
À mi-chemin entre Brest et Minsk, il est recommandé de quitter l’autoroute et de prendre la direction de Slonim : au milieu du village de Roujany, s’élève une belle synagogue. Cependant, le toit menace à tout instant de s’effondrer…

Au XIXe siècle, plus de 70 % de la population était juive. Elle l’était encore à 53 % avant la guerre. Le ghetto fut incendié du 29 juin au 15 juillet 1942 : à la sortie de la ville, sur l’emplacement d’un ancien cimetière, un monument invite à se souvenir des 35 000 juifs qui y furent exterminés.
En plein centre-ville, en retrait par rapport à la place du marché, vous apercevrez les ruines d’une magnifique synagogue baroque. Édifiée en 1642, elle est encore debout, mais dans un état déplorable à l’intérieur, bien que soient conservés -fait unique en Biélorussie- des bas-reliefs (deux lions montrant les Tables de la Loi) et des fresques représentant des instruments de musique et des paysages bibliques. Autour de la synagogue se tient le marché. Des vespasiennes sont d’ailleurs installées quasiment sur les murs de ce monument historique.
La synagogue abandonnée de Slonim, joyau de l’art baroque et témoin de l’ancienne présence juive dans la région, a été vendue aux enchères en 2024. Le propriétaire déclarant vouloir la restaurer.
Grodno, siège d’un évêché catholique, fut une grande ville de l’Union polono-lituanienne comme l’atteste la très belle église jésuite, Farny, de style baroque, qui s’élève sur la place Sovietskaïa. Les juifs s’y installèrent dès le XIVe siècle : ils reçurent un droit de cité du grand-duc Witold en 1389. Au XIXe siècle, plus de 60 % de la population était juive, et encore 42 % en 1931. La ville comptait de nombreuses synagogues, des yeshivot, des sociétés d’études religieuses tenues par des mitnaggedim. Grodno était un haut lieu du Bund mais aussi du sionisme.

La Grande Synagogue se trouvait rue Wiltoldowa, en plein centre. Le bâtiment a été rendu à la communauté juive et entièrement restauré entre 2012 et 2015. Le quartier juif proprement dit se situait quelque peu en retrait de la place centrale, entre la rue Zamkowa et le marché aux poissons (rybi rynek), autour des rues Pereca et Nochima. La plupart de ces rues n’existent plus aujourd’hui. À la place a été tracée une artère nommée Velikaïa Troïskaïa : il faut se promener avec un vieux plan pour reconstituer le quartier juif.

Dans la rue Zamkowa , à l’angle de l’ancienne rue Ciasna, une porte surmontée de l’étoile de David marque l’entrée de ce qui fut le ghetto ; une plaque y rappelle que 29 000 personnes ont été exterminées. Vous pouvez encore y voir quelques maisons détruites et, surtout, la vieille synagogue, au 50a Velikaïa Troïskaïa, en bordure d’un ravin. Seule une plaque indiquant « Communauté juive de Grodno » signale qu’elle est toujours fréquentée. Un peu plus loin, toujours dans la Velikaïa Troïskaïa, au numéro 13, vous découvrirez une synagogue plus petite, transformée en école. Il ne reste plus rien du vieux cimetière, qui se trouvait à proximité, rue Krzywa.
À Gomel, 20 385 juifs (54,8 % de la population) habitaient en 1897 et 37 475 (43,7 %) en 1926. Aujourd’hui, peu de choses en témoignent. Le quartier spécifiquement juif se trouvait sur la rive droite du fleuve.
Une belle synagogue , avec des colonnades, occupait le léger coude que formait la rue principale (rue Lénine). À son emplacement s’élève aujourd’hui le cinéma « Mir », auquel les colonnes, celles de la synagogue vraisemblablement, donnent une allure de petit temple. Les rues en face et autour de ce cinéma semblent avoir été juives.
Le cimetière, dévasté, est juste à la sortie de la ville, sur la gauche en direction du sud.
Une fosse commune fut découverte à Stresyn en 2019, où étaient enterrées 23 victimes de la Shoah, dont 11 enfants.

Moguilev, sur le Dniepr, fut longtemps une ville à majorité juive (21 539 juifs en 1897, soit 50 % de la population). Le ghetto a été, comme partout, anéanti pendant l’Occupation. On peut facilement retrouver les traces du quartier juif, au centre de la ville.
Prenez la rue Karl-Liebknecht, pour rejoindre, au numéro 21, le bâtiment de l’ancienne synagogue , devenue Maison de la culture physique. En le contournant, remarquez le bâtiment qui lui est attenant, puis passez sous le porche par lequel vous accéderez à une cour juive qui donne sur le 27 de la rue Lénine. Tout le pâté de maisons est remarquable.
Au nord-est de la Biélorussie, sur la route de Moscou et de Saint-Pétersbourg, Vitebsk symbolise tous les shtetlekh juifs de Russie depuis qu’elle a été rendue célèbre par l’œuvre de Marc Chagall, qui y est né en 1887 et y a vécu jusqu’en 1907, puis de nouveau de 1917 à 1919. À l’époque de son enfance, Vitebsk était une ville à majorité juive (ils y étaient 34 420, soit 52 % de la population), ce que restituent les images qu’il nous a léguées : elles décrivent de manière ludique et fantastique le shtetl avec ses rabbins, ses synagogues, ses marchands de bestiaux, ses cabaretiers, ses joueurs de violon sur les toits de la ville, son vieux cimetière ; ses évocations de Vitebsk les plus célèbres sont Le Portail rouge, La Maison bleue, La Synagogue, Les Portes du cimetière et Au-dessus de la ville.

Vitebsk fut aussi la patrie d’un maître hassidique, Menahem Mendel de Vitebsk, élève du Grand Maggid de Mezritch. De nombreuses églises, catholiques et orthodoxes, embellissaient le centre-ville. Celui-ci a cependant perdu beaucoup de charme, car plusieurs de ces édifices ont été détruits. Néanmoins, Vitebsk reste la ville la plus artistique et touristique de Biélorussie. Le musée des Beaux-Arts de la Ville a accueilli, en 1997, la première exposition dédiée à Chagall sur sa terre natale, qui a fait date dans la vie culturelle du pays.
Dans la rue Souvorov, on peut voir le palais où Napoléon, sur la route de Moscou, s’est arrêté quelques jours après avoir pris la ville.
Pour visiter l’ancien ghetto et se rendre à la maison de Chagall, traversez la Dvina, prenez le boulevard Kirov, puis tournez à droite dans la rue Dimitroff et à gauche jusqu’aux rues Pokrovskaïa et Revolutionnaïa. À l’angle de ces deux rues se trouve une sculpture représentant le peintre. Continuez dans la rue Pokrovskaïa jusqu’au numéro 29, la maison où Chagall a passé son enfance . Vous y trouverez quelques objets d’art religieux juif, des photos, du mobilier ayant peut-être appartenu à la famille de l’artiste. Dans la cour, se dresse une statue de Chagall. Prenez ensuite la rue Revolutionnaïa, qui donne une idée de ce qu’était le ghetto. Au numéro 14 se trouvent les ruines de l’ancienne synagogue , dont il ne reste que la façade.
En septembre 2017, la ville a inauguré une nouvelle synagogue, la première depuis un siècle. Le lieu de culte, en partie financé par la municipalité, se trouve à quelques pas du musée Chagall. Il est construit de ces briques rouges qui ont rendu célèbre Vitebsk à l’étranger. La synagogue Ohel David a une capacité d’une plusieurs centaines de places. Elle remplace pour la douzaine d’habitants juifs de la ville, le lieu de culte précédent qui avait la taille d’un appartement.

La capitale, naguère dénommée la « Jérusalem de l’Est », n’est guère riche en monument juifs. À signaler cependant, ces dernières années, le Musée de la Tolérance du Gaon de Vilnius s’efforce louablement de multiplier les initiatives visant à célébrer la mémoire de la communauté juive de la ville.
La Shulhof, grande synagogue de 3 000 places, bâtie en 1630, a été partiellement détruite par les nazis en 1941 ; ses restes furent rasés après guerre par les Soviétiques, qui construisirent un complexe immobilier sur son emplacement. L’actuelle synagogue est la seule qui a survécu à l’occupation nazie puis soviétique de la Lituanie, des 105 synagogues ou oratoires juifs qui existaient à Vilnius avant la Seconde Guerre mondiale. La communauté compte environ 5 000 membres et édite un bulletin comprenant des articles en anglais, intitulé Jerusalem of Lithuania. Ses institutions sont concentrées dans la rue Pylimo : le siège de la communauté abrite également le centre israélien de Culture et d’Art et le Musée juif d’État, au premier étage.

À part ce qu’il reste de l’ancien ghetto – dont vous trouverez un plan gravé sur une plaque de marbre à l’entrée de ce qui fut la porte principale du ghetto – le monument d’intérêt majeur est la tombe du Gaon de Vilna. Elle était naguère située dans le cimetière juif de Shnipishok (un quartier de la ville), au nord de la rivière Vilia. Elle est désormais dans le cimetière Dembovka, connu sous le nom de Saltonishkiu, au nord-ouest de l’ancien ghetto, près de Virshulishkes et Sheshkines. Le site exact de la tombe est encore un objet de controverse, en raison des conditions dans lesquelles, sous le régime communiste, eurent lieu les exhumations du Gaon et de quelques autres personnes enterrées à ses côtés comme le comte Potocki, un noble polonais converti au judaïsme. Il existe des restes d’un autre cimetière, celui de la rue Zaretcha.

Le centre Chabad Loubavitch , dirigé depuis une quinzaine d’années par le rabbin américain Sholom Ber Krinsky est un centre communautaire et culturel très actif.
L’université de Vilnius héberge désormais un très intéressant centre de recherche sur les cultures sans État, qui comprend un département d’Études juives et yiddish.
Le récemment inauguré Centre de culture juive , propose des activités, un centre d’information, une salle d’exposition, un café un musée virtuel de la Vilnius juive sur leur site Internet.
En continuant votre visite de la Vilnius juive, rendez-vous au coin des rues J. Basanaviciaus et Mindaugo devant la statue d’un petit garçon qui lève les yeux au ciel. Cet enfant n’est autre que Romain Gary , né Roman Kacew, qui a vécu à quelques pas de là (Basanaviciaus 18). La statue évoque un passage de La Promesse de l’Aube, dont une partie de l’action se déroule à Vilnius, où le jeune héros tente de manger l’une de ses chaussures pour impressionner une camarade de classe.

Installé dans un ancien théâtre juif, le Musée de la Tolérance du Gaon de Vilna accueille visites guidées et conférences et a sous sa juridiction plusieurs musées. Tout d’abord, vous pouvez visiter la maison de bois verte qui abrite l’aile consacrée à l’exposition sur la Shoah. Vous y trouverez des information sur l’histoire et la culture des juifs lithuaniens, les Litvaks en Yiddish. La majorité de cette communauté fut exterminée pendant la Shoah et le musée explore en profondeur la Seconde Guerre mondiale. Fait méritant d’être relevé, le musée ne fait pas l’impasse sur le difficile sujet de la collaboration lituanienne pendant l’extermination nazie. Une installation audio et vidéo retrace la vie de la ghetto de Malina, avec des extraits d’authentiques journaux intimes.
Toujours géré par le Musée du Gaon, le mémorial de Paneriai commémore la mémoire des 70 000 personnes, dont plus de la moitié était juive, assassinées entre juillet 1941 et 1944 par la Gestapo, le SS, et l’Unité spéciale de Vilnius. Un petit musée expose des reproductions de photographies d’archive – la majorité des images est insoutenable.
À noter également, cette fois sur le site du Musée du Gaon, le musée Samuel Bak, inauguré en novembre 2017. Cet artiste juif né à Vilnius en 1933 est le seul survivant avec sa mère du ghetto de Vilnius. Après de multiples pérégrinations, de camps de transit en camps de personnes déplacées, ils émigrent en Israël en 1948. Bak étudia à l’Académie des Beaux-Arts de Bezalel, avant de vivre à Paris et Rome pour plus tard s’installer définitivement aux États-Unis. Il est revenu pour la première fois à Vilnius en 2001.
Pour finir sur l’extension remarquable du Musée du Gaon, et donc du développement formidable de la culture et de l’histoire juives ces dernières années, signalons que le Musée Jacques Lipchitz rouvrira bientôt ses portes après des travaux de rénovations et que sont en contruction deux nouveaux musées : Le Musée de la Culture et de l’Identité des Litvaks, et le Musée-Mémorial de la Shoah et Lituanie et du Ghetto de Vilnius.
En 2024, des fouilles archéologiques ont permis de découvrir une partie du sol de l’ancienne Grande synagogue qui fut pillée par les nazis et rasée par les Soviétiques. Des fouilles précédentes avaient permis de découvrir la bimah.
Cette année-là décéda Fania Brantsovsky à l’âge de 102 ans, une des dernières membres des Résistants du ghetto de Vilnius. Brantsovsky, née Feige Jocheles en 1922, s’échappa du ghetto en 1942, rejoignant le maquis des Partisans du FPO dans les forêts, sous le commandement d’Abba Kovner. Elle participa à de nombreuses opérations militaires contre les nazis. Elle rencontra Mikhail Brantsovsky au sein de ce groupe de Partisans, qu’elle épousa après la guerre.
Restant à Vilnius après la guerre, elle participa à répertorier les crimes nazis commis pendant la Shoah dans les territoires désormais sous contrôle soviétique. Toujours très active lorsque la Lituanie devint indépendante, Fania Brantsovsky participa au partage de la culture juive locale et à la langue yiddish disparues. Avec l’aide de Rachel Margolis, ancienne membre également des Partisans et d’autres survivants, elle travailla dans les années 1990 à créer un musée de la Shoah à Vilnius. Lorsque le professeur de yiddish Dovid Katz fonda l’Institut yiddish de l’université de Vilnius en 2001, il recruta Fania Brantsovsky comme bibliothécaire. L’institut, qui organisa notamment des programmes d’été pour les étudiants en yiddish du monde entier, ferma ses portes en 2018. Elle continua à enseigner le yiddish et à guider les visiteurs jusqu’à ses 99 ans.
Interview de Bernard Pucker, propriétaire et directeur de la Pucker Gallery, qui travaille avec Samuel Bak depuis plus de 50 ans. Référence majeure dans la représentation artistique de l’histoire juive, le peintre a contribué à la création du Musée Samuel Bak à Vilnius, ville où il est né.

Jguideeurope : Quelles œuvres peintes par Samuel Bak sont exposées en permanence dans votre galerie ?
Bernard Pucker : Il y a environ 35 des peintures de Sam exposées en permanence. Notre galerie est structurée de telle sorte que la plupart des artistes ont leur propre petit espace où leur travail est en exposition permanente. La galerie mesure 500 mètres carrés, ce qui représente une grande quantité d’espace. En plus de cela, nous avons des panneaux coulissants où sont exposées certaines des principales peintures de Sam, telles que «La famille» et «Le ghetto de l’histoire juive».
Quand et où avez-vous rencontré Samuel ?
Ma femme Sue et moi avons vécu à Jérusalem en 1959-1960. Au cours de cette année, j’étudiais pour devenir rabbin et Sue étudiait l’hébreu. Sue a reçu 300 $ d’un membre de la famille désigné pour acheter de l’art israélien. Cela nous a amené à rencontrer Dov Safrai et la galerie Safrai à Jérusalem. À notre retour aux États-Unis, nous avons commencé à vendre des œuvres d’art pour la galerie Safrai depuis notre appartement. Lorsque nous avons ouvert la galerie en octobre 1967, le travail de Sam Bak a été le premier que nous avons reçu à exposer au nom de la galerie Safrai. Un an plus tard, j’ai rencontré Sam en Israël. À la suite de cette rencontre, nous travaillons ensemble. Et cela donc, depuis plus de 50 ans !

