amsterdam. Vous apercevrez au loin la tour Montelbaan et son clocher décoratif en bois. C’est ici que débarquèrent, dit-on, les premiers réfugiés juifs en provenance d’Espagne et du Portugal.

Au 69 de la St. Antoniebreestraat, se trouve la maison qu’un riche marchand juif portugais, Isaac de Pinto, acheta en 1651 pour la somme considérable de 30000 florins. Il la fit remanier en 1680 selon les plans d’Elias Bouman, dans le style Renaissance italienne, avec une façade crème comportant six pilastres imposants, coiffés par une balustrade aveugle qui cache le toit. Cette demeure, sans doute la plus belle du quartier, est à l’origine de l’expression « aussi riche que de Pinto ». En partie détruite pendant l’Occupation, tandis que la plupart de ses occupants périssaient dans l’Holocauste, elle fut restaurée en 1975. Sauvée de la démolition grâce à une campagne de protestation qui permit de réhabiliter tout le quartier, désormais résidentiel, elle abrite aujourd’hui une bibliothèque publique. Pénétrez à l’intérieur pour admirer les oiseaux et angelots des peintures de son plafond d’origine.

Waterlooplein, Amsterdam. Photo de Txllxt-TxllxT – Wikipedia

Revenez en arrière vers le St. Antonibrug, tournez à droite avant d’être à la hauteur de la maison de Rembrandt : vous arrivez au marché aux puces de Waterlooplein. À cet endroit, se trouvait le marché du quartier juif à compter de 1886. Le comblement de deux canaux permit de créer, au cœur du Jodenbuurt, cette grande place qui s’étend sur le site d’une ancienne île artificielle, entre l’actuel hôtel de ville et l’opéra. À l’origine, les juifs n’avaient pas le droit de tenir des commerces de détail, ils achetaient et vendaient donc dans la rue. Le marché avait lieu tous les jours sauf le samedi. Beau- coup moins pittoresque aujourd’hui, il regroupe surtout des marchands de vêtements d’occasion, de tissus africains et de bijoux indonésiens.

En continuant tout droit, avec le canal à main droite, vous rencontrez un mémorial en marbre noir, de 1988, commémorant la résistance juive durant la Seconde Guerre mondiale.

Tournez sur votre gauche et suivez sur 200 m la rivière Amstel : juste avant le pont Blauwbrug, un coup d’œil sur la gauche vous permettra de voir le tracé d’une maison devant le Musiektheater. C’était là, qu’avant guerre, se trouvait l’orphelinat de garçons, Megadlei Yetomim, qui prit en charge les orphelins de la communauté ashkénaze à partir de 1738. En mars 1943, les enfants qui s’y trouvaient furent déportés au camp de concentration de Sobibór.

Traversez la rue à cet endroit et continuez le long de la rivière, à votre droite. Tournez à gauche juste avant le pont de bois (Walter Süsskindbrug) pour atteindre le Nieuwe Herengracht. Pendant la guerre, Walter Süsskind se servit de sa situation de membre du Conseil juif pour sauver un grand nombre d’enfants de la déportation. Une plaque commémorative à son nom est placée de l’autre côté du pont.

Jodenbreestraat, Amsterdam. Photo de Iijjccoo – Wikipedia

Marchez jusqu’au bout du Nieuwe Herengracht, habité par des juifs aisés au XIXe siècle, puis tournez à droite pour traverser le Vaz Diasbrug, pont qui porte le nom d’un célèbre journaliste d’origine juive portugaise. Vous êtes sur la Weesperstraat. À une cinquantaine de mètres de là, se trouve un petit square avec un monument à la mémoire de « ceux qui protégèrent les juifs hollandais durant les années d’Occupation ». Conçu par le sculpteur J. Wertheim, il fut inauguré en 1947.

Tournez à droite au pont suivant pour arriver au Nieuwe Kaisersgracht. Pendant la guerre, les juifs le surnommaient « le canal des nouveaux martyrs ». C’est au n° 58 que se trouvait le siège du Conseil juif : pas plus que dans les autres pays occupés, cette assemblée imposée par les nazis ne parvint à ralentir la mise en œuvre de la Solution finale, quoi qu’aient pu en penser les notables juifs qui acceptèrent d’en faire partie.

