La Bucarest juive a quasiment disparu. Sur une population estimée à 168000 âmes en 1948, il ne reste que 2000 personnes dispersées aux quatre coins de la capitale, et sans doute trop âgées ou dans une situation trop précaire pour envisager l’émigration.
L’ancien quartier juif
L’ancien quartier juif se situait près de la place Unirei (« de l’Union ») au-delà de la rue Sfanta Vineri. Au sud-est, les rues Dudesti et Vàcàresti retentissaient d’une vie juive joyeuse et colorée. Elles n’existent plus. À leur place s’étend un terrain vague recouvert de gravats que les résidents des immeubles voisins appellent « Hiroshima ». Ceausescu réduisit tout à fait à néant afin d’y bâtir une improbable et délirante Cité du Futur. Une seule et unique maison témoigne de la présence juive en ces lieux : le Théâtre juif d’État . C’est ici que des comédiens -au demeurant non juifs- continuent d’apprendre le yiddish et d’interpréter, dans cette langue, des oeuvres de grands dramaturges juifs.
Les synagogues
Il reste très peu de synagogues en service à Bucarest. Au début du XXe siècle, on en dénombrait pourtant au moins soixante-dix, aussi bien séfarades qu’ashkénazes.
Le Temple choral demeure aujourd’hui le lieu de culte le plus important de la ville. Édifié en 1866 par les architectes Endele et Freiwald, sur le modèle viennois (le même que celui de la synagogue de la rue Dohány, à Budapest), il fut reconstruit en 1933 puis en 1945, suite aux dégradations infligées par les Gardes de Fer lors du pogrom de janvier 1941.
Située dans une rue animée donnant sur Bulevardul Maghero, la synagogue Yeshoah Tova est le lieu de culte le plus ancien de Bucarest, elle date de 1822. Elle tient ses services à l’entrée du shabbat et le samedi matin à 9h.
La Grande Synagogue , ashkénaze, fut bâtie en 1846 par une congrégation de juifs polonais. Elle est située rue Adamake, l’une des plus vieilles rues de la capitale avec ses maisons basses miraculeusement préservées. En 1992, cette synagogue fut transformée en musée. On y trouvera des objets de culte, documents et incunables précieux, retraçant l’histoire des anciennes communautés juives de Roumanie. Au centre, une statue honore le souvenir des dizaines de milliers de juifs de Transnistrie, victimes des pogroms et des déportations. pendant la guerre, 200000 juifs de Transylvanie furent envoyés à Auschwitz par les autorités hongroises. Ils n’en revinrent pas. La synagogue Mamulari abrite également un Musée juif. La synagogue a été construite en 1836 et abrite le musée depuis 1978. Une impressionnante collection de judaica y été rassemblée par Moses Rosen, le grand rabbin de Roumanie entre 1964 et 1994, et fondateur du Musée qui porte aujourd’hui son nom.
Les cimetières
On trouve trois cimetières juifs à Bucarest. L’austère cimetière juif Calea Serban Vodà, de rite séfarade, témoigne également des anciens pogroms et exterminations massives que subirent les juifs roumains en Moldavie, Bucovine, Bessarabie et Transnistrie. Un autre cimetière séfarade est situé dans le quartier de Giurgiului. Enfin, le cimetière Filantropia abrite un petit oratoire.
Érigé en 2009, la Roumanie a tardivement reconnu son rôle dans l’extermination des juifs d’Europe. En effet, selon une enquête de la Fondation Élie Wiesel, en dehors de l’Allemagne, la Roumanie est le pays qui a la plus grande responsabilité dans la Shoah.
La vie juive aujourd’hui
Le centre communautaire de la ville propose des activités hebdomadaires et anime également la seule radio juive digitale du pays : Radio Shalom Romania. La dynamique Fédération des Communautés juives de Roumanie publie -en Roumain, anglais et hébreu- un excellent bimensuel, Realitatea evreeascà (« Réalité juive »). Le catalogue de ce qui reste peut-être la seule maison d’édition juive d’Europe orientale et centrale Hassefer , comporte aussi bien les oeuvres de Scholem Aleïkhem, Martin Buber, Bernard Malamud et Simon Dubnov que celles des auteurs originaires de Roumanie, Elie Wiesel, Carol Iancu ou Mikhail Sebastian.