L’art représentait-il un moyen de se réconcilier avec la vie après tout ce qui est arrivé à sa famille pendant la Shoah ?
Pas entièrement, parce qu’il dessinait depuis l’âge de 3 ans. C’était sa forme d’expression personnelle, même enfant. L’Art était avec lui dans le ghetto de Vilna, pendant sa cachette et ses voyages, au camp de Landsberg DP en 1946 et lors de son arrivée finale en Israël. Dans le cas de Bak, l’art était une vocation. Il avait littéralement peu ou pas de choix pour poursuivre sa vie d’artiste pratiquant. Il existe un catalogue raisonné en ligne où vous pouvez voir plus de 8 000 œuvres créées par Sam de 1946 aux années 2020.
J’ai lu dans certains articles que Sam avait récemment vécu des entretiens très émouvants avec des étudiants. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur sa volonté de transmettre ?
Sam est l’un des conteurs et professeurs les plus extraordinaires que je connaisse. Chaque fois que vous lui posez une question, vous recevez généralement une peinture à part entière en mots ! Une expérience récente a eu lieu à l’Université du Nebraska à Omaha où nous avons fait une exposition intitulée «Témoin». Là, il a spécifiquement rencontré des étudiants sur le thème de l’écriture d’une autobiographie et sur l’accès au passé grâce à leurs efforts créatifs dans le présent.
En conséquence, l’Université du Nebraska a décidé de construire un musée Samuel Bak pour lequel il fera don de 512 œuvres qui seront exposées à tour de rôle. C’est un miracle au-delà de toute croyance, en particulier en ces jours de pandémie, de difficultés financières et de troubles généraux au sein de notre nation… Cela représente un investissement important de cette université et son engagement pour l’avenir de ses étudiants. En outre, il servira à explorer et à élargir le dialogue autour des questions de choix moral et de philosophie et de la manière dont nous, en tant qu’êtres humains, y répondons.

Comment a-t-il vécu son retour à Vilnius en 2001 ?
En 1997, j’ai invité Sam à se joindre à moi pour un voyage intitulé «Roots» avec Sir Martin Gilbert, l’historien, et quelques amis. Il a dit qu’il ne pouvait pas revenir en arrière, que c’était trop douloureux. Quelques années plus tard, Rimantas Stankevicius, un homme issu de Vilnius, est venu en Nouvelle-Angleterre pour rechercher des chrétiens justes, Juozas Stakauskas, Marija Mikulska et Vladas Žemaitis, qui avaient tous contribué à sauver Sam et sa mère. Rimantas a ensuite invité Sam à revenir à Vilnius. Il a créé une carte avec les anciens noms de rue pour que Sam puisse trouver son chemin. Sam a des souvenirs très vifs.
Cela a conduit à l’exposition de 2001 de Vilnius. Je suis allé avec lui lors de ce voyage. C’était très émouvant. Il est venu avec sa femme et ses trois filles. Nous avons traversé les endroits où il avait vécu, où il s’était caché. Puis nous sommes allés à Ponary et à la seule pierre tombale qui commémore les quelques Juifs restants qui ont été tués en juillet 1944. Son père en était un. Sam se tenait devant cette pierre et versa sur le sol un mélange de sable du Sahara et les cendres de son petit-fils mort-né pour que son père et son petit-fils puissent être réunis à Ponary. C’était une expérience incroyable. Le livre Return to Vilna présente des peintures que Sam a réalisées après cette visite à Vilnius.

Rimantas continue d’être un ange gardien pour Sam. Il a non seulement encouragé Sam à revenir à Vilnius, mais a aidé à créer un Musée Samuel Bak là-bas. Sam leur a donné 126 peintures et nous avons demandé à de nombreux donateurs de donner des œuvres supplémentaires au musée. Le personnel, bien que pour la plupart non juif, est très motivé à partager l’héritage culturel juif. Ils utilisent son art pour réfléchir aux expériences passées des juifs de Vilnius et pour construire un avenir bien meilleur pour tous.
Pucker Gallery, 240 Newbury Street, Boston Massachusetts 02116
Tel : + 1 617 267 9473
https://www.puckergallery.com/

Lieu de naissance d’Emmanuel Levinas, Kaunas est une ville également connue sous le nom de Kovno. Avant la Shoah, c’était un centre majeur de la vie juive européenne, avec 40 000 juifs. La grande yeshiva de Slobodka y était installée, dans un quartier de banlieue aujourd’hui dénommée Vilijampole.
La présence juive dans la ville de Kaunas date au moins du 16e siècle. Ils y travaillèrent mais furent victimes d’expulsions, notamment suite à des décisions en 1682, 1753 et 1761 jusqu’à une présence stabilisée à la fin du 18e siècle. Lorsqu’ils furent réadmis officiellement en 1782.

Kaunas intégra la Russie suite à la partition de la Pologne en 1795. La population juive augmenta au fil du siècle. Elle passa ainsi de 2 000 à Kaunas et Slobodka en 1847 à plus de 25 000 à la fin du siècle. Cette évolution s’accompagna d’un grand développement culturel juif. De nombreuses yeshivoth virent le jour, parmi lesquelles Or Hayim, Knesset Beth Yitshak et Knesset Israel.
La synagogue est d’architecture classique sur deux étages, à façade bleue. L’orphelinat juif ainsi que l’ancienne école juive ont été fermés en 1951.

En 1908, 32 628 juifs furent recensés à Kaunas, ce qui constituait près de 40 % de la population totale. Lorsque la Lituanie fut indépendante pendant l’entre-deux-guerres, la population juive continua de progresser. Ainsi, il n’y avait pas moins de cinq journaux sur la culture juive.
Pendant la Shoah, de très nombreux juifs furent victimes à la fois de mesures violentes de privations de droits et de pogroms locaux. En 1941, des dizaines de milliers de juifs furent enfermés dans les ghettos du pays. Lesquels « accueillirent » des dizaines d’autres milliers de juifs transférés par les nazis d’autres régions européennes. Les ghettos furent transformés en camps de la mort. De nombreux juifs prirent part à la Résistance, rejoignant le maquis des forêts avoisinantes. Peu de temps avant l’entrée des troupes russes, les nazis accélérèrent les massacres. La grande majorité des juifs lituaniens furent massacré pendant la Shoah.
Face à cette situation, un homme représenta la courage au plus haut niveau, Chiune Sugihara. Le diplomate japonais sauva 6 000 juifs européens en leur accordant des visas.
Chiune Sugihara

Basé à Kaunas, Chiune Sugihara (1900-1986) fut le premier consul du Japon en Lituanie pendant quelques mois entre 1939 et 1940. Entre le 31 juillet et le 1er septembre 1940, Sugihara et l’un de ses collègues hollandais ont sauvés environ 6 000 juifs en émettant des visas, contre l’avis de leurs supérieurs, pour les faire sortir du pays.
Sugihara tamponna des visas jusqu’au moment où son train quittait Kaunas pour Berlin, lançant même son tampon à un juif par la fenêtre de son wagon, qui continua a émettre des visas. Cette action héroïque brisa la carrière du consul et mis bien évidement sa vie en danger. Beaucoup des juifs sauvés par Sugihara se sont établis en Israël et ont depuis lors honoré son action, puis à sa mort, sa mémoire. Vous pouvez visiter sa maison transformée en petit musée qui retrace le parcours de ce diplomate hors du commun.
Après la Shoah, une grande partie des survivants firent leur alya. Ainsi, en 1959, la ville compta moins de 5 000 juifs. Une synagogue et une troupe de théâtre yiddish constituèrent les principales attractions culturelles juives dans les années 1960. Suite à la fin de l’URSS et l’indépendance de la Lituanie au tournant des années 1990, près de 500 juifs habitèrent la ville.
En 2018, le Premier ministre japonais Shinzo Abe visita le musée dédié à Chiune Sugihara qui est situé dans l’immeuble qui accueillit le consulat pendant la guerre. Il déclara lors de cette visite que « le monde entier apprécia l’acte humanitaire courageux de Monsieur Sugihara, qui travailla avec conviction et passion. Il est une fierté pour le peuple japonais. »
En 2021, la ville de Jérusalem inaugura une place en hommage à Sugihara dans le quartier de Kiryath Yovel. Son fils, Nobuki Sugihara, participa à la cérémonie. Lui-même avait étudié à l’Université de Jérusalem à la fin des années 1960, habitant d’ailleurs à l’époque dans ce quartier. Il déclara lors de cérémonie être ému de voir les nombreux descendants de gens sauvés par son père. Le maire de Jérusalem, Moshé Lion, participa également à l’événement.

Fin 2021 a été inauguré à Kaunas le Centre Emmanuel Levinas . Salomon Malka, journaliste et auteur de plusieurs livres consacré au philosophe né dans cette ville, a participé à cet événement marquant une volonté de mise en avant du patrimoine culturel juif par les autorités locales.
Reportage de Salomon Malka : Kaunas 2022, les promesses de l’aube
Des visas pour la vie, c’est l’histoire de Sugihara, vice-consul japonais à Kaunas, au début de la Seconde Guerre mondiale. Avant la pandémie, on comptait une majorité de touristes japonais, une bonne partie d’Israéliens et des élèves des écoles de la ville, nous dit la jeune guide qui nous fait visiter les lieux. La pandémie a raréfié les touristes, et le musée est dans une situation financière difficile.

L’histoire de Sugihara est peu connue. On savait qui était Oskar Schindler, grâce au film de Steven Spielberg. Mais ceux qui avaient entendu parler de Sugihara, ce diplomate élégant et courageux qui sauva la vie de milliers de juifs et qui fut le premier consul du Japon en Lituanie, sont plus rares. Ses faits de gloire ont été courts mais intenses, ils s’étalent pendant quelques mois, entre 1939 et 1940.

Ils étaient deux au départ, et tout a commencé avec des réfugiés juifs de Pologne qui ont contacté Zwartendijk, nouveau consul de Hollande, lequel a immédiatement consenti à délivrer des visas de transit pour l’île de Curaçao, dans les Caraïbes. Le Néerlandais s’est ensuite rapproché de son collègue japonais qui s’est mis à faire la même chose depuis son bureau, et quand ce même bureau a été fermé par les autorités de son gouvernement, il s’est installé à l’hôtel Metropolis et a continué à délivrer des laissez-passer jusqu’au dernier jour de son départ de Lituanie, et ce contre l’avis de ses supérieurs. L’anecdote rapporte qu’il a même lancé son tampon par-dessus la fenêtre du wagon d’un train qui devait lui faire quitter le pays. A deux, avec Zwartendijk, ils ont réussi à émettre un nombre de visas avoisinant au moins les 10 000.

La maison que nous visitons, transformée en musée dans le quartier de Zaliakalnis raconte le parcours de ce diplomate pas comme les autres, qui sera distingué comme « Juste des Nations » par l’Institut Yad Vashem.
Certains des juifs sauvés par Sugihara se sont retrouvés aux Etats-Unis, et beaucoup d’entre eux en Israël, parmi lesquels l’ancien ministre des Cultes Zarah Warhafteg dont on trouve quelques portraits sur les murs. Longtemps, le diplomate nippon gardera cette histoire secrète. Il faudra attendre les années soixante pour que les premiers témoignages commencent à sortir.

La synagogue Ohel Jacob est un des rares édifices religieux à avoir été préservé à Kaunas, et un des derniers à continuer à être en activité. Son dôme a été endommagé pendant la guerre et c’est seulement en 2001 qu’il a été restauré.
Nous visitons cette synagogue, qui constitue aujourd’hui le centre religieux et culturel de la communauté juive, en compagnie du dirigeant Mausha Beirakat et de son fils. Construite en 1871 grâce au financement personnel d’un riche marchand de la ville Lewin Minkovski, de facture classique, elle est déployée sur deux étages.
Au deuxième étage, sur les murs, une impressionnante collection de toiles reproduisant à partir de photographies, des portraits de rabbins qui se sont succédé au long des années. Depuis le Gaon de Vilna jusqu’aux grandes figures de la prestigieuse yeshiva de Slobodka – elle était installée naguère dans un quartier de banlieue aujourd’hui dénommé Vilijampole -, ces portraits sont l’œuvre d’un ami de notre hôte, un Belge d’Anvers, non-juif, et qui a entrepris de peindre toutes les gloires locales couchées le long des murs et qui racontent l’histoire fabuleuse, intellectuelle, spirituelle de la ville de Kovno. A l’entrée de la synagogue, un hommage mural est rendu aux soldats tombés avant l’indépendance de 1989, un autre est érigé en monument en mémoire des soldats tombés dans la Première Guerre mondiale.

Revêtu d’une ample calotte noire, pas peu fier de ses tableaux, Mausha Beirakat nous offre le thé dans son bureau pendant que le fils se met au piano pour jouer du Chopin et du Debussy.
On songe au fait que la synagogue a servi d’entrepôt aux nazis pendant la guerre, et que c’est peut-être cela qui lui aura valu d’être préservée alors qu’une bonne partie des synagogues a été détruite. Il faut dire que Kovno, avant-guerre, comptait 40 000 juifs et 25 synagogues en activité, dont il ne reste plus que cet ultime témoignage.
Bel hommage de l’ancien Président de la République Wytautas Landsbergis à la soirée d’inauguration du Centre Emmanuel Levinas situé en plein cœur de Kaunas, sous l’égide de la Faculté de médecine. L’orateur n’élude pas les heures sombres, et notamment l’assassinat, au seuil de leur porte, des membres de la famille du philosophe, son père, sa mère, ses deux frères Boris et Aminadab.

Le petit-fils, David Hansel, rappellera que la mère de Landsbergis a sauvé la cousine de Levinas qui fut sa camarade des bancs de l’université, ce qui lui vaudra d’être distinguée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem. « On peut dire que les Litwaks sont l’honneur de la Lituanie », dira encore l’ancien Président. A quoi répondra, en écho, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, présent par un message-vidéo : « Je veux vous dire à quel point le judaïsme français en est fier, après les 350 ans du Gaon de Vilna qui avaient été aussi célébrés par la Lituanie ».
Parmi les grandes figures honorées par les Lituaniens, il faut compter un autre illustre écrivain, natif non pas de Kaunas mais de Vilnus celui-là, et c’est Romain Gary. Toute son œuvre est traduite en lituanien. Une rue porte son nom à Vilnius. Un monument a été érigé au coin de la rue où il a vécu enfant, qui représente un môme observant le ciel, extrait d’une scène autobiographique où il évoque sa mère – merveilleuse figure maternelle qui continuait à lui envoyer des lettres au front alors qu’elle n’était déjà plus de ce monde. Il dira d’elle, en plaisantant à moitié seulement : « Ma mère est le premier général de Gaulle que j’ai rencontré ! » Le livre s’intitule La Promesse de l’aube.
Avec ces deux noms, Levinas et Gary, la Lituanie est parée pour 2022, année où la ville de Kaunas est consacrée capitale européenne de la culture.

Klaipeda est l’ancienne ville allemande de Memel, donc un lieu où le judaïsme subit lui aussi l’influence de l’orthodoxie moderne née dans l’Allemagne du XIXe siècle. La ville compte encore environ 300 juifs.
Malgré des droits de séjour limités, la présence juive à Memel, sous contrôle prussien à l’époque, date du milieu du 16e siècle. Ils obtinrent progressivement la possibilité de participer aux foires marchandes au siècle suivant.
Ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’ils purent y former une communauté. Au milieu de ce siècle elle fut composée de 400 personnes. Un chiffre qui augmenta à 2000 en 1910, puis à 9000 en 1939. Israel Lipkin (Salanter), le fondateur du Moussar, y vécut, créant une yeshiva dans les années 1860-1880.
La ville changea de nom après la Première Guerre mondiale, devenue Klaipeda suite au Traité de Versailles de 1919. La plupart des juifs de Klaipeda réussirent à s’enfuir dans le nord du pays avant l’invasion des nazis en 1939, mais firent partie des nombreuses victimes lituaniennes de la Shoah.
La population juive de la ville était composée de 1000 personnes en 1967 et déclina graduellement par la suite à 700 en 1990. L’année suivante, un monument à la mémoire des victimes de la Shoah a été érigé dans le cimetière municipal.
Le cimetière juif a été établi en 1759.
Sources : Yivo
Ponavezhis est le nom lituanien de Ponejev, célèbre pour sa yeshiva, que son maître d’avant-guerre, le rav Yossef Kahaneman, établit ensuite à Bnei Brak, le quartier orthodoxe de Tel Aviv.

La yeshiva de Ponejev en Israël est aujourd’hui le centre principal du courant des mitnaggedim et a donné naissance au parti politique israélien Deguel Hatorah.
Son leader, le rav Eliezer Schach, était jusqu’à sa mort en novembre 2001, l’un des derniers survivants du monde religieux d’avant la Shoah.
Il ne reste rien de tout cela. L’actuelle communauté comprend une centaine de personnes.

La capitale compte 9 000 juifs environ. On y trouve le seul hôpital juif de l’ex-URSS. La Société lettone pour la culture juive est la principale organisation d’une communauté dans l’immense majorité laïque.
La capitale lettone demeure aujourd’hui un centre financier et culturel important. La présence juive à Riga remonte au moins au 13e siècle. Expulsés au 14e siècle, ils se réinstallèrent à partir de 1561 lorsque la Pologne contrôla le territoire. Auparavant obligés d’enterrer leurs morts en Pologne, les juifs lettons obtinrent la permission de construire un cimetière en 1725. Malgré l’amélioration de leur situation, il n’y avait au milieu du 18e siècle qu’environ deux cents juifs à Riga. La plupart étant des artisans, intellectuels et médecins.