Revenez dans la Weersperstraat, tournez à droite et suivez cette rue jusqu’au début de la Nieuwe Kerkstraat. Là, tournez à gauche. Anciennement habitée par des juifs portugais, elle était également connue sous le nom de « Rue juive de l’église ». Au n° 127, où est actuellement installé un commerce de vin et de limonade, se trouvait la morgue (Metaarhuis) rattachée à l’hôpital du Nieuwe Kaisersgracht. Les corps y étaient nettoyés selon les rituels juifs. On disait à l’époque : « On entre par Kaisersgracht et on sort par Kerkstraat.»

Un peu plus loin, au n° 149, se trouvait une synagogue fondée par des juifs russes, la shoul russe. Vous distinguerez, sur la façade de l’immeuble, une vitre ronde en verre teinté avec une étoile de David. Juste à côté se trouvait la synagogue des Marins, sans doute ainsi nommée parce que bon nombre de juifs hollandais durent aller travailler en mer pendant la récession économique de la fin du XVIIIe siècle.

Traversez le pont au bout de la Nieuwe Kerkstraat (à gauche). Vous vous tenez à présent sur le Lau Mazirelbrug, du nom d’un avocat qui s’opposa au recensement obligatoire des juifs pendant la guerre et participa à l’attaque des bureaux où se trouvaient les registres contenant le nom de tous les juifs.

Vous pénétrez maintenant dans le quartier de Plantage, qui était un lieu de détente à l’extérieur de la ville. Cafés, salons de thé, théâtres, foisonnaient dans cette périphérie où s’installèrent de nombreux juifs aisés. En 1924, près de la moitié des habitants de Plantage étaient juifs.

Descendez la Plantage Kerklaan jusqu’aux feux de signalisation et tournez à gauche dans la Plantage Middenlaan. Immédiatement à votre gauche se trouve l’ancien théâtre Hollandsche Shouwburg, l’un des plus importants mémoriaux consacrés aux victimes juives de la Seconde Guerre mondiale en Hollande.

Hollandse Schouwburg © P.H. Louw – Wikimedia Commons

Le théâtre Hollandsche Schouwburg où se produisaient avant guerre des comédiens hollandais connus comme Esther de Boer Van Rijk, Louis de Vries et sa compagnie, ou encore Herman Heyermans, fut réquisitionné en 1942 par les Allemands. Ils y parquèrent les juifs qui devaient être déportés dans un premier temps vers le camp de transit de Westerbork, puis vers des camps de concentration. Depuis 1962, ce bâtiment sert de mémorial. On peut y lire gravés les noms des 7600 familles auxquelles appartenaient les 104000 juifs qui ne revinrent pas des camps. Y sont présentés des documents, des photographies et des films montrant les mesures d’isolement prises graduellement contre les juifs pendant l’occupation du pays.

Pour tenter d’amener « en douceur » les Hollandais à considérer les juifs comme des êtres différents, les exclusions se firent progressivement, allant de l’interdiction de rouler à bicyclette (un mode de vie typique- ment hollandais) ou d’aller à la pêche, jusqu’à celle de pénétrer dans n’importe quel lieu public. Les Hollandais furent priés de déclarer qu’ils étaient totalement aryens et, dans le cas contraire, furent licenciés de leur emploi et durent envoyer leurs enfants dans des écoles pour juifs. Les premières déportations intervinrent en mai 1942, et furent présentées comme des départs vers des « camps de travail » en Europe de l’Est. Les juifs, qui s’étaient laissés recenser, étaient convoqués par ordre alphabétique et regroupés ici. Les Allemands prenaient également la peine d’effectuer des « descentes» dans les quartiers à forte concentration juive pour amener de force les récalcitrants. En l’espace d’un an, plus de 60000 juifs furent entassés dans ce théâtre dont on avait enlevé tous les fauteuils et qui, au cours des tout premiers temps de l’Occupation, avait été réservé à un public juif et à des acteurs juifs qui n’avaient pas le droit de se produire sur une autre scène.

