Fondée en 1329 par Bodgan Ier, la principauté de Moldavie fit jouer, cinq siècles durant, ceux qui la convoitaient -Turcs, Autrichiens et Polonais, Cosaques ou Russes – les uns contre les autres.
Privée en 1775 de sa partie septentrionale, la Bucovine annexée par les Habsbourg, et en 1812 de la Bessarabie, sa province orientale cédée à la Russie, elle les retrouve au sein de la Grande Roumanie après la Première Guerre mondiale, avant de les perdre de nouveau à la fin de la Seconde.
Si, en Valachie, les premières vagues d’immigration furent à forte dominante séfarade, ce sont des ashkénazes originaires de Pologne et d’Ukraine qui s’installèrent en Moldavie. Bien accueillis par le prince Étienne le Grand dans la seconde moitié du XVe siècle, tenus cependant à l’écart des populations chrétiennes, ils furent massacrés au milieu du XVIIe siècle par les Cosaques de Khmelnitsky lors des révoltes contre le pouvoir polonais. Au cours des deux siècles suivants, et jusqu’à l’unification, de véritables institutions communautaires se mirent en place, aussi bien à Jassy, la capitale, que dans les bourgades juives qui se multiplièrent sous le règne des princes phanariotes. En 1941, l’entrée en guerre de la Roumanie aux côtés de l’Allemagne, s’accompagne de pogroms à Jassy et à Dorohoi. Les populations juives de Bessarabie et de Bucovine sont déportées au-delà du Dniestr, où elles seront victimes de la faim, des maladies et des exécutions massives perpétrées par l’armée roumaine.
L’art de la conciliation
Si les juifs de Valachie sont vifs et d’une redoutable efficacité, les juifs moldaves aiment à peser leurs mots et prendre du temps avant d’opérer un choix essentiel. De tempérament rêveur et ironique, ils témoignent en toute circonstance d’un rare esprit de conciliation, comme le montre une histoire drôle entendue dans le train reliant Bucarest à Jassy, la capitale de la Moldavie roumaine.
« Il était une fois, à Piatra Neamtz, (un des foyers du judaïsme moldave) un jeune rabbin qui aimait jouer aux échecs avec le propriétaire d’une des boucheries casher de la bourgade. Un jour, le rabbin disparaît. Il ne revient qu’un demi siècle plus tard. Éberlué, son partenaire de jeu, amaigri et vieilli lui aussi l’interpelle :
-Mais où as-tu été pendant toutes ces années rabbi, pourquoi nous avoir abandonnés ?
-J’étais là-haut sur la montagne, répond le rabbin souriant.
-Et que fait pendant cinquante ans un rabbin tout seul, là-haut sur la montagne ? murmure le boucher contrarié en essayant de garder son calme.
-Eh bien, justement, là-haut sur la montagne, le rabbin réfléchit à la vie, dit le rabbin.
-Et à quelle conclusion es-tu arrivé ? s’écrie le boucher sur le point de perdre toute retenue.
Caressant sa barbe, le rabbin répond :
-Mon ami, la vie est comme une fontaine.
Cette fois, le boucher n’en peut plus :
-Nom de nom ! Cinquante ans tout seul en haut de la montagne pour réfléchir et ne trouver que cette réponse idiote ? Serais-tu devenu fou ?
Alors, son interlocuteur cesse de caresser sa barbe et dit à voix basse :
-Alors, si tu y tiens, elle n’est pas comme une fontaine la vie ! »