Au 19e siècle, la population juive passa de 513 en 1824 à plus de 20 000 en 1897. En 1935, la communauté juive atteint son apogée avec 43 672 membres, ce qui représentait alors 11 % de la population de Riga. L’immense majorité de ceux qui n’avaient pas pu fuir l’invasion nazie fut massacrée pendant la Shoah.
Suite à la défaite allemande, la communauté se reconstitua, notamment avec des juifs originaires d’autres parties de l’Union soviétique. Ainsi, ils étaient 23 000 en 1989, avant la chute de l’empire soviétique et l’indépendance retrouvée de la Lettonie. Une bonne partie d’entre eux migrèrent vers Israël, l’Angleterre et les États-Unis.
L’indépendance de la Lettonie permit le renouvellement de la vie juive, comme l’illustrèrent l’ouverture d’écoles juives et de yeshivoth au début des années 1990.

Il subsiste peu d’édifices religieux. La synagogue Kar Schul , ouverte en 1871 et située au numéro 25 de la rue Gogol a été brûlée en 1941. Plusieurs centaines de personnes ont péri, enfermées à l’intérieur. Il en reste des ruines ainsi qu’un monument commémoratif de pierre grise sur lequel est gravé une étoile de David.
La synagogue de la rue Peitavas, construite en 1905, a pu être restaurée car, utilisée par les nazis comme entrepôt, elle échappa à la destruction. Elle est aujourd’hui à nouveau un lieu de culte.
Le Musée juif est situé dans l’immeuble historique qui abritait l’ancien théâtre juif. Le centre communautaire actuel s’y trouve également. Le musée présente une exposition sur l’histoire des juifs de Lettonie et une vidéo retraçant le déroulement de la Shoah dans le pays. Il consacre également une section à plusieurs juifs célèbres, natifs de Riga.

Parmi eux : le philosophe israélien Yeshayahu Leibowitz, penseur original et controversé d’une stricte orthodoxie ouverte sur la modernité et pacifiste de gauche ; le philosophe du politique, Isaiah Berlin (1909-1997), devenu citoyen britannique et professeur à Oxford ; le grand rabbin Avraham Kook (1865-1935), qui fut le mentor du mouvement sioniste religieux et le premier Grand Rabbin de Palestine sous le mandat britannique.
Sur l’immeuble de la rue Alberta où vécut Isaiah Berlin est apposée une plaque commémorative (il s’agit du seul immeuble à façade jaune de la rue). Celui-ci, comme tous ceux de la même rue, est dû à l’architecte russe Eisenstein, père du célèbre cinéaste.
L’ancien cimetière juif est désormais transformé en parc. Le nouveau cimetière juif , créé en 1920, comprend plusieurs milliers de stèles, et les registres de décès consultables couvrent la période de 1951 à nos jours.
Il existe à l’université de Riga un Centre pour les études juives , fondé en 1998 et dirigé par le professeur Ruvin Ferber. Il comprend une bibliothèque.
Les visiteurs généalogistes qui souhaitent retrouver les traces de leur famille peuvent d’adresser aux Archives historiques d’État , qui possèdent des documents sur la plupart des villes et villages à présence juive avant la Shoah.
On notera que le kibboutz Shefayim, en Israël, héberge l’Association des juifs originaires d’Estonie et de Lettonie, qui possède une bibliothèque et des archives importantes sur la vie des shtetlekh d’avant la Shoah.

Des monuments en souvenir des juifs de Riga massacrés pendant la Shoah ont été érigés dans les forêts de Rumbala et Bikernieki. Du 30 novembre au 8 décembre 1941, 25 000 juifs furent assassinés par les nazis dans la forêt de Rumbala . Suite à un long combat avec les autorités soviétiques après la guerre, la communauté juive locale obtint le droit en 1964 d’y installer une pierre mémorielle. Le mémorial actuel, au centre duquel se trouve une menorah, a été construit en 2002.
Entre 1941 et 1944, 35 000 personnes furent assassinées dans la forêt de Bikernieki , principalement des juifs et des opposants politiques du régime nazi. Environ 20 000 Juifs y sont enterrés. Une structure métallique symbolisant les horreurs de la Shoah a été érigée en 2001, des milliers de pierres en granite entourant un cube noir.
À l’endroit où se dressait un camp de concentration est situé un mémorial aux victimes de la Shoah. Un autre camp se situait à Vaivara. Entre aout et septembre 1943, les 9 000 personnes encore présentes dans le ghetto de Vilnius furent envoyées dans les camps de concentration d’Estonie. Les trois principaux camps étaient ceux de Valveira, Klooga et Lagedi. Chacun de ces camps gardait près de 3 000 personnes. Une vingtaine d’autres camps plus petits emprisonnèrent le reste des déportés.

Au mois de juillet 1944, face à l’approche des troupes soviétiques, les camps de concentration furent graduellement évacués et les prisonniers transférés au camp de Stutthof. 426 juifs furent assassinés au camp de Lagedi le 18 septembre et 2 500 le lendemain au camp de Klooga. Seuls 85 prisonniers réussirent à se cacher et survécurent. Ce camp fut libéré une semaine plus tard par l’Armée rouge.
En 1994, un monument en souvenir des victimes a été érigé sur le lieu où se trouvait le camp de Klooga.

La synagogue (moderne) n’est pas un édifice monumental mais plutôt un bâtiment bas, ressemblant à une maison d’habitation, comme l’immense majorité des synagogues d’avant la Shoah.
La présence juive dans la ville de Tallinn semble dater du 14e siècle. De 1561 à 1710, lors de la prise de la ville par l’armée suédoise, l’installation de juifs fut interdite. Suite à cela, Tallinn fut capturée par la Russie. Mais la réinstallation dans la ville ne fut pas beaucoup facilitée.

Ceux qui fondèrent une communauté furent principalement issus des rangs militaires russes en poste dans la ville. Une synagogue fut fondée à Tallinn en 1883 et située dans le centre-ville, un lieu d’accueil qui motiva la venue d’autres juifs dans la ville et la création d’un centre culturel, d’un mikvé et de boucheries. Ainsi, en 1897, la population juive était de près de 1 200 personnes.
En 1922, on compta près de 2 000 juifs et une vie culturelle très présente, notamment scolaires. L’annexion par l’URSS en 1940 mit fin à l’organisation communautaire locale. Des mesures brutales furent appliquées par les soviétiques.
Suite à l’occupation allemande, la Shoah fit un très grand nombre de victimes dans la ville et la synagogue fut détruite par des bombardements. Très peu survécurent, on estime à près de 10 000 personnes assassinées.

La présence juive fut assez stable entre la fin de la guerre et les années 1970, tournant autour de 3 700 personnes. Suite à la Perestroïka et à l’indépendance du pays, de nombreux juifs émigrèrent, principalement vers Israël.
Suite à la Perestroïka et l’accès à l’indépendance de l’Estonie, une Société culturelle juive fut fondée dans la ville en 1988. L’année suivante, une école juive fut ouverte. Il n’y avait pas de synagogue, mais des lieux prêtés pour accueillir temporairement les prières et célébrations.

Une nouvelle synagogue vit le jour à Tallinn au tournant du 21e siècle. En 2012, la présence juive fut estimée à 1700 personnes, bien loin des 5500 en 1959. L’ouverture constitua un événement marquant puisqu’il s’agissait de la première synagogue bâtie après-guerre et se déroula en présence du Premier ministre. Le bâtiment accueille également un lieu de restauration cacher, un mikvé et un musée .
Un ancien cimetière juif est présent à Tallinn depuis 1856, rue Magaziin. Un nouveau cimetière a été ouvert en 1909 rue Rahumae. A l’occasion du centenaire, il fut rénové et accueille un monument en hommage aux victimes de la Shoah.

Malgré l’interdiction faite aux juifs de résider en Russie, hors de la zone qui leur était attribuée, il y eut, dès le XVIIIe siècle, des exceptions remarquables, notamment dans la capitale, Saint-Pétersbourg, où se concentrait l’intelligentsia juive russe.
En 1900, on comptait déjà 20 385 juifs à Saint-Pétersbourg, soit 1,4 % de la population. Ce chiffre sera de 50 000 en 1917, soit 2 %, de 95 000 en 1929, soit 5,3 %, et 201 000 en 1939, soit 6,3 %. Aujourd’hui, la communauté juive de Saint-Pétersbourg est estimée à un peu plus de 80 000 membres.

La communauté juive de Saint-Pétersbourg (puis de Léningrad) s’est caractérisée par une composition sociale de niveau plus élevé que les communautés des shtetlekh d’Ukraine et de Biélorussie, dans la mesure où ce sont les plus cultivés qui parvenaient à quitter les ghettos pour la grande ville. Il y avait bien sûr beaucoup d’artisans, mais aussi un grand nombre d’employés, de petits fonctionnaires, de membres de professions libérales (médecins, juriste) et d’artistes, dans leur majorité férus d’assimilation : si en 1869, 98% des juifs de Saint-Pétersbourg déclaraient le yiddish comme langue maternelle, ils n’étaient plus que 55 % en 1910, 30 % en 1926, 20 % en 1939, et un nombre infime aujourd’hui. Cette perte progressive d’intérêt pour la langue maternelle, assez logique dans une capitale prestigieuse où chacun vise l’ascension sociale, a contribué à la faiblesse relative du succès du Studio de théâtre juif de Granovski, sondé en 1919 à Petrograd, dans l’île Vassilievski, qui dut déménager en 1920 à Moscou, où le public est plus populaire.
De grands Pétersbourgeois
Dans cette ville, de nombreuses personnalités juives eurent une influence dans la vie sociale et politique de la Russie. En voici quelques-unes.
Piotr Chafirov (1669-1739) ; fils d’un marchand de Smolensk, éminent homme d’État, diplomate et homme d’affaires, il fut le conseiller de Pierre Ier. Anobli, maître de la politique étrangère de la Russie, il est également l’ancêtre du poète Viazemski et de l’écrivain Alexis Tolstoï.
Simon Dubnov (1860-1941) : le grand historien du monde juif, auteur de nombreux livres, notamment de l’Histoire générale du peuple juif en dix volumes, mourut dans le ghetto de Riga.
Abram Peretz (1771-1833) : fils d’un rabbin de Lubartów (Pologne), il vient à Saint-Pétersbourg sous la protection de Potemkine, et devint conseiller commercial du gouvernement.
David Feinberg (1840-1916) : venu d’Allemagne, installé à Saint-Pétersbourg depuis la fin des années 1860, il fut le mécène de la synagogue chorale.
Jacob Halperin (1840-1914) : fonctionnaire du ministère de la Justice.
Samuel Palakors (1837-1888) : financier, fondateur de banques et constructeur de chemins de fer, il a participé à hauteur de 16 % à la construction de la synagogue chorale
Anton Rubinstein (1829-1894) : né en Podolie (Ukraine), célèbre pianiste, compositeur et chef d’orchestre, il fonda la Société musicale de Russie en 1859, et le conservatoire de Saint-Pétersbourg en 1862, qui devrait porter son nom.
Maxime Vinaver (1863-1926) : juriste et homme politique, membre du parti cadet, député, il fut élu membre de l’Assemblée constituante en 1917 et devint ministre du gouvernement du général Wrangel.
Il n’y a pas à proprement parler de quartier juif à Saint-Pétersbourg, les juifs s’étant disséminés dans chaque arrondissement de la ville. Pourtant, on peut quand même distinguer des secteurs où ils étaient plus nombreux, plus concentrés qu’ailleurs et où ils se fixaient par prédilection.
La rue des décembristes
Dans cette ancienne rue Offizierskaïa, près de la synagogue et de la place Teatralnaïa, se trouve encore, au numéro 18, derrière le théâtre Marinski, le bâtiment du grand lycée juif Eisenbeth (aujourd’hui caisse du théâtre Marinski).
Tout au bout de la rue des Décembristes, au numéro 57, se trouve la maison d’Alexander Blok , où il vécut de 1912 à 1921 et mourut.
Ce secteur se prolonge dans les alentours du canal Griboïedov, où se trouvait, au numéro 140, la société d’aide aux juifs pauvres avec sa soupe populaire et un mikveh.
L’île Vassilievski
Ce quartier, si populaire avec son marché dans la rue Bougskaïa, semble directement sorti d’une ville de Podolie, Tchortkow ou Jmerinka. Dans les rues adjacentes dites de 10ᵉ ligne ou de 5ᵉ ligne, se trouvait une école juive (la 14ᵉ école nationale juive au numéro 37 de la rue de la 10ᵉ ligne) et le musée de la Société historico-ethnographique juive (au numéro 50 de la 5ᵉ ligne), où travaillait Simon Dubnov, ouvert en 1916 par An-Ski, pseudonyme de Salomon Zainwil Rapoport, et qui fut fermé en 1929, en même temps que la plupart des institutions juives de Saint-Pétersbourg.
La synagogue chorale est le centre névralgique de la vie juive à Saint-Pétersbourg. Ce bâtiment imposant, avec une haute coupole, a été édifié en 1899 grâce à l’argent donné par de nombreux mécènes. La grande salle restaurée a été rouverte en 2001. Contrairement à Moscou, c’est l’unique synagogue de la ville et elle regroupe toute la communauté juive. Ce lieu est aujourd’hui le centre de la communauté juive et regroupe toutes les institutions qui en dépendent, yeshiva, cuisine casher, magasin, bibliothèque.
La mémoire de la communauté juive de Saint-Pétersbourg et, plus généralement, des juifs de Russie est conservée à la bibliothèque du centre communautaire juif , très bien fournie. On y trouve notamment une collection unique de samizdats juifs de l’époque soviétique et des périodiques juifs depuis le début de la perestroïka.
À la différence de Moscou, il existe à Saint-Pétersbourg un cimetière juif, Preobrajenskoié, assez excentré, au sud-est de la ville. Il est immense. Une synagogue construite en 1908-1912 par l’architecte Gewirtz s’élève à l’entrée, avec une sorte d’atrium, des colonnes. Bien entretenu, le cimetière témoigne de la vitalité de la communauté juive de Saint-Pétersbourg.

En raison de l’expulsion des juifs de Russie et de leur confinement très strict à l’intérieur de la « zone de résidence », il y avait très peu de juifs à Moscou avant 1900, ce qui explique l’absence de quartier juif dans la capitale. Le recensement de 1902 mentionne 9 048 juifs à Moscou, soit bien moins de 1 % de la population.
Les synagogues et centres communautaires
La Grande synagogue chorale a été édifiée en 1891 dans un style néoclassique avec des colonnes dignes d’un temple romain, par l’architecte Ebuchits, mais les atermoiements de l’administration et les différentes restrictions émises par le régime tsariste n’ont pas permis qu’elle soit ouverte officiellement avant 1906. En effet, à peine construite, un oukase du nouveau préfet de police de Moscou expulsa les artisans juifs de la ville et imposa à la communauté juive de vendre la synagogue avant le 1er janvier 1893, ou de la transformer en « institution de bienfaisance ».

Le pouvoir voulut y installer l’École des métiers puis changea d’avis et autorisa la communauté juive à y installer une école, un Talmud Torah. Finalement, ce n’est qu’en juin 1906 que fut donnée l’autorisation de faire les travaux intérieurs, confiés à l’architecte Klein, nécessaires à l’établissement d’une synagogue. Elle fonctionne depuis cette date sans avoir été fermée.
La synagogue Khabad Loubavitch fut fondée dans les années 1920. Elle a été marquée par l’action du rabbin Mosche ben Itshak-Ayzik, fusillé en 1938. Rouverte cinquante ans après, elle regroupe aujourd’hui les juifs orthodoxes. À l’intérieur, se trouve une librairie juive très intéressante.
La synagogue et centre communautaire Chaverim a été inaugurée en 2012 par le mouvement Loubavitch et avec le support de la Fédération juive de Russie. Située à côté de l’université de Moscou, elle accueille de nombreux étudiants. Le centre propose des services réguliers pendant shabbat et les fêtes, un centre éducatif et une cafétéria. À noter encore, le Centre Communautaire de Moscou , fréquenté en grande partie par les communautés expatriées anglophones et israéliennes, et le Centre Communautaire Libéral de Moscou , réformiste, qui concentre ses activités sur les familles et les enfants.
La synagogue cachée
À l’époque soviétique, l’adresse de la Grande Synagogue de Moscou était tenue secrète. Ainsi un guide de 1988 la présente en ces termes : « Le bâtiment à la colonnade solennelle (au numéro 10) a été construit au milieu des années 1890 par l’architecte S. Eibouchitz (intérieur de Klein, 1906) ». En 1948, la synagogue accueillit cependant le premier ambassadeur d’Israël : Golda Meïr.
La vie juive moscovite
Au cours des années qui ont suivi la Première Guerre mondiale et la révolution d’Octobre, de nombreux juifs ont afflué de l’ancienne « zone de résidence » vers la nouvelle capitale. En 1917, on dénombre déjà 60 000 Juifs à Moscou, soit 3,5 % de la population ; en 1923, ils sont 86 000, soit 5,6 % et en 1939, 250 000, soit plus de 6 %. Parmi eux, beaucoup d’intellectuels et d’artistes novateurs, des écrivains comme Ehrenbourg, Grossman, Alexandre Blok, Peretz Markish ; des cinéastes comme Sergueï Eisenstein, des hommes de théâtre comme Alexander Granovski et Solomon Mikhoëls, des peintres comme El Lissitzky et Marc Chagall.