En sortant, revenez vers les feux de signalisation et tournez à gauche dans la Plantage Kerklaan. L’immeuble situé au n° 36 était le siège des registres de la ville pendant la guerre. La plaque qui s’y trouve commémore l’attaque des bureaux, le 27 mars 1943, par un groupe de résistants qui tenta de détruire les registres. Cette initiative échoua car les dossiers étaient trop denses et trop bien ficelés pour brûler rapidement. Douze membres du groupe, dont plusieurs étaient juifs, furent pris et exécutés.

Uilenburg Synagoge, Amsterdam. Photo de Marion Golsteijn – Wikipedia

Un peu plus loin dans la rue, se trouve l’un des plus vieux zoos du monde, Artis, qui fit pendant plus de 125 ans les délices des habitants du quartier, notamment les jours de shabbat (les visiteurs ne payaient que le lendemain quand ils n’avaient pas une carte forfaitaire).

Plus avant, au n° 61, se situe Plancius, un immeuble de 1876 à la façade artistiquement décorée, qui fut le siège de groupes musicaux et de compagnies théâtrales. Il fut établi à l’initiative d’une chorale juive, Oefening Baart Kunst (« De la pratique naît l’art »). Une étoile de David sur son fronton rappelle les origines culturelles de cet édifice. À la fin du XIXe siècle, alors que le socialisme gagnait du terrain chez les juifs, il devint également un lieu de réunion, où le grand leader juif, fondateur du syndicat des ouvriers du diamant, Henri Polak, prit notamment la parole.

C’est au rez-de-chaussée de cet immeuble que s’est installé, depuis 1999, le musée de la Résistance hollandaise. Ce Verzetsmuseum est un musée qu’il faut absolument visiter.

Le Verzetsmuseum propose une exposition permanente d’une richesse exceptionnelle, ainsi que d’autres temporaires. Il permet de prendre conscience des choix et des dilemmes auxquels fut confronté l’ensemble des citoyens hollandais sous l’occupation nazie. Qui fit vraiment de la résistance ? De quelle façon ? L’exposition relate les grèves et les actions allant de l’espionnage au sabotage, en passant par la confection de tracts et journaux clandestins. Les photos sur les murs recréent le climat de l’époque, de même que les objets (bicyclettes, postes de radio, téléphones, imprimerie…) datant de la guerre. Des lettres et des films authentiques permettent de suivre la vie quotidienne de ceux qui furent envoyés dans le camp de Westerbork. Des témoignages audios donnent la parole aux Hollandais qui aidèrent des juifs à se cacher, mais aussi à ceux qui n’en eurent pas le courage. Très impressionnant, un petit film de 1942 montre la vie à l’intérieur du camp de transit de Westerbork, administré par les juifs eux-mêmes (travail, sport, administration), et les départs de ce camp vers Auschwitz, avec des prisonniers entassés dans des wagons sur lesquels on peut lire en toutes lettres « Westerbork-Auschwitz », une ligne de chemin de fer en quelque sorte « régulière ». D’ailleurs, le musée a conservé plusieurs de ces plaques.

Revenez ensuite sur vos pas et tournez à droite dans la Henri Polaklaan. Cette rue porte le nom du fondateur du Syndicat général des Travailleurs hollandais du diamant (ANDB).

En face de l’ANDB, aux nos 6-12, se trouvait l’hôpital juif portugais, dont le seul souvenir est le symbole de la communauté juive portugaise que l’on voit encore sur la façade de l’immeuble: un pélican en train de nourrir son petit.

L’ANDB

A.N.D.B., Amsterdam. Photo prise en 1980 par Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed

C’est au bout de la Henri Polaklaan, au n° 9, que se trouve l’ancien siège de ce syndicat, construit en 1900 et conçu par le célèbre Hendrik Petrus Berlage, pionnier de l’architecture moderne aux Pays-Bas et socialiste convaincu. C’est maintenant le Musée national du Syndicalisme.

Fondée en 1894, l’ANDB fut le premier syndicat moderne des Pays-Bas. Auparavant, il y avait des associations de travailleurs du diamant mais chaque corporation (tailleurs, polisseurs…) était indépendante et ne regroupait pas plus de 200 membres. En outre, juifs et non-juifs se réunis- saient séparément. En 1894, une grande grève éclata dans cette industrie et ses dirigeants, Henri Polak et Jan Van Zutphen, remportèrent une grande victoire en obtenant une augmentation de salaire de 35 % pour la corporation. À partir de cette date, un seul syndicat réunissant l’ensemble des ouvriers de la profession vit le jour.