Un des hauts lieux de la culture juive à Moscou dans les années 1920 est le GOSET, théâtre juif d’État fondé par Alexander Granovski, avec l’apport de Marc Chagall pour les décorations, puis de Faltz et Altman et de l’acteur Solomon Mikhoëls, dont un des grands succès fut la mise en scène des Voyages de Benjamin III de Mendel Sforim en 1927. Leur théâtre se trouvait dans la Malaïa Bronnaïa, près du boulevard Tverskoï, à l’emplacement de l’actuel théâtre « Na maloï Bronnoï ». Tout ce bouillonnement intellectuel sera étouffé dès la fin des années 1920 et disparaîtra complètement dans les années 1930 avec la fermeture des écoles yiddish (1935) et l’interdiction de toute vie culturelle juive.
C’est donc après une traversée du désert de cinquante ans que la vie juive renaît depuis quelques années à Moscou. Ainsi, le Musée du Judaïsme et de la Tolérance a ouvert ses portes en 2012. L’exposition permanente présente l’histoire des juifs de Russie depuis Catherine II jusqu’à aujourd’hui de manière interactive. Le musée propose aussi des programmes d’éducation, des expositions temporaires et des conférences.
Enfin, les organisations Avi Chai et Jewish Moscou proposent des rencontres, des visites guidées et autres événements qui font revivre la vie juive moscovite jour après jour.
La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Fondée en 1594 par le voïvode Stanislaw Zolkiewski, Zolkiew fut construite, comme d’autres villes polonaises, selon la représentation de la « ville idéale » de la Renaissance, importée par le théoricien Pietro Cattanneo.

La ville s’agence régulièrement autour de la vaste rynek (« place centrale »), d’où l’on découvre le château, qui fut au XVIIe siècle la résidence du roi de Pologne Jan Sobieski, la cathédrale catholique, majestueuse, l’église uniate et, à peine cachée derrière, l’ancienne porte qui s’appelait Zydowska brama, la magnifique synagogue, monument historique du XVIIe siècle, élevée entre 1696 et 1700 avec le soutien financier du roi Jan III Sobieski lui-même, qui mit à disposition son architecte personnel Piotr Bebra.
Les vestiges de la synagogue de Zolkiew
La synagogue de Zolkiew, qui n’a pas été détruite par les nazis malgré leurs tentatives de dynamitage, est à l’extérieur relativement bien conservée, même si les vitres sont brisées, le toit abîmé, et si l’on peut craindre le pire pour l’avenir (en ruines au milieu de la ville, elle ne se visite pas).
Chef-d’œuvre de la Renaissance, elle était l’une des plus belles et plus grandes synagogues de Pologne et est indéniablement aujourd’hui la plus belle de toute l’Ukraine. Sa façade, peinte en rose, un peu décolorée, est ornée de trois portails en bas-relief délimitant trois nefs, et son toi est aussi sculpté que celui d’une cathédrale.
À l’intérieur, il ne reste que les lourdes colonnes supportant le toit, aucune décoration sur les murs, et le sol est jonché de gravats. Bien qu’officiellement sous la protection des Monuments historiques de la ville, trop peu est fait pour maintenir en état cet édifie magnifique en péril.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Sur la route de Lvov à Kiev, la ville la plus importante est Rovno, jadis polonaise qui était à plus de 40% juive avant la guerre.

Elle mérite d’être visitée pour ce qui reste de son quartier juif, rue Zamkowa, avec la synagogue Wielka (« ancienne »), à l’angle de la rue Szkolna : spacieuse, dominant tout le quartier, elle a été transformée en salle de sports. À côté, se trouve la synagogue Mala (« petite »), plus ancienne, aujourd’hui à nouveau en service.
L’impressionnant mémorial de Sosonki
À 3 ou 4 km de Rovno, sur la route de Kiev, sur la gauche avant la sortie de la ville, le mémorial de Sosonki est très marquant. C’est là que, le 6 novembre 1941, furent exécutés en un jour les 17 500 habitants du ghetto de Rovno, dans une immense fosse commune de forme circulaire. Jusqu’en 1998, ce mémorial était bien visible de la route, indiqué par une haute inscription en lettres hébraïques et cyrilliques « Sosonki ».
Celles-ci ont été arrachées en 1998, ainsi que la partie la plus originale du monument : l’allée de personnages en métal semblant s’enfoncer dans la terre. Il reste aujourd’hui les stèles – malgré un acte de vandalisme en 2012 – tout autour de la fosse commune, avec le nom en yiddish des personnes exécutées.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
La ville de Brody, créée en 1584 par Stanislaw Zolkiewski, connut un grand développement à partir de 1629, quand le voïvode Stanislaw Koniecpolski fit appel à l’ingénieur et capitaine d’artillerie Guillaume Levasseur de Beauplan pour édifier les fortifications et le tracé régulier de la nouvelle ville.

Après l’annexion de la Galicie polonaise par l’Autriche en 1772, Brody eut droit pendant 100 ans (de 1779 à 1880) au statut de « ville franche », exonérée de taxes. Cet avantage contribua à attirer marchands et artisans juifs qui formaient, au XIXe siècle, 80 % de la population.
L’ancien quartier juif, au sud de la rue d’Or, s’étend aux rues Scholem Aleïkhem , Evreïskaïa , Armianskaïa , avec aujourd’hui encore des maisons détruites, des cours, un ancien magasin avec l’enseigne « Lustiger »…
Les vestiges d’une des plus belles synagogues
Les murs de l’ancienne synagogue du XVIIe siècle se dressent encore dans la rue Szkolna ou Shulgas, qui était l’une des plus belles de la région, comparable à celle de Zolkiew : fortifiée avec des étages marqués par des colonnettes et des constructions attenantes sur les flancs.

L’ancienne Israelitische Realschule, située au-delà de la place centrale, était une école de la langue allemande jusqu’à la Première Guerre mondiale. Joseph Roth y fit ses études. Elle est devenue aujourd’hui une école ukrainienne.
Brody dans la littérature
Balzac s’y arrêta en septembre 1847, alors qu’il allait voir madame Hanska en Ukraine. Il dut y rester une journée et une nuit avant de trouver un fiacre, car personne ne travaillait à Brody le jour de Rosh HaShana et « les juifs de Brody, pour des millions à gagner, ne quitteraient pas leurs cérémonies » (Balzac, Lettre sur Kiev).
D’autres écrivains ont parlé de Brody : Joseph Roth y est né en 1894 et l’évoque dans La Marche de Radetzki (Paris, Seuil, 1995) ; Isaac Babel la décrit dans La Cavalerie rouge (Arles, Actes Sud, 1997) et dans son Journal de 1920 (Paris, Balland, 1991).
Le cimetière juif, immense, magnifique, presque intact, se trouve à l’extrémité nord de la ville, juste avant la forêt. C’est un véritable musée en plein air fait d’alignements de tombes portant des motifs soigneusement taillés, lions, cerfs, mains, chandeliers.
Mémorial de la Shoah
Les inscriptions sont presque toujours en hébreu, parfois en allemand. Aucune tombe n’est postérieure à 1941 ou 1942.

À l’extrémité du cimetière, dans la forêt, un monument commémore l’assassinat des juifs de Brody, exécutés dans une fosse commune dès juillet 1941 ou déportés à Belzec. Il ne reste plus un seul juif à Brody sur les 12 000 d’avant la guerre.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Lvov -Lviv en ukrainien, Lwow en polonais, Lemberg en allemand, Léopol en français-, ville longtemps de culture polonaise, fit partie successivement de la Pologne, de l’Autriche-Hongrie, puis à nouveau de la Pologne entre les deux guerres. Annexée par l’Union soviétique lors du pacte germano-soviétique en 1939, elle fut occupée de 1941 à 1944 par l’Allemagne nazie, puis reprise par les Soviétiques après la Seconde Guerre mondiale et rattachée à l’Ukraine.

La communauté juive de Lvov est mentionnée depuis le XIIIe siècle, c’est-à-dire depuis la fondation de la ville. Dès la seconde moitié du XIVe siècle, il y eut à Lvov deux quartiers juifs, ce qui distingue Lvov de la plupart des grandes villes européennes : l’un se trouve « hors les murs », dans le faubourg de Cracovie (Krakowskie przedmiejsce) autour de la place Stary rynek (du « vieux marché ») et date de 1352 ; l’autre, qui date de 1387, est situé dans la ville.
L’ancien ghetto intra-muros
L’ancien ghetto s’étendait autour des actuelles rues Ruska , Straroevreïska et Fedorova , à proximité de l’arsenal, au sud-est du centre-ville. On peut y voir aujourd’hui l’emplacement de la Zolotaïa Roza Gildene Roiz (« grande synagogue de la rose d’or »), à l’angle des rues Straroevreïska et Fedorova.

Élevée en 1582, elle était un chef-d’œuvre du gothique flamboyant avec de hautes ogives qui dominaient tout le quartier et elle fut, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’un des plus beaux et anciens édifices de Lvov. Elle devait son nom à l’épouse de Nahman, Rosa Jakubovna. Détruite en 1941 par les nazis, il ne reste aujourd’hui que la place vide à l’angle des deux rues, quelques vestiges d’ogives et une plaque commémorative en anglais et en ukrainien.
L’ancien ghetto hors les murs
L’ancien ghetto « hors les murs » est beaucoup plus important en superficie. C’est ici, au nord du centre-ville, que s’établirent les juifs de Lvov tout au long du XIXe siècle. Le quartier devint, pendant l’occupation allemande, un ghetto.
Derrière l’opéra se trouvait la Zydowska brama (« porte juive »), à quelques pas de la Krakowska brama (« porte de Cracovie ») que les juifs de Lvov appelaient Vor der Shul (« devant la synagogue »).
L’actuelle rue Bodgan-Khmelnitsky se prolonge dans la rue Zamarstynowska, la rue centrale du ghetto. Ici, toutes les maisons avant la guerre étaient juives. Dans la petite rue Sanska , anciennement Boznicza (« rue de la synagogue »), s’élevaient la grande synagogue du Faubourg et, un peu plus bas, la Hassidim Schul. Les deux emplacements sont aujourd’hui des places vides : une plaque a été apposée en anglais et en ukrainien, sur le mur de l’ancienne synagogue hassidique, élevée au XVIIe siècle, reconstruite au XIXe et détruite en 1941.
Synagogue des Hassidim
Dans ce quartier qui en possédait un grand nombre, seule une synagogue peut être visitée, c’est l’ancienne synagogue des Hassidim novateurs ; longtemps transformée en salle de sports, elle a été rendue récemment à la communauté juive qui en a fait le siège de l’Association culturelle Sholem Aleïkhem , qui organise des rencontres pour les personnes âgées et édite la revue Chofar.
Pour s’imprégner de l’ancien quartier juif de Lvov, vous vous promènerez dans les rues Zamarstynowska , Muliarska , Balabana , Koulicha , et dans tout le périmètre situé au nord de la ville. Dans la rue Tchernovola, ex-rue des 700 ans de Lvov, au-delà du pont de chemin de fer, s’élève un monument datant de 1991, commémorant le massacre des 136800 juifs de Lvov, exterminés dans le ghetto ou déportés entre 1941 et 1943.
Sur les traces de Sholem Aleïkhem
Une autre exploration possible du ghetto commence, à l’ombre de l’opéra, de l’autre côté de la rue Gorodecka . Pénétrant dans la rue Szpitalna , vous vous trouverez transporté peu à peu dans le monde des anciens shtetlekh. Bien que la rue ne soit plus juive, elle a conservé son aspect de jadis, son marché avec des vendeurs portant des vêtements et autres objets à bout de bras.
À l’angle qu’elle forme avec la rue Kotliarska , se trouve une plaque indiquant que l’écrivain Sholem Aleïkhem a vécu dans cette maison en 1906. Plus loin, la rue débouche sur une place très animée où convergent les rues Rappaport, Sholem Aleïkhem, Bazarna : c’était l’un des centre d’animation du ghetto, à proximité de l’ancien marché de Cracovie (Krakowski rynek), devenu « bazar ». Dans la rue Rappaport se trouve l’ancien hôpital israélite, un grand bâtiment élevé dans le style mauresque avec une coupole orientale.
Sur la façade, on peut déchiffrer encore les lettres polonaises arrachées : « Izraelicki Szpital », ainsi que les lettres hébraïques recouvertes par une inscription en cyrillique : « Maternité numéro 3 ». Le jardin de la maternité est bordé par un terrain qui n’était autre que le vieux cimetière juif de Lvov, qui remontait au XIVe siècle, dont d’anciennes photos permettent de se faire une idée de la richesse. Il a été totalement rasé et, à sa place, se trouve une extension du bazar.
Dans la rue Sholem Aleïkhem, se trouve un très beau bâtiment dont l’entrée monumentale s’apparente à celle de la gare d’Orsay : jadis consistoire israélite, avec le tribunal rabbinique, cet édifice abrite aujourd’hui le Bnai Brith « Leopolis » et le Centre d’études juives de Lvov.
Le camp de Janowska
On arrive ensuite rue Chevtchenko , plus connue des historiens de l’Holocauste sous son ancien nom de rue Janowska. Dans cette rue se trouvait, à l’intérieur du ghetto, un véritable camp de concentration, le sinistre camp de Janowska. Il s’élevait à la place des actuelles casernes de cette rue. À l’extrémité de la rue, vous trouverez le cimetière Janowski , dont une partie est un cimetière juif. Presque toutes les tombes sont postérieures à 1945, donc écrites en russe.
L’unique synagogue en service de Lvov se trouve plus loin encore, dans le quartier de la gare, rue des Frères Mikhnowski, anciennement rue Moskovskaïa.

Le quartier juif de Lvov s’étendait aussi au sud de la rue Gorodecka et à l’ouest de la perspective Svobody . Ainsi, dans la rue Nalivaïko , à la hauteur du numéro 11, vous verrez encore sur la façade d’un ancien magasin des inscriptions en yiddish. Plus loin, sur la place qui forme l’angle des rues Nalivaïko et Grebinka, se trouvait une synagogue, aujourd’hui rasée. En face, le théâtre de marionnettes (Teatr lalok) de la rue Grebinka est l’ancien théâtre juif de Lvov . Un peu plus loin dans la rue Bankovska , un emplacement vide entre deux maisons signale lui aussi une ancienne synagogue.
Un témoignage
En 1929, Albert Londres visite les communautés d’Europe orientale et décrit ainsi le ghetto de Lvov : « Le marché est le cœur du ghetto. Un amas de baraques comme celles qu’on construit après un tremblement de terre ou l’incendie d’une ville… Un marché ? Un champ d’épandage, oui ! Le choix de toutes les boîtes à ordures de la ville polonaise ! »
Albert Londres, Le Juif errant est arrivé. Le Serpent à Plumes (Paris, 2000).

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.

Medzyborz, en Podolie, est une ville mythique pour les communautés juives, depuis que s’y établit en 1740 Israël ben Eliezer, plus connu sous le nom de Baal Shem Tov.
Israël ben Eliezer, dit le Baal Shem Tov
Le Baal Shem Tov, ou Besht, fondateur du mouvement hassidique, eut une influence considérable aux XVIIIe et XIXe siècles dans le monde juif d’Ukraine et de Pologne, insufflant à la religion une dimension à la fois spirituelle, populaire et festive. « Le Baal-Shem lui-même dansait le soir avec ses disciples. Prenant à la main le rouleau de la Torah, il dansa. Puis il reposa les Saintes Écritures et dansa. Alors l’un des disciples expliqua : « Voici que notre Maître laisse à présent la Torah visible pour se saisir de la Torah spirituelle. » »
Martin Buber, Les Recits hassidiques (Vol. 1), Paris, Seuil, 1996.
La forteresse médiévale
Medzyborz, qui signifie « entre les Boug », est magnifiquement situé entre deux rivières qui portent presque le même nom : le Boug méridional, long fleuve qui traverse toute la Podolie jusqu’à la mer Noire, et son affluent le Boujok (« petit Boug »).
À l’entrée du village, en bordure du fleuve, se trouve une très grande forteresse médiévale, édifiée entre le XIVe et le XVIe siècle, encore pratiquement intacte. Au pied de la forteresse vivaient, avant la guerre, plus de 6 000 habitants. Les deux tiers de la population étaient juifs.
Le cimetière du Baal Shem Tov
Le cimetière du Baal Shem Tov est très ancien. Sa tombe est enfermée et protégée dans une maisonnette en béton qui contient des livres de prières et des bougies.

Longeant le cimetière vers la gauche, on parvient, environ 1 kilomètre plus loin, au nouveau cimetière juif de Medzyborz, dont les tombes datent de la fin du XIXe siècle à 1941. Celui-ci, beaucoup plus grand mais moins connu que l’ancien, est également très beau. Les tombes sont relativement bien conservées, mais les pierres s’affaissent déjà, et un fermier voisin a transformé une partie du cimetière en basse-cour.
Victimes de la Shoah
Plus loin encore, à un endroit très difficile d’accès, dans la forêt, se trouve le lieu où furent exécutés les juifs de Medzyborz, une fosse commune recouverte d’une immense plaque de béton et une stèle portant l’inscription : « Ici, dans ces ravins, le 22 septembre 1942, les barbares allemands fascistes ont fusillé plus de 3 000 femmes, enfants et vieillards, prisonniers du ghetto de Medzyborz. Souvenir éternel à nos chers compatriotes. ».

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
L’ancienne capitale de la Bucovine, grande ville de culture allemande à l’est de l’Empire autrichien, devenue roumaine entre les deux guerres, annexée par l’Union soviétique en 1940, occupée par les Allemands et les Roumains de 1941 à 1944, est devenue ukrainienne après la guerre et porte aujourd’hui le nom de Tchernivtsy.

Dans cette ancienne grande ville juive (environ 40% de la population avant la guerre), s’est tenue, en 1908, la conférence mondiale sur la langue yiddish. C’est là que sont nés le poète yiddish Itzik Manger (1901-1969), le fabuliste Eliezer Steinbarg, qui adapta en yiddish les fables de La Fontaine, d’Ésope et de Krylov, la chanteuse Sidi Tal, et surtout deux grands poètes de langue allemande, Paul Celan et Rose Ausländer.
La ville est magnifique et mérite d’être visitée. Elle a gardé son cachet autrichien des XIXe-XXe siècles, notamment la place centrale (ancienne Ringplatz) avec l’hôtel de ville, la rue Olga-Kobylianska (ancienne Herrengasse), la rue Ivan Franko (ancienne Rathausgasse), la place Sorbona (ancienne Austria Platz), etc.
Itinéraire pour une visite de la vie juive
Vous partiez à la découverte de la ville juive en commençant par l’ancienne Grande synagogue appelée « Tempel », dans la Tempelgasse, aujourd’hui rue Universitetska : dynamitée par les Allemands qui ne sont pas parvenus à la détruire complètement, elle a été transformée en cinéma : Kinoteatr Tchernivtsy, que les juifs de Czernowitz appellent ironiquement « Kinagoga ».

Sur la place Teatralna, à droite du théâtre, s’élève l’ancienne Maison de la culture juive, devenu le Musée d’Histoire et de la Culture des Juifs de Bucovine . Remarquez l’escalier monumental avec les étoiles de David, aux branches sciées depuis l’époque soviétique.
Dans la rue voisine, qui porte depuis peu le nom d’Eliezer Steinbarg, se trouvait la maison où à vécu l’écrivain, une plaque le signale aujourd’hui. Juste en face, se dresse une belle porte avec une étoile de David.

La maison natale de Paul Celan est au numéro 5 de la rue Saxaganski, ancienne Wassilkogasse. Une plaque a été apposée en ukrainien et en allemand.
Paul Celan
Paul Celan est né à Czernowitz en 1920, mort à Paris en 1970. Ses parents ont péri en déportation, en Transnistrie. Après la guerre, il s’est installé à Paris tout en continuant à écrire dans la « langue des bourreaux » : l’allemand. Son œuvre, de plus en plus hermétique, a profondément renouvelé la poésie contemporaine. Son poème le plus connu est « Fugue de mort » :
« Lait noir de l’aube
nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin
nous le buvons la nuit…
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré… »
Paul Celan, Choix de poèmes, Trad. J.P. Lefebvre, Paris, Gallimard, 1998.
L’actuelle synagogue se trouve rue Lukian-Kobylitsa. Elle est toute petite mais l’intérieur est très beau, avec des murs peints de fresques représentant des thèmes bibliques.
Les traces du ghetto
Le quartier juif proprement dit, transformé de 1941 à 1944 en ghetto, d’où toute la communauté juive a été déportée en Transnistrie, se trouvait un peu plus bas, au-delà de la rue Ruska. Prenez la rue Turecska (« Turque », du nom de l’ancienne Fontaine-aux-Turcs), et descendez en traversant le pont qui mène à la rue principale du ghetto, Morariugasse, aujourd’hui rue Sagaïdatchny , restée typique de l’architecture juive -c’est là que vivait Rose Ausländer. Assez large, elle est bordée par une place triangulaire, ancienne Springbrunnenplatz, où se tenaient les marchés.
Tournez à droite après la place, et vous parviendrez dans la rue Henri Barbusse , ancienne Synagogengasse, l’une des rues les plus pauvres et les plus peuplées du ghetto. On y reconnaît au centre, au numéro 31, l’ancienne Grose Schul (« Grande Synagogue »), très imposante avec son fronton à la grecque, transformée aujourd’hui en « combinat de réparation et de production ». Plus bas, au numéro 18, vous verrez une ancienne maison de prière, avec deux étoiles de David frappées de la lettre schin sur la porte.
Traces de la plus vieille synagogue de la ville
Jusqu’en 1998, on pouvait lire sur le fronton, en roumain et en hébreu : makhiske sabatul (« les respectueux du shabbat »), mais l’inscription a été recouverte de peinture. Un peu plus haut, se trouve la plus vieille synagogue de Czernowitz, datant du XVIIIe siècle, sur laquelle on pouvait lire jusqu’en 1998 une inscription en hébreu : Hevra Tehilim (« Confrérie des Psaumes »). Elle a été donnée à une secte « protestante » qui l’a rénovée, divisant la salle en deux étages et repeignant la façade où se trouvait l’inscription.

Plus loin encore, à l’endroit où la rue Henri Barbusse converge sur la rue Sagaïdatchny, se trouvait l’hôpital israélite. À travers une grille fermée, on peut voir le bâtiment désaffecté. Sur l’une des maisons de cette place, à droite, une plaque commémorative avec un plan signale, en ukrainien et en yiddish, que le ghetto se trouvait dans ces rues, d’où 40 000 personnes ont été déportées.
Le cimetière juif est très impressionnant, relativement bien entretenu. Les inscriptions des tombes sont presque toutes en allemand, parfois en hébreu ou en russe.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Prise aux Turcs par l’amiral de Ribas pour Catherine II, Odessa, fondée en 1794, s’est développée rapidement au XIXe siècle grâce à l’arrivée de colons sur ces terres de la « Nouvelle Russie ». Elle est vite devenue un creuset d’influences de toutes sortes, russes, françaises, arméniennes, polonaises, grecques, moldaves, et juives. Les juifs, interdits de résidence à Saint-Pétersbourg, Moscou et Kiev, avaient le droit de s’établir à Odessa et Nicolaïev. Ils se sont installés massivement dans ces deux grandes villes du sud de la Russie, en formant jusqu’à la Seconde Guerre mondiale le tiers de la population, et les marquant fortement de leur empreinte.
Une ville juive
« Un jour, on demande à une Odessite :
– Combien y a-t-il d’habitants à Odessa ?
– Un million.
– Et combien de juifs ?
– Je viens de te le dire : un million ! »
L’Odessa juive commence à partir de la place Grecque (« Gretsk, c’est ainsi que s’appelle à Odessa la rue où les juifs font des affaires », dit Scholem Aleïkhem), de la perspective Alexandrovski , du vieux marché, et des rues Evreïskaïa , Bazarnaïa , Malaïa-Arnaoutskaïa ; elle se poursuit, de l’autre côté de la rue Preobrajenska , dans la rue Tiraspolskaïa jusqu’à la rue Staroportofrankovskaïa , et s’étend au-delà de celle-ci dans le quartier de la gare , du célèbre marché de Privoz et de toute la Moldavanka qui lui est attenante, jusqu’au quartier de Slobodka , d’où sont partis les convois de déportation pendant l’occupation germano-roumaine. Il s’agit donc d’un immense périmètre, allant du centre-ville jusqu’aux faubourg ouest et nord. Avant la guerre, 350 000 juifs y vivaient. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 40 000…
Visiter l’Odessa juive, c’est donc d’abord arpenter ces rues, marcher, se promener, entrer dans les cours, aller au marché de Privoz, respirer l’odeur des légumes frais, des herbes amères, des amandes, des raisins secs, sentir l’atmosphère particulière qui se dégage de la Moldavanka avec les gamins qui jouent dans les rues. Au gré de votre promenade, vous vous arrêterez devant l’une ou l’autre des synagogues encore visibles, des monuments et des plaques commémoratives, ainsi qu’au cimetière de Slobodka.
Odessa, berceau de la musique klezmer
Odessa est aussi la ville de naissance de la musique klezmer, dont les sons, où se mêlent clarinette, violoncelle, balalaïka sur des rythmes venus du Proche-Orient, reviennent aujourd’hui en Europe après avoir traversé l’Atlantique. À Odessa, s’est constitué le groupe klezmer Migdalor qui jour sur des partitions d’Alexander Tcherner.
Les synagogues d’Odessa
Avant la Première Guerre mondiale, il y avait sept synagogues à Odessa et quarante neuf maisons de prière. La plus ancienne était la synagogue Brodskaïa (de Brody), ou chorale, élevée en 1840. Avec ses quatre coupoles, elle domine encore l’angle des rues Pouchkine et Joukovsky, mais abrite aujourd’hui les archives. Ce magnifique bâtiment vient d’être rendu à la communauté juive de la ville et sera retransformé -vraisemblablement- en lieu de culte d’ici quelques années.

Seules deux synagogues sont de nos jours en service : la synagogue Glavnaïa (« principale ») et la synagogue hassidique. Il y avait aussi la synagogue des dockers (près du port en ruine) et même la synagogue des marchands de volaille casher.
La synagogue Glavnaïa a été rendue depuis quelques années à la communauté juive après avoir été transformée en salle de sports. Il y a encore quelques années, on voyait encore sur le sol les traces des lignes délimitant un terrain de basket-ball. Les galeries pour les femmes ont été détruites, de sorte qu’une cloison a été réalisée au rez-de-chaussée, séparant la grande salle en deux parties. La communauté est très jeune, elle entretient une école avec un internat et édite un quotidien, Or Sameakh. Lors des fêtes comme Pourim ou Pessah, la synagogue résonne du brouhaha des fidèles.

La synagogue hassidique , plus petite, a été rénovée il y a quelques années. Elle est très belle à l’intérieur.
Dans la rue Nizhyns’ka se trouve le centre culturel juif , Beit Grand, où l’on enseigne l’hébreu ; il organise de nombreuses manifestations.
Isaac Babel
Isaac Babel (1894-1941), né à Odessa dans le quartier de la Moldavanka, auteur des Contes d’Odessa, admirateur de Flaubert et de Maupassant, remarqué par Gorki, engagé dans la « cavalerie rouge » de Boudienny pendant la guerre civile, favorable à la Révolution, a été arrêté en 1939 et fusillé en 1941. Son oeuvre, devenue un classique du XXe siècle, est redécouverte depuis les années 1950.
La figure la plus célèbre de l’Odessa juive est le bandit Bénia Krik, roi des gangsters, héros des Contes d’Odessa d’Isaac Babel. L’écrivain y brosse un tableau de la vie juive du faubourg de la Moldavanka : « (…) Notre mère généreuse, une vie bourrée d’enfants à la mamelle, de hardes qui sèchent et de nuits de noce, pleines de chic suburbain et d’une vigueur infatigable de troupier » (Contes d’Odessa, Gallimard, 1979).

Il est assez difficile de s’orienter à Odessa, car il n’existe pas de de plan portant le nouveau nom des rues, et les gens ne connaissent d’ailleurs que les anciens. Pour retrouver les lieux de la Moldavanka les plus décrits par Isaac Babel, qui a vécu au numéro 23 de la rue Dalnitskaïa , munissez-vous d’un plan, tentez de retrouver la configuration des rues et confrontez-les avec les descriptions.
La boutique de Lioubka Schneeweiss, dit Lioubka le Cosaque, était située à l’angle des rues Dalnitskaïa et Bankovskaïa, tout près donc de l’actuelle rue Isaac Babel (ex-Vinogradnaïa). La rue Gloukhaïa , où les gangsters se réfugiaient dans la maison de tolérance de Yoska Samuelson, porte aujourd’hui le nom de Bougaevskaïa, après s’être appelée longtemps Instrumentalnaïa. La rue Prokhorovskaïa , où vivait le forgeron Piatiroubel, a repris son ancien nom après avoir porté celui de Khvorostine.
Promenade avec Scholem Aleïkhem et Eisenstein
Sur la place triangulaire qu’elle forme à son intersection avec la rue Staroportofrankovskaïa (« du Vieux Port Franc ») a été élevé un monument commémorant le départ des déportés du ghetto, entre 1941 et 1943, pour les camps d’extermination de Bogdanovka, Domanievka, Beriozovka et d’autres camps de Transnistrie. Des dizaines de milliers de juifs d’Odessa ont péri dans ces déportations.
Non loin de là, une rue pittoresque portait à l’époque soviétique le nom de Scholem Aleïkhem. Elle a repris maintenant son ancien nom, Miasoedovskaïa (des « mangeurs de viande »). À l’angle qu’elle forme avec rue Bogdan Khmelnitsky se trouvait l’hôpital israélite.
Odessa, dont les fameux escaliers ont été immortalisés par Eisenstein dans Le Cuirassé Potemkine, est aussi la ville d’Ilf et Petrov (auteurs des très humoristiques Douze Chaises), d’Arkadi Lvov, et, parmi les musiciens, de Jasha Heifetz, d’Émile Guilels et de bien d’autres. Scholem Aleïkhem aussi y a vécu.
Les cimetières d’Odessa
Le premier cimetière juif d’Odessa (dont la plus vieille tombe datait de 1793) a été rasé et transformé en un parc, juste derrière Privoz : le parc Illitch. Seule la forme des allées donne une vague idée de l’ancienne destination du lieu.
Le deuxième cimetière juif, proche d’un hospice de vieillards, se trouvait dans la rue Lustdorfskaïa, en face du cimetière orthodoxe. Il ne reste plus que l’arcade de l’entrée. la tombe de l’écrivain yiddish Mendel Moïkher Sforim aurait été déplacée dans un autre cimetière.
Le seul cimetière juif que l’on puisse visiter est situé tout au bout de la longue rue Razoumovskaïa, à l’angle de la rue Khimitcheskaïa et de la chaussée Leningradskoïe. Il est très grand, bien entretenu et constamment visité. Il n’a pas cet aspect d’abandon que donnent pas plupart des cimetières juifs d’Ukraine.
Le Musée juif d’Odessa
Pour finir votre visite du patrimoine juif de la ville, rendez vous au Musée juif d’Odessa. Si le musée est de facture très modeste, il recèle cependant de documents originaux. Son personnel est très serviable et sympathique et vous orientera certainement vers les événements et activités en cours pendant votre séjour. Pour les actualités culturelles, il est vivement conseillé de visiter le site de The Odessa Review, éditée par Regina Maryanovska-Davidzon et Vladislav Davidzon.
Par ailleurs, en amont de votre voyage, contactez Les Amis d’Odessa. La dynamique association, fondée et dirigée par Isabelle Némirovski, propose concerts, rencontres, lectures, conférences, et un site Internet de plus en plus riche.
Odessa, entre hier et aujourd’hui
Aujourd’hui, seulement 3% de la population d’Odessa est juive, soit 30 000 personnes. Pour autant, la ville est toujours considérée comme l’une des capitales juives d’Europe. Quand, en 1916, Isaac Babel parlait d’une « ville construite par les juifs », il ne se réfère pas seulement aux nombre de juifs, mais également à une atmosphère de tolérance générale à l’égard des minorités.
Récemment, des archéologues ont retrouvés des tombes juives datant de 1770, prouvant donc qu’une communauté juive était déjà implantée avant la création d’Odessa. En effet, au milieu du XVIIIe siècle, des juifs vivaient du commerce du sel dans cette région, connue alors sous le nom d’Hadjibey. Avant sa conquête par Iossif Deribos, selon les registres, une dizaine de juifs vivait sur cette zone. Cent ans plus tard, ils sont 138 000. Les premiers habitants juifs d’Odessa viennent de shtetls de L’empire russe et de la célèbre ville de Brody en Galicie. À noter, beaucoup de juifs d’Odessa portaient comme nom de famille le patronyme du shtetl d’où ils étaient originaires.
Les premiers habitants d’Odessa étaient attirés par les privilèges offerts par l’Empire russe aux volontaires pour occuper cette partie du sud de la Russie. Pour la population juive, s’installer à Odessa permettait d’échapper à l’oppression qu’ils subissaient dans le reste de l’Empire. À Odessa, les juifs étaient quasi-égaux aux autres citoyens. Ainsi, à peine cent ans après sa création, Odessa est au tiers juive et devint « l’étoile de l’exil », selon les mots d’Isaac Babel. Ajoutons qu’en quittant le shtetl pour Odessa, la communauté améliorait -en général- son niveau de vie. La possibilité d’une émigration vers la Palestine passait donc pour certains de rêve à réalité. Bien évidemment, les pogroms fréquents contribuèrent également à la montée du sionisme. Cependant, en 1941, 50% de la population était juive.
Vie en différents quartiers d’Odessa
Contrairement à beaucoup des villes de l’Empire russe, Odessa n’avait pas de quartier juif. Les juifs étaient partout, même si certains endroits comme Moldavanka, Yevreyskaya, Bazarnaya, et Malaya Arnautskaya devinrent des centres de la vie communautaires. Ayant vécus auparavant dans le petites communautés, les communautés juives reproduisaient la structure sociale héritée de leur shtetl natal. La vie quotidienne tournait donc autour de la synagogue, de l’école, du mikveh, de la boucherie et des organisations charitables. En 1795, le premier journal communautaire paraît.