En 1910, ils obtinrent une semaine de congés sans solde, qui serait payée deux ans plus tard. En 1911, l’ANDB fut le premier syndicat au monde à obtenir la journée de huit heures.

Après la Seconde Guerre mondiale, une inscription a été gravée sur le côté droit du hall : « Souviens-toi, visiteur, des deux milliers de nos membres qui furent déportés pendant l’Occupation et qui ne revinrent jamais. »

Prenez à droite au bout de la Henri Polaklaan, traversez la Plantage Parklaan et suivez la route qui conduit sur la gauche à la Ann Frankstraat. Traversez le Nieuwe Herengracht et tournez à gauche, dans la Rapenburgerstraat.

Le n° 109 fut le siège du beth midrash Etz-Haïm, maison fondée en 1883 pour l’étude de la Torah, comme l’indique la date inscrite sur la façade. L’immeuble héberge aujourd’hui le siège de l’hebdomadaire juif hollandais, le NIW.

Verzetsmuseum, Amsterdam. Photo de Cezary p – Wikipedia

Le café De Vlooienmarkt, au n° 169- 171, était, avant guerre, un orphelinat pour jeunes filles géré par la communauté ashkénaze. Il y avait une synagogue au n° 173, qui devint plus tard le siège du rabbinat en chef hollandais. Vous distinguerez l’empreinte de la mezouzah à l’entrée de cette ancienne shoul.

Au bout de la Rapenburgerstraat, traversez la Mr Visserplein: la Synagogue portugaise est sur la gauche. Lorsqu’elle fut achevée en 1675 par Elias Bouman, cette synagogue était la plus grande du monde. Sur le portique, on peut lire la date 1672 (date prévue initialement) en additionnant la valeur des lettres étoilées du texte du psaume 5, verset 8. On peut aussi noter le nom Aboab (formé par les deux derniers mots), qui fut celui du rabbin initiateur de sa construction. L’extérieur et l’intérieur sont restés quasiment inchangés depuis l’époque de Spinoza, qui vivait à deux pas. L’édifice repose sur des pilotis immergés que l’on inspecte régulière- ment en barque pour vérifier le niveau d’eau. Les bâtiments alentours abritent la synagogue d’hiver, le secrétariat, les archives, les logements des fonctionnaires, le bureau du rabbin, la morgue, ainsi que la bibliothèque Etz-Haïm, mondialement connue.

L’architecte s’est inspiré du plan du Temple de Jérusalem. Cet énorme cube en brique a été miraculeuse- ment épargné par la guerre et par les nazis. Il comprend soixante-douze fenêtres et, lors des grandes cérémonies, les 1000 bougies des lustres en cuivre éclairent l’intérieur où quatre hautes colonnes ioniques soutiennent les huit voûtes en bois du plafond. L’arche, dont l’intérieur est recouvert de cuir doré, occupe le coin sud-est en direction de Jérusalem, et la tévah se trouve en face. On peut contempler un hekhal monumental, ainsi qu’un exemplaire de L’Histoire sainte de Menasseh ben Israel, illustré par Rembrandt. L’un des rouleaux de la Loi a été rapporté en 1602 d’Emden en Allemagne par l’imprimeur juif Uri Halevi Phoebus. Le mobilier date de 1639.

Une vidéo raconte l’histoire de la synagogue et celles des trois communautés séfarades du pays, qui avaient chacune leur synagogue avant de s’unir en 1639 dans le Talmud Torah. Aujourd’hui, on ne compte guère plus de 600 juifs d’origine séfarade aux Pays-Bas. À peine quelques dizaines d’entre eux assistent aux offices des principales fêtes religieuses dans cette synagogue. La majorité habite en dehors du centre- ville, comme d’ailleurs la plupart des ashkénazes.