L’élite de la communauté était incarnée par les juifs de Brody qui étaient les plus éduqués, fortunés, et libéraux. De manière plus générale, l’aspiration européenne des juifs de Brody la distance géographique d’Odessa des centres du judaïsme, les diverses nationalités et couches sociales qui composent la ville, et la participation importante des juifs de la ville au commerce et à la finance : tous ces éléments expliquent pourquoi la communauté d’Odessa était unique.
Au début du XXe siècle, Odessa est devenue le plus grand marché d’échange et de commerce du sud de l’Empire russe. Les juifs assuraient 90% de l’export de graines, étaient propriétaires de 50% des usines. Ils étaient également majoritaires dans les carrières de pierres qui servirent à la construction de la ville. La famille Korelsky dirigeait la plus célèbre usine de tabac de l’Empire, etc… De l’autre côté du spectre, un tiers des juifs de la ville vivait dans la pauvreté.
Itinéraire dans Odessa au gré des anciennes Synagogues
En plus des deux synagogues déjà mentionnées, voici une liste des bâtiments qui ont jadis hébergés des lieux de culte.
La synagogue des boulangers établie en 1875, est aujourd’hui une école.
La synagogue Yavne était fréquentée par l’aile sioniste de la ville et était fréquentée par Bialik. C’est aujourd’hui une résidence privée.
La synagogue des bouchers a fermé en 1925. En 1991, elle a été rendue à la communauté juive de la ville.
La synagogue des fabricants de meubles est aujourd’hui un jardin d’enfants.
La Synagogue Nakhlas Eliezer, au 5 Lesnaya, a été détruite par un dégât des eaux en 1990. Elle est aujourd’hui en ruines.
Enfin, vous trouverez trois immeubles qui abritaient des maisons de prières aux 10 Nechipurenko, 7 Bolgarskaya et 48 Kuznechnaya.
Les organisations caricatives juives d’Odessa
La ville était connue, chez les juifs du monde entier, pour la quantité de ses associations philanthropiques. La plus ancienne organisation était l’hôpital juif, inauguré en 1802. Un siècle plus tard, on compte une douzaine d’organisations caritatives juives à travers la ville. Vous pouvez en visiter les vestiges avec la liste ci-dessous :
Association des marchands juifs d’Odessa abritait également une bibliothèque.
Société d’entraide pour les juifs de la Modalvanka
Société d’aide aux démunis
Association d’aide aux étudiants juifs
Soupe populaire juive
L’enseignement de Bialik et Tchernikovsky
C’est à Odessa qu’a ouvert, en 1828, le premier lycée juif communautaire de d’Empire russe. En plus de l’enseignement de la yeshiva, les élèves apprenaient également les matières « laïques ». Le lycée juif des arts et et métiers ouvre en 1864 et contribue au renforcement de la communauté dans les métiers techniques et mécaniques. Par ailleurs, à l’école Tarbut , l’enseignement se faisait en Hébreu par des maîtres tels que Chaim Nahum Bialik ou Shaul Tchernikovsky.
La « Porte de Sion »
L’historien Steven Zipperstein estime que l’histoire des juifs d’Odessa est plus proche de celle de la communauté de San Francisco que de celle de Kiev. Dans cette ville portuaire, les juifs vivaient sans les contraintes et limitations de l’Empire russe. Ils n’étaient pas isolés et participaient activement à toutes les structures de la vie de la cité. Rappelons que la barrière de la langue ne s’appliquait pas non plus. Cependant, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la tolérante et multiculturelle Odessa est surnommée la « Porte de Sion ». Elle est en effet devenue l’un des centres du mouvement sioniste, et la ville d’où des milliers de juifs partent vers la Palestine.
Le centre névralgique de l’activité sioniste était le « Comité Palestine ». Cette organisation s’occupait de faciliter la relocalisation des ouvriers agricoles et des artisans. Initiée dans les années 1880 par Lev Pinsker, siègaient également au comité Ahad Haam, Bialik, Klauzner, ou encore Ben Ami. Les membres s’occupaient également de collecter des fonds pour acheter des terres en Palestine. Le terrain où est construit l’Université hébraïque de Jérusalem a d’ailleurs été acheté par ce comité. C’est pourquoi la dépouille de Lev Pinsker y a été déplacée en 1934.
L’un des membres les plus actifs de ce comité, Meir Dizengoff, fut le premier maire de Tel-Aviv. Ce n’est pas un hasard : dans une certaine mesure, Tel-Aviv a été imaginée depuis Odessa. Lilienblum, l’un des premiers journalistes du yishuv, écrira qu’à Odessa des juifs étaient arrivés sur les rives de la mer noire, et avaient construit une ville et développé un port. S’ils avaient pu le faire à Odessa, ils sauraient le faire en Palestine.
Un autre centre de l’activité sioniste et de la collecte de fonds pour la Palestine était la synagogue Brodsky. Environ 70 habitations furent construites grâce à l’argent collecté par les fidèles. Ces maisons furent les premières de la future ville de Ness Ziona.
Pour mieux préparer le départ vers la Palestine, une école où l’enseignement se fait uniquement en hébreu ouvre en 1903. En même temps, la maison d’édition Moria commence à publier des ouvrages scolaires en hébreu, et à les envoyer aux premières écoles de Tel-Aviv.
De 1919 à 1927, le navire Ruslan achemine un bon nombre de l’intelligentsia juive vers le port de Jaffa. Parmi eux, beaucoup des dirigeants du futur État d’Israël.
Sur les traces des juifs illustres d’Odessa
Ahad Ha’am (1856-1927), philosophe et publiciste, a vécu à Odessa de 1887 à 1907 aux 11 Sturdzovsky et 26 Bolshaya Arnautskaya (cette dernière maison a été détruite en 2006).
Isaac Babel (1894-1940), écrivain, est né à Odessa et y a vécu jusqu’en 1911, puis de 1919 et 1920. Il a vécu aux 17 Rishelievskaya (vous trouverez une plaque commémorative), au 23 Dalnitskaya (maison détruite), et au 12 Tiraspolskaya.
Eduard Bagritsky (Dzubin) (1895-1934), poète. Il est né à Odessa et y a vécu jusqu’en 1925 aux 40 Bazarnaya (plaque commémorative), 4 Osipov, 21 Konnaya, 40 Koblevskaya, 3 Novobazarny et 13 Belinsky.
Chaim Nahman Bialik (1873-1934), poète et pédagogue, a vécu à Odessa entre 1892 et 1921 aux 6 Vagnerovsky et 9 Malaya Arnautskaya.
Meir Dizengoff (1861-1936), le premier maire de Tel-Aviv a vécu à Odessa de 1895 à 1905 au 30 Osipov.
Simon Dubnov (1860-1941), historien et pédagogue a vécu à Odessa de 1890 à 1902 au 12 Bazarnaya.
Vladimir (Zeev) Jabotinsky (1880-1940), écrivain, poète, publiciste, dirigeant sioniste. Né à Odessa, il y a vécu jusqu’en 1898, puis entre 1901 et 1903 aux 33 Bazarnaya, 1 Yevreyskaya (plaque commémorative), et 91 Novoselsky.
Ilya Ilf (Fainzilberg) (1897-1937), écrivain et satiriste, est né à Odessa et y a vécu jusqu’en 1923 aux 137 Staroportofrankovskaya (plaque commémorative), 9 Malaya Arnautskaya, 19 Sophievskaya.
Joseph Klauzner (1874-1958), historien, publiciste, dirigeant sioniste et rédacteur en chef de la revue « Ha-Shiloah », a vécu à Odessa entre 1890 et 1919.
Mendele Mocher Sforim (S.Y. Abramovitch) (1836-1917), écrivain, a vécu à Odessa entre 1881 et 1917 au 12 Degtyarnaya.
Leon Pinsker (1821-1891), médecin, pédagogue, fondateur du « Comité Palestine », a vécu au 26 Rishelievskaya. La maison originale a été détruite, mais vous trouverez une plaque commémorative sur le bâtiment qui a été construit à sa place.
Avraham Menahem Mendl Usyshkin (1863-1941), dirigeant sioniste et administrateur du « Comité Palestine », a vécu au 46 Pastera.
Schalom Aleikhem (S.N. Rabinovitch) (1859-1916), écrivain, a vécu à Odessa entre 1891 et 1893, au 26 Kanatnaya.
Interview d’Isabelle Némirovski, Docteur de l’INALCO (études juives et hébraïques), fondatrice et présidente de l’association « Les Amis d’Odessa », suite à la publication le 29 avril 2022 de son livre Histoire, Mémoires et représentations des juifs d’Odessa aux Editions Honoré Champion.
Jguideeurope : Votre livre propose de partager les 1001 histoires de ces personnages qui ont peuplé et enrichi la fabuleuse Histoire d’Odessa. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?
Isabelle Némirovski : Vous avez raison, mon ouvrage accueille une multitude de petites histoires qui ont germé puis grandi sur le sol fertile d’Odessa au fil de sa grande Histoire. J’ai voulu dessiner le paysage odessite par petites touches colorées de contes et de réalités. Un exercice d’écriture souvent périlleux sachant que cet ouvrage est à l’origine une thèse de doctorat. Mais, ne pas jouer les équilibristes m’aurait conduite à décrire une ville aux charmes évanouis. Le mariage de ces deux éléments était nécessaire à sa compréhension. Le rêve s’est également invité dans la représentation odessite et ce, dès le titre de mon livre : « Un vieux rêve intime ». Les premiers mots cités en exergue ont ensuite confirmé ce désir de voyage onirique : « A mon grand-père Shlomo Némirovski que je n’ai pas connu. Il m’a conduite à l’ombre des acacias d’Odessa, plongée dans mes rêveries… » Toutefois, au-delà de ce désir de « retour » aux pays de mes ancêtres juifs odessites par la voie des songes, un constat plus « terre à terre » est à l’origine de cette volonté d’écriture : Odessa n’a pas de livre du souvenir alors que de nombreuses bourgades juives d’Europe centrale et orientale sont pourvues d’un yizker-bukh. La communauté juive fut pourtant décimée au trois quarts durant la Seconde Guerre mondiale par les nazis et leurs alliés roumains. En outre, Odessa la Juive a largement contribué à enrichir le patrimoine culturel mondial. Cet ouvrage propose donc de « réparer » en partie cet oubli en écrivant l’Histoire et la petite histoire de cette société d’avant le génocide, en établissant la chronologie des massacres, en accomplissant tout simplement un devoir de vérité. Car, sinon, comment transmettre ?

Quelle réalité et quel personnage marquant vous semblent trop peu connus ?
C’est l’Histoire d’Odessa et de sa communauté juive qui demeurent, à mon sens, trop peu connues. Qui savait localiser Odessa sur un planisphère avant l’invasion russe en Ukraine ? Le récit familial transmis par mon père à ses enfants n’associait jamais Odessa à une ville russe mais à la patrie de la musique avec ses grands interprètes violonistes. Insatisfaite de cette approche réductrice des lieux, j’ai décidé d’en proposer une lecture qui rendrait compte de la complexité du « concept » odessite aux composantes multiples – historique, sociale, politique, économique mais aussi affective –, qui sont venues s’agglomérer et se féconder mutuellement au fil du temps. Mes « Contes d’Odessa » invitent le lecteur à sortir du cadre idyllique de la ville qui a été immortalisé par les appareils photographiques des experts en clichés-souvenirs. J’ai pris le parti de décoller les étiquettes flatteuses et de franchir la barrière des évidences délavées sur la ville d’Odessa pour explorer sa nature profonde et tenir le rôle de révélateur de son « invisibilité », source potentielle d’un génie du lieu. J’ai pensé aussi à mes disparus, à ces disparus de l’Histoire juive odessite… Je suis partie à leur rencontre… Un index des noms de personnes en fin d’ouvrage lève le voile sur ces oubliés, banquiers, négociants, intellectuels, artistes, bandits et « Juifs ordinaires » qui ont pareillement écrit le modernisme et les légendes colorées d’Odessa la Juive.

Le partage du patrimoine culturel juif d’Odessa est-il d’autant plus important face au risque de destruction de lieux à cause de la guerre actuelle en Ukraine ?
Le monde déploie des richesses inestimables à portée de vue mais il faut à l’individu des évènements tragiques pour en prendre conscience et commencer à les apprécier. Pour l’heure, Odessa est épargnée par la guerre. Mais les Odessites se préparent au pire et multiplient les actes de résistance. Une photographie circule sur les réseaux sociaux : la statue du duc de Richelieu recouverte de sacs de sable. Une autre plus sonore montre des chanteurs devant « leur Opéra », implorant le ciel en musique de protéger la ville de la malédiction. Héritière de cette fabuleuse culture, je n’ai qu’un seul désir : la partager. J’espère que ce satané conflit sera l’occasion de braquer des projecteurs sur un lieu, un patrimoine, des hommes et de femmes restés trop longtemps dans l’oubli.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.

Dans la ville d’Ouman, célèbre pour son parc, la Sophievka, aménagé par le comte Potocki dans le grand style des architectes paysagistes du XVIIIe siècle, s’est installé et est mort, en 1810, le rabbi Nahman de Bratzlav, l’un des continuateurs les plus originaux de la doctrine du Baal Shem Tov, dont il était l’arrière-petit-fils.
Lieu de pèlerinage
Du cimetière juif, il ne reste qu’une seule tombe, celle de rabbi Nahman, transformée en lieu saint. L’entrée du cimetière est protégée par un gardien, une synagogue a été élevée sur la tombe elle-même qui en forme l’un des murs, de sorte qu’on peut se recueillir de l’intérieur et de l’extérieur.

De nombreux bancs sont installés ainsi qu’un système d’échafaudage métallique avec une passerelle permettant de canaliser les fidèles qui font la queue devant l’entrée de la maison de prière. À l’entrée, une inscription en français, anglais, russe et hébreu rappelle aux visiteurs qu’ils sont dans un lieu saint.
Derrière la tombe du rabbi Nahman s’étend l’ancien cimetière, un simple champ couvert de neige et bordé de H.L.M.
Rabbi Nahman de Bratzlav
Tsaddik, auteur de contes entre autres, maniant le paradoxe jusqu’à l’extrême, défenseur d’un existentialisme mystique, joueur d’échecs, théoricien de l’instabilité, précurseur de Kafka, Rabbi Nahman de Bratzlav (1772-1810) a profondément renouvelé le hassidisme et donné naissance à un mouvement qui connaît encore aujourd’hui des milliers d’adeptes, notamment en Israël et aux États-Unis.
Chaque année au mois de septembre, pendant le nouvel an juif, des milliers de pèlerins se rendent à Ouman pour se recueillir sur sa tombe.

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
La ville de Péreiaslav, à laquelle on a adjoint le nom de Khmelnitsky, en l’honneur du chef cosaque, est aussi la ville de naissance de Sholem Aleïkhem.

Elle est notamment connue des amateurs de comédie musicale sous le nom d’Anatevka, qu’elle porte dans Un Violon sur le toit. Ici, l’écrivain a trouvé l’inspiration de ses romans, de ses personnages ; ceux qui tentent de faire fortune, le garçon qui s’engage dans la révolution et est envoyé en Sibérie, la fille qui se marie à un Ukrainien, trahissant sa religion, la mère restée au shtetl avec ses enfants tandis que le père boursicote à Odessa et Yehoupets, etc.
Sholem Aleïkhem
Sholem Aleïkhem, de son vrai nom Sholem Rabinovitz, né à Péreiaslav en 1859, mort à New York en 1916, est le fondateur de la littérature classique yiddish. Il met en scène le monde du shtetl et les petites gens qui y vivent.

Son œuvre mondialement connue est Tévié le laitier (1894), magnifiquement mise en musique sous le titre Le Violon sur le toit ou Anatevka, par Leonard Bernstein, avec la célèbre chanson If I was a rich man. Il est aussi l’auteur de Menahem Mendel le rêveur (1892).
Aujourd’hui, Péreiaslav a gardé un certain charme, même si la ville n’a plus de communauté juive. L’ancien quartier juif était tout près du centre. Traversez la grande place derrière la mairie : le grand bâtiment rectangulaire appelé aujourd’hui « Maison de la culture » est l’ancienne Grande Synagogue de Péreiaslav, datant du XIXe siècle.
Monument en hommage à Sholem Aleikhem
Aucune plaque n’indique son ancienne affectation. Le samedi et le dimanche après-midi, des groupes folkloriques y chantent des chansons ukrainiennes devant une salle comble et étouffante. Sur le côté, une partie du bâtiment est transformée en « café-disco ». Derrière la synagogue, sur la place ombragée, un monument à Scholem Aleïkhem est érigé, menant à sa maison natale .

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Fondée en 1546, l’illustrissime ville de Berditchev, polonaise jusqu’en 1793, apparaît tout d’abord comme dominée par une grande église baroque à l’imposante coupole, l’ancien cloître des carmes déchaussés édifiés en 1627.

Les juifs s’installèrent à Berditchev à partir du XVIIe siècle, stimulés par l’établissement régulier de foires. À la fin du XVIIIe siècle, Berditchev était devenu un grand centre du hassidisme autour de la personnalité du tsaddik Yitshak Levi de Berditchev (mort en 1808), disciple du Grand Maggid de Mezeritch. Un siècle plus tard, Berditchev était devenue une ville presque entièrement juive, avec une communauté de 41 600 membres pour 53 300 habitants, soit 80 % de la population. Dans les histoires populaires russes, les « anecdotes », Berditchev est devenue la ville juive par excellence.
Balzac, qui s’est marié le 3 mars 1850 avec Mme Hanska à Berditchev dans l’église Sainte-Barbe, décrit la ville comme « un campement de juifs, tous dehors ».
Un vrai trou !
Une étrangère arrive à Berditchev, bien habillée. Un tailleur juif lui demande :
– Où avez-vous fait faire ces vêtements ?
– À Paris.
– C’est loin de Berditchev ?
– À plus de 2000 km.
– Quel trou, mais ils savent bien coudre.
En raison de son nom presque symbolique, les Allemands se sont particulièrement acharnés sur Berditchev, lorsqu’ils ont occupé la ville dès le 6 juillet 1941. Ils ont « liquidé » le ghetto en trois mois. Vassili Grossman, natif de Berditchev, décrit les détails de cette « liquidation » dans Vie et Destin (Lausanne, L’Âge d’homme, 1995) et dans Le Livre noir (Arles, Solin, 1999).
Les traces du ghetto
Le ghetto proprement dit, où tous les juifs durent se rassembler dès juillet 1941, s’appelait Yatki et s’étendait à l’ouest de la chaussée Zitomirskoie (aujourd’hui rue Lénine), autour des rues Staragorodskaïa, Bielopolskaïa (aujourd’hui rue du 9 mai), Glinka, Bolchaïa-Zitomirskaïa et Malaïa-Zitomirskaïa (aujourd’hui rue Scholem Aleïkhem).

Ces rues n’ont guère changé aujourd’hui et sont telles que les décrit Grossman : non pavées, en terre battue, pleines de boue et de flaques d’eau. Au centre, de Yatki, il y avait le marché et la plus vieille synagogue de Berditchev. En septembre 1941, des jeunes gens furent réquisitionnés dans le ghetto pour « l’arrachage des pommes de terre ». Le 15 septembre, 18 600 personnes , la presque totalité du ghetto, furent assassinés près du village de Khajino. Une stèle commémorative signale le lieu, tout en indiquant que les victimes étaient des « citoyens soviétiques paisibles ».
L’arrachage des pommes de terre
« Et nous avons appris aujourd’hui, d’un paysan ami qui passait près des barbelés, que les juifs qu’on avait emmenés arracher des pommes de terre sont en train de creuser de profondes tranchées à quatre kilomètres de la ville, près de l’aérodrome sur la route de Romanovka. Retiens ce nom, Vitia, c’est là que tu trouveras la fosse commune où sera enterrée ta mère. »
Vassili Grossman, Vie et Destin. Lausanne, L’Âge d’homme, 1995.
Il y avait à Berditchev un grand nombre de synagogues et de maison de prière, ainsi qu’une imprimerie hébraïque. Il ne reste aujourd’hui qu’une seule synagogue , au début de la rue Sverdlov, où tentent de réapprendre leurs traditions les 700 derniers juifs de la ville, des vieillards en majorité.

Le grand cimetière juif de Berditchev est très impressionnant, les tombes sont très belles, anciennes, souvent recouvertes de végétation foisonnante.
Un chemin tracé entre les tombes mène au mausolée élevé au-dessus de la sépulture de rabbi Levi Yitshak, « ce grand maître qui savait déchiffrer les interstices blancs de la Torah ».

La terrifiante guerre menée contre l’Ukraine change, bien entendu, la fonction de ces pages consacrées au patrimoine culturel juif de ce pays. Une grande partie des lieux mentionnés ont été rasés par les bombes. Si ces pages ukrainiennes n’ont pas actuellement de vocation touristique, elles pourront peut-être servir à des chercheurs et étudiants comme références historiques. Références à tant d’histoires douloureuses lors des pogroms et de la Shoah, mais aussi heureuses du judaïsme ukrainien, dans ses dimensions culturelle, cultuelle et sioniste. En souhaitant au peuple ukrainien une fin rapide à ces atrocités dont il est victime.
Dès son origine, l’histoire de Kiev est liée à celle de la communauté juive, puisque l’une des premières mentions de la ville figure dans un document du Xe siècle, trouvé dans la guenizah de la synagogue du Caire : une lettre envoyée de Kiev par Jacob bar Hanouker. On trouve mention d’une synagogue en 1113. Une jydovskie vorota (« porte juive ») est attestée dès 1146, à proximité de l’actuelle place de Llov.

Décimée par les Tatars puis les Cosaques, la communauté juive n’a véritablement pris de l’ampleur qu’à la fin du XIXe siècle. C’est de cette époque que datent les deux synagogues les plus importantes, toutes deux en service aujourd’hui, la synagogue Kravtsev et la synagogue Brodskogo.
Les synagogues de Kiev
Construite en 1894-1895 par l’architecte Nikolaï Gordenine, dans le quartier du Podol, en bordure du Dniepr, la synagogue Kravtsev (dite « des tailleurs ») ne devait laisser aucun symbole du judaïsme apparaître sur sa façade. Elle porte néanmoins certaines marques d’orientalisme et d’architecture néo-romane typiques des synagogues du XIXe siècle. À l’intérieur, elle est d’une grande richesse. Elle n’a pas été fermée à l’époque soviétique.

La synagogue centrale s’est longtemps appelée synagogue Brodskogo, du nom du riche industriel et mécène de Kiev, Lazare Brodski, qui a financé les travaux de construction en 1897-1898, sur les plans de l’architecte Georg Schleifer. « C’est du sérieux, Brodski ! Lorsqu’il se promène dans son carrosse, le Krechtchatik et tous les juifs soulèvent leur couvre-chef, et moi avec. Ah, si je devenais un jour Brodski ! », écrit Scholem Aleïkhem.
La synagogue fut transformée en théâtre de marionnettes jusqu’en 1997. Depuis cette date, elle a été rendue à la communauté juive et porte le nom de Synagogue centrale. C’est la communauté Chabad (Loubavitch) qui la gère. Depuis mars 2000, elle a été totalement restaurée et a retrouvé son éclat de jadis.

Il y avait d’autres synagogues à Kiev, dont les bâtiments ne sont pas tous conservés. La synagogue des Marchands, rue Shota Rustaveli, à quelques pas de la précédente, a été transformée en cinéma Kinopanorama. Le film Shoah y a été d’ailleurs présenté en septembre 1998, en présence du réalisateur Claude Lanzmann. La synagogue de Galicie se trouvait au 97 rue Jilanska, non loin de la gare. La synagogue Karaïte s’élevait dans la rue Yaroslavov-Val, elle a été transformée en « Maison des acteurs ». l’oratoire hassidique était, quant à lui, dans le Podol, au 37 Nijny-Val, dans la cour.
Le curieux nom de « Yehoupets »
La visite de la Kiev juive est liée aux personnalités qui y ont vécu, comme Scholem Aleïkhem, qui lui donne le nom quelque peu ridicule de Yehoupets. « Tous se rient de moi. Je ne peux même pas passer dans la rue. On me montre du doigt : voici la femme de Menahem Mendel de Yehoupets. Beau nom en vérité », écrit-il dans Menahem Mendel le rêveur (Paris, Albin Michel, 1993).

Vous trouverez facilement les maisons où il a vécu, au numéro 5 de la rue Bolchaïa Vassilkovska , de 1897 à 1903 et au numéro 27 de la rue Saxaganski de 1903 à 1905. Depuis 1997, un monument dédié à Scholem Aleïkhem se dresse au milieu de la place Basseïnaïa, près de marché de Bessarabie, à proximité de la maison où est née et à vécu Golda Meir de 1898 à 1906 : au numéro 5 de la rue Basseïnaïa.
Parmi les autres personnalités du monde juif, citons Isaac Babel, qui y a fait ses études, le pianiste Vladimir Horowitz, né à Kiev en 1903, qui y a vécu jusqu’en 1925 avant d’émigrer aux États-Unis, Moses Beregovski, musicologue et spécialiste du folklore yiddish, l’écrivain Ilya Ehrenbourg, l’acteur Solomon Mikhoëls, l’écrivain Perez Markich, arrêté et fusillé avec d’autres membres du Comité antifasciste juif.
Le massacre de Babi Yar
L’événement le plus tragique de l’histoire de la Kiev juive est le massacre de Babi Yar, perpétré les 28 et 29 septembre 1941 par les SS et les Einsatzgruppen, quelques jours après leur entrée dans la ville. Tous les juifs de Kiev furent rassemblés et dirigés vers le cimetière juif de Loukianovka, puis de là, vers le ravin de Babi Yar, où ils furent exécutés par balle ; 33 000 en deux jours. Deux monuments commémorent aujourd’hui cet épisode tragique.

Le premier, rue Dorogojitska , a été élevé en 1976 à la suite des protestations de l’intelligentsia soviétique, notamment du poète Evgueni Evtouchenko et du compositeur Vlamdimir Chostakovitch, contre les tentatives d’effacer la mémoire de l’événement. C’est un monument officiel dans le grand style de la statuaire soviétique. La plaque est rédigée en trois langues (russe, ukrainien, yiddish), mais ne nomme pas l’identité des victimes : « En ce lieu, les fascistes allemands ont exécuté près de 100 000 citoyens de Kiev et prisonniers de guerre. »
Le second, rue Melnikova , érigé en 1991 sur l’emplacement même du ravin, à quelques mètres du lieu d’exécution, représente une grande ménorah, mais ne donne néanmoins aucune précision : « En mémoire de la tragédie de Babi Yar », est-il écrit en ukrainien.
Chaque année, le 29 septembre, des commémorations ont lieu, rassemblant la communauté juive et d’autres personnalités de la ville.

La communauté juive de Copenhague est active depuis la fin du XVIIe siècle. La plupart des 7000 juifs que compte le Danemark vivent aujourd’hui à Copenhague. Son premier rabbin fut Abraham Salomon de Rausnitz, nommé en 1687. Six ans plus tard, un cimetière juif fut construit à Mollegade.
Détruite par un incendie en 1795, la ville ne posséda plus de synagogue jusqu’à la construction de la synagogue libérale de Krystalgade en 1833. Quelques années plus tard, des lieux de culte orthodoxes et sépharades ouvrirent également leurs portes.
Le Décret Royal publié en 1814 accorda aux juifs nés au Danemark des droits égaux à tous les autres citoyens du royaume. Des institutions philanthropes, écoles et maisons de retraite ont pu voir le jour depuis 1825. Leur nombre et présence varièrent au long de l’histoire, particulièrement pendant la période de la Shoah.
Radio J Lise Gutmann Viens je t’emmène à Copenhague (youtube.com)
L’immense majorité des juifs danois et les membres de leurs familles non juifs susceptibles d’être déportés par les occupants nazis, soit près de 8 000 personnes, furent sauvés. Un sauvetage rendu possible par la participation de toutes les couches de la société, du Roi Christian X aux autorités politiques et religieuses ainsi que les citoyens danois.

La plupart des 3 000 juifs polonais qui fuirent pour s’installer au Danemark dans les années 1970, le firent à Copenhague. Marquant l’épanouissement continu de la communauté juive du Danemark, la Reine Margrethe II prit part en 1983 à la cérémonie de la synagogue de Copenhague, célébrant ainsi son 150e anniversaire dans la capitale danoise.
L’année suivante, la Reine participa aux célébrations du 300e anniversaire de la communauté juive de Copenhague. En 1993, Margrethe II pris part aux événements fêtant le 50e anniversaire de l’opération de sauvetage des juifs danois.

La célèbre Grande synagogue de Krystalgade a été construite en 1833 par l’architecte Gustav Friedrich Hetsch. Elle est définie par une architecture centrée autour d’un arc, influence par les modèles grecs et romains. La synagogue peut accueillir jusqu’à 900 fidèles.
Le centre communautaire juif est situé juste à côté. Toutes les informations sur son fonctionnement sont à prendre auprès du Mosaiske Trossamfund qui abrite les diverses associations juives. Mosaiske organise des visites de la synagogue d’avril à septembre et met également les visiteurs en relation avec des familles d’accueil pour Shabbat.
Parmi les institutions sociales, on trouve également une école et une maison de retraite. Des organisations religieuses et culturelles sont également rattachées aux institutions communautaires de la ville.

Le Le Musée de la Liberté a fermé ses portes le 28 avril 2013 suite à un incendie. Les dégâts furent tels que le musée fut entièrement fermé.
Un nouveau lieu permettant le partage de ses archives a été réouvert en 2020, à l’emplacement exact où se trouvait l’ancien musée. De nombreuses photos historiques gardées et restaurées sont d’un grand intérêt pour les chercheurs.
Construit par l’architecte Daniel Libeskind, le Musée juif de Copenhague présente une exposition permanente qui retrace les 400 ans de vie juive au Danemark, ainsi que des expositions temporaires.
Le style particulier du musée a été influencé par l’opération de sauvetage pendant la Shoah. Le mot « mitsvah » constitue à la fois l’emblème et le concept du musée. Il marque l’expérience positive qui résume bien la vie juive au Danemark et l’extraordinaire acte entrepris en 1943 par la population.