Tournage du James Bond Diamonds are Forever à Amsterdam. Photo de Rob Mieremet – Anefo

À la sortie de la Synagogue portugaise, sur la Jonas Daniël Meijerplein, se trouve la statue d’un robuste docker, célébrant la grève que les ouvriers du port d’Amsterdam menèrent en février 1941 pour s’opposer aux mesures antijuives des Allemands. Ce mouvement, qui n’eut aucun équivalent dans le reste du monde, fut durement réprimé par l’occupant. Tous les 25 février a lieu, à cet endroit, une commémoration en leur honneur.

Traversez à nouveau la Mr Visserplein, reprenez la Jodenbreestraat, puis tournez à droite dans Uilenburgersteeg. On arrive dans la Nieuwe Uilenburgerstraat : la superbetaillerie de diamants de Samuel Gassan se trouve à droite, au n° 173-175, dans un immense bâtiment en brique de 1879. À l’époque, c’était le plus grand producteur de diamants d’Europe.

En 1812, le patriarche, Marcus Abraham Boas, habitait dans la Rapenburgerstraat et vendait des vêtements d’occasion. Son fils, Juda Boas, devint cordonnier et eut sept enfants, dont trois fils qui s’associèrent pour monter cette fabrique après avoir étudié le commerce du diamant à Paris. Le bâtiment fut réquisitionné par les nazis pendant la guerre. Marcus Boas et sa famille s’enfuirent aux États-Unis juste à temps. Bertha Boas partit avec son fils pour l’Angleterre, tandis que Bernard émigrait en Suisse. Martha, Julius et Elisabeth moururent dans des camps de concentration.

Aujourd’hui, la Gassan Diamonds, société fondée en octobre 1945 par Samuel Gassan (qui avait appris le métier en tant qu’ouvrier dans cette même taillerie), et reprise par ses deux petits-fils, comprend plusieurs fabriques à Amsterdam et de nombreux points de ventes dans le monde entier.

Le bâtiment comporte quatre étages, de grandes fenêtres en verre qui permettaient aux ouvriers de travailler à la seule lumière du jour, ainsi qu’une école de taille du diamant. L’arrière donne sur un canal et les bateaux- mouches, qui organisent cette visite dans leur programme, accostent là directement.

Vous pourrez assister à la taille et au polissage d’un diamant, et apprendre à reconnaître les différents types et qualités de pierres. Il vous sera même possible d’acheter un diamant à prix d’usine, le faire monter dans l’heure, et vous faire délivrer un certificat.

Avant de repartir vers le métro de Waterlooplein ou de rejoindre à pied le centre-ville, qui n’est pas loin, vous pourrez admirer, à quelques mètres de là, sur le même trottoir, au n° 91, la belle façade de l’ancienne synagogue de Uilenburg, construite en 1724. Si la grille est ouverte, il vous sera même possible d’entrer pour admirer l’intérieur totalement restauré.

Musée Anne Frank. Photo de Massimo Catarinella – Wikipedia

La maison d’Anne Frank ne se trouve pas dans le quartier juif, mais dans celui de Joordan, au nord-ouest d’Amsterdam, tout près de la gare centrale.

C’est dans cette maison que se cachèrent Anne Frank et sa famille de juillet 1942 à août 1944, avant d’être découverts et emmenés par les nazis. Après l’invasion de l’armée allemande en mai 1940, Otto Frank, qui tenait une pharmacie, en aménagea l’arrière. La famille et les employés, également juifs, au total huit personnes, y vécurent cloitrés. Anne Frank, âgée de treize ans, note chaque jour les détails de sa vie sur un cahier que les Allemands ont laissé tomber au moment de leur descente et de leur fouille. Anne et Margot seront déportées à Bergen-Belsen, tandis que le reste de la famille est expédié à Auschwitz. Un seul survivra aux camps, Otto, auquel son assistante remettra, à son retour, le journal écrit par sa fille Anne.

La visite commence au rez-de-chaussée et se poursuit au deuxième étage par une bande vidéo, puis conduit dans l’annexe dont une bibliothèque pivotante cachait l’entrée. Dans les différentes pièces vides, on peut encore voir une carte de Normandie permettant de suivre la progression des Alliés, les marques de l’évolution de la taille des enfants, des photos de vedettes de cinéma qu’Anne Frank découpait pour décorer sa chambre.