Comme l’explique en ses mots l’architecte Daniel Libeskind : « En entrant dans le lieu accueillant l’exposition, les visiteurs se retrouvent dans un espace construits sur un sol en bois avec des plans légèrement inclinés représentant les quatre plans du discours. L’entièreté de l’espace dédié à l’exposition est illuminé par un vitrail lumineux qui représente le microcosme de Mitsvah, transformant la lumière le long de la journée.
Le Musée juif danois deviendra une destination qui révélera à son public à la fois la tradition profonde présente et son avenir dans l’espace sans précédent de Mitsvah.
L’entrelacement de l’ancienne structure de l’espace en brique voûtée de la Bibliothèque Royale et la connexion inattendue à l’unique espace d’exposition crée un dialogue dynamique entre l’architecture du passé et celle du futur – la nouveauté du vieux et l’éternité du nouveau. »
La Bibliothèque Royale comprend la bibliothèque Simonsen qui possède un intéressant département de judaïca.

Des facsimilés digitalisés des manuscrits acquis en 1931 auprès du Professeur David Simonsen sont rendus disponibles au public. Parmi les pièces que l’on peut consulter se trouvent une lettre en judéo-arabe datant du XIIe siècle, ainsi que de nombreux manuscrits de toutes les époques suivantes. L’élément le plus célèbre de la collection est probablement le « livre de prière de Gemma ». Un livre en hébreu écrit pour la veuve Gemma de Modène en 1531. Les documents proviennent d’une vingtaine de pays différents et sont écrits en quinze langues. La totalité des archives s’élève ainsi à la digitalisation de 26 000 documents.

Il y a deux cimetières juifs à Copenhague. L’ancien cimetière qui date de quatre siècles à Mollegade, ouvert au public en journée d’avril à septembre, les dimanches, lundis, mercredis et jeudis. Le nouveau cimetière se situe à Valby. Celui-ci est accessible pendant l’année, tous les jours de la semaine, en dehors de Shabbat et des fêtes juives.
Rencontre avec Janus Møller Jensen, Directeur du Musée Juif Danois
Jguideeurope : Le musée a connu des changements majeurs en 2022, quels sont les principaux ?
Janus Møller Jensen : En septembre 2022, le musée a rouvert ses portes avec une nouvelle entrée principale et de toutes nouvelles expositions. L’entrée a été conçue par Daniel Libeskind qui, par cet ajout à l’architecture originale du musée, a achevé son travail en créant une entrée impressionnante et beaucoup plus visible pour le musée. Elle marque également la relance totale du musée avec de nouvelles expositions et une nouvelle façon de présenter l’histoire juive danoise. Nous sommes actuellement en train de développer une exposition permanente qui emmènera le visiteur dans un voyage à travers 400 ans de vie juive au Danemark. Les visiteurs en auront un avant-goût avec une exposition spéciale très forte qui se concentre sur l’histoire de la fuite et du sauvetage des Juifs danois en octobre 1943 dans un contexte plus large de l’histoire du 20e siècle.

Pouvez-vous nous présenter trois objets particuliers exposés au musée ?
1. L’histoire de la fuite et du sauvetage de la quasi-totalité des Juifs danois en octobre 1943 est le résultat d’un effort commun de la population danoise. Mais personne ne savait qu’il s’agirait de l’histoire d’un sauvetage lorsque l’action contre les Juifs danois a été lancée dans la nuit du 1er au 2 octobre 1943. Certains des objets du musée illustrent le drame personnel de l’histoire. Il y a un morceau de vie qu’une mère a cousu pour sa fille juste avant de s’enfuir en Suède en traversant l’Oresund. Il s’agit d’un objet très symbolique et très fort pour l’histoire des scènes de fuite et des mesures prises pour essayer de protéger les enfants pendant la fuite. Certaines personnes ont en effet perdu la vie par noyade au cours de la fuite.
2. Un autre objet fort de la fuite est le billet de train pour le train côtier daté et tamponné le 5 octobre 1943. De nombreux Juifs de Copenhague ont cherché, avec l’aide d’autres personnes ou par leurs propres moyens, à se rendre dans le nord du Sjælland pour trouver un moyen de transport pour traverser l’Øresund. Le billet est un billet de retour acheté, bien sûr, pour cacher le fait qu’il s’agissait d’un aller simple, mais il symbolise en même temps l’espoir d’un retour qui s’est concrétisé en mai 1945, lorsque le Danemark a été libéré de l’occupation allemande par les forces alliées.
3. Dans l’exposition « Gateway to Denmark », qui raconte l’histoire de la consolidation de la vie juive au Danemark au XVIIIe siècle et qui fera partie de la prochaine exposition permanente du musée, on trouve plusieurs objets précieux. Je dois en choisir deux : Un livre de prières et un couvercle de challah. Tous deux ont été produits au Danemark au dix-huitième siècle, et l’histoire de l’établissement et de la vie quotidienne de la petite minorité juive au Danemark est racontée à travers ces magnifiques objets à travers trois siècles.

Comment le courageux sauvetage des Juifs pendant l’Holocauste est-il présenté ?
De plusieurs manières. Tout d’abord dans notre architecture spectaculaire conçue par Daniel Libeskind. Toute notre salle raconte l’histoire d’une fuite au-dessus de la mer et de l’incertitude de trouver son chemin. À bien des égards, cette architecture unique est l’un des objets clés du musée. Cependant, nous racontons également l’histoire des personnes qui n’ont pas été sauvées et qui ont été emprisonnées à KZ-Theresienstadt. Cette histoire est actuellement le thème principal de l’exposition spéciale « Fuite et persécution au XXe siècle ».
Pouvez-vous nous parler d’une rencontre avec un visiteur ou un participant à un événement qui vous a particulièrement ému ?
En discutant avec un visiteur américain qui avait fui la Russie dans les années 1990, on m’a demandé pourquoi tant de Juifs avaient été sauvés. J’ai répondu qu’ils avaient été naturellement aidés par des voisins. Elle m’a regardé dans les yeux et m’a dit : « Vos voisins ne vous aident pas naturellement, ce sont eux qui vous dénoncent ». Et en effet, c’est ce qui s’est passé au Danemark. Cette conversation me rappelle constamment qu’il est nécessaire d’équilibrer le récit de l’histoire du Danemark pendant la guerre. 99 % des gens ont survécu à l’Holocauste, mais aucun vol n’est gratuit, et la guerre a toujours un prix, y compris pour les survivants.
Dans cette cité balnéaire réputée, fonctionne, entre Pessah et Roch Hashanah, le seul hôtel glatt casher de Scandinavie : le Strand Hotel . Il y a une synagogue sur place.

Île forteresse en face d’Helsinki, Suomenlinna accueille le premier lieu de prière juif. En fonction de l’évolution juridique, un décret datant de 1869 et la lettre du Sénat de 1876, les soldats démobilisés se virent autoriser à travailler dans le civil, notamment dans le secteur du commerce.
La ville d’Helsinki fit don en 1900 d’une parcelle de terrain à la communauté juive. Elle se situe sur la rue Malminkatu. Un quartier où habitent alors une bonne partie des juifs de la ville. Ils prirent la décision de s’y installer, principalement autour du marché où ils purent vendre des habits de seconde main. C’était alors une des seules activités professionnelles autorisées aux juifs au 19e siècle.

Dans les années 1880 et 1890, la plupart des juifs travaillaient dans la vente de vêtements et de fruits sur le marché narinkka. En 1870, le marché narinkka se déplace à la place Simo (signifiant Siméon). Ce marché se trouve dans le quartier de Kamppi qui accueillit également la synagogue en 1906. Avant d’avoir une synagogue officielle, les prières se déroulèrent dans les années 1830 au Viapori Beth Midrash puis quarante plus tard dans la Villa Langen. Le marché narinkka fermera définitivement ses portes en 1931.
La nouvelle synagogue d’Helsinki, célèbre pour sa coupole de style byzantin, a été construite par l’architecte Jac Ahrenberg en 1906. Vingt ans plus tard, elle fut agrandie. Depuis, la synagogue peut accueillir jusqu’à 600 personnes, assises autour de la bimah qui occupe le centre et au-dessus de laquelle on trouve un magnifique chandelier. Construite sur trois étages, dans un style proche de celui de la plupart des synagogues de l’époque, avec des fenêtres symétriques au centre. Et sur les côtés, trois petites fenêtres rondes avec des maguen david.

Dans les années 1920-1930, la Bibliothèque Nationale de Finlande accueillit de nombreuses œuvres en yiddish publiées pendant les dernières décennies de l’Empire russe. La communauté proposait également à l’époque de nombreuses représentations théâtrales en yiddish.
Le Makkabi Helsinki
En 1906, des jeunes d’Helsinki fondent l’association sportive Makkabi Helsinki, le plus ancien club sportif juif du monde encore en activité dont l’histoire est ininterrompue.
Le club a participé à la compétition de foot en 1ʳᵉ division en 1930, puis à des niveaux inférieurs. Aujourd’hui, les principaux sports pratiqués sont le bowling, le futsal, le basket-ball et le floorball. Le club a célébré son centenaire en novembre 2006.
Elias Katz est l’athlète le plus célèbre à avoir représenté ce club. Katz a remporté l’or aux Jeux olympiques de Paris en 1924 avec Paavo Nurmi et Ville Ritola dans la course par équipe de 3 000 mètres. Il commence à s’entraîner dans le principal club sportif de Turku, où il se lie d’amitié avec le légendaire coureur finlandais Paavo Nurmi, qui l’aide à améliorer sa technique. En décembre 1947, alors que la guerre civile fait rage en Palestine mandataire, Katz projette un film dans un camp militaire britannique de la région de Gaza. Plus tard dans la soirée, il a été tué par des tirs de snipers palestiniens.
En 1967 fut construit un centre communautaire jouxtant la synagogue. Y sont mis à disposition de quoi permettre une vie juive pour les membres de la communauté. Parmi ces services : une école juive, des salles de cours et de conférences, un auditorium, une maison de retraite et un mikvé. Le centre communautaire comprend aussi une bibliothèque juive de 5 000 volumes.
On peut y voir un ornement de sefer Torah en cuivre provenant de la première synagogue de la ville, construite en bois en 1840. Le centre héberge la chorale Hazamir (fondée en 1917), qui s’est déjà produite au Centre culturel finlandais de Paris, le magazine bi-mensuel Ha-Kehila et toutes les organisations juives de Finlande.

La ville compte deux cimetières juifs se trouvant dans le lieu de la ville réunissant la plupart des tombes. Un ancien cimetière construit dans les années 1840 et un nouveau cimetière en 1895. Le premier étant fermé et le second actuellement utilisé par les juifs de Finlande.
Aujourd’hui, la synagogue d’Helsinki accueille régulièrement quelques dizaines de fidèles lors des cérémonies et prépare des repas végétariens pour le shabbat qui y est célébré. La plupart des juifs de Finlande étant végétariens. La synagogue est d’obédience orthodoxe bien que la plupart des juifs d’Helsinki soient peu pratiquants. Les prières du matin sont célébrées dans une petite salle de la synagogue.
Les quelques dizaines de membres du mouvement libéral n’ont pas de lieu de culte et sont rattachés à la communauté libérale de Copenhague. Le yiddish expérimente un renouveau à Helsinki, notamment grâce aux rendez-vous internationaux de Limud (écrit Limmud en anglais et Limoud en français).

Souvent vient à l’esprit, lorsqu’on évoque Stockholm, la référence Viking. Certes, ils font partie de l’histoire de la ville, du pays et de la région. Il y a même un musée Viking à Stockholm. Mais cette ville offre bien plus. Déjà, son nom signifie « une multitude d’îlots » : Stock (multitude) et holm (îlot). C’est d’ailleurs sur ces 2 petits îlots centraux que l’on peut voyager dans le temps.

Du palais Royal de Stockholm sur Gamla Stan (« la vieille ville ») jusqu’au musée d’Art moderne et au musée du Design sur Skeppsholmen. Ce style ayant et continuant à influencer notre monde contemporain, aussi bien sur les bâtiments et dans les grands magasins que le prêt à construire.

Pas sûr que vous ayez le temps de visiter ces 24 000 îlots. Mais une promenade en bateau vous en fera découvrir un échantillon, que ce soit en transport public ou avec les compagnies qui les organisent. Et tant de monuments différents vous attendent. Qu’il s’agisse de sa très belle cathédrale, du musée du Prix Nobel, le musée Vasa avec son impressionnant vaisseau royal du 17e siècle, le musée Nordique… et ces nombreux espaces verts, témoins d’un souci écologique aussi bien dans les mers que sur les terres.

Des manières de vivre assez variées aussi entre la confrontation à l’obscurité et au grand froid nordique le jour et le désir de fêtes nocturnes colorées. Comme on le constate dans la distance de style entre le pas très calculé de la relève de la garde du Palais Royal (étape touristique célèbre) et le musée Abba, qui permet de replonger dans l’ambiance des années d’insouciance.

Sans oublier bien sûr ses spécialités culinaires, principalement celles autour du poisson que vous pouvez savourer dans son marché Ostermalm réunissant touristes et locaux.

Jusqu’à 1775, les juifs étaient interdits d’entrée en Suède, Sauf s’ils acceptaient de se convertir au christianisme. Cette année-là, un graveur nommé Aaron Isaac plaida sa cause de vouloir vivre à Stockholm sans se convertir. De longues démarches administratives, de bureau au bureau, qui lui permirent même de rencontrer Gustav III, le roi de Suède. Lequel accorda ce droit. C’est ainsi que débuta officiellement l’installation des Juifs en Suède.

Vingt ans plus tard, la synagogue, qui se trouve dans le musée juif actuel, accueillit la communauté juive. Cette synagogue resta en fonction jusqu’à 1870, ce petit lieu ne pouvant plus accommoder la communauté juive grandissante, constituant environ 1000 familles.

La Grande synagogue de Stockholm , qui fait également office de centre communautaire, a été donc construite en 1870. Elle est située à proximité du square Raoul Wallenberg, du nom du diplomate suédois qui sauva nombre de juifs de Hongrie et fut arrêté, puis probablement liquidé, par le Soviétiques.

De rite massorti, le bâtiment de style oriental, peut accueillir 1000 fidèles. Dans le centre communautaire de cette synagogue, vous trouverez une bibliothèque qui a pour intérêt principal la consultation de l’excellente revue Judisk Kronika, et d’ouvrages historiques sur la vie juive en Suède.
Cette communauté juive moderne épousa les réformes en cours dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, à l’image des autres sur le continent. Lesquelles, par le souffle des Lumières et l’esprit révolutionnaire, mais aussi le lien national renforcé par la reconnaissance des droits égaux, encouragèrent des réformes religieuses.
La Suède accueillit des réfugiés juifs d’Europe de l’Est à la fin du dix-neuvième siècle, fuyant les pogroms. Vivant dans les quartiers populaires du Sud de Stockholm, ils y établirent leur propre synagogue. La synagogue actuelle de Södermalm fut construite à la fin du 19ème siècle. Les juifs originaires d’Europe de l’Est travaillaient principalement dans le textile et le commerce.
Pendant la Shoah, la Suède choisit la neutralité. Une neutralité pas nécessairement apaisante pour la communauté juive, craignant une évolution géopolitique rapide. Crainte renforcée lorsque pendant la guerre des sympathisants nazis suédois commencèrent à établir des listes de compatriotes juifs à présenter en cas d’invasion allemande. Certains juifs n’hésitèrent pas d’ailleurs à se procurer des armes, au cas où cette réalité évolue dans ce sens. D’un autre côté, ne l’oublions pas, la Suède accueillit de nombreux Juifs danois qui s’y réfugièrent lors de la formidable opération de sauvetage.

Vers la fin de la guerre, lorsqu’il apparut que l’Allemagne allait perdre, la Suède appliqua une politique ouvertement plus favorable aux Juifs. Le pays ouvrit ses portes aux réfugiés et survivants juifs, accueillant en 1945 près de 10 000 personnes. Ce qui permit donc à la population juive suédoise de tripler en un an. La moitié de ces nouveaux arrivants choisirent finalement de s’établir en Israël ou aux États-Unis Mais l’autre moitié préféra rester, appréciant cette douce vie suédoise.
Un Mémorial aux victimes de l’Holocauste a été érigé à Stockholm en 1998. Il a été conçu par le sculpteur Sivert Lindblom et l’architecte Gabriel Herdevall. Il a été inauguré par le roi de Suède Carl XVI Gustav. Il est composé de 8500 tablettes de pierres.
Il y a aujourd’hui plusieurs autres synagogues suédoises. La synagogue orthodoxe Adat Jeschurun contient du mobilier provenant d’une synagogue de Hambourg vandalisée durant la Nuit de cristal. L’autre synagogue orthodoxe, de rite polonais, Adat Yisrael est située dans le quartier de Södermalm dans un bâtiment du XVIIe siècle.
Il y a plusieurs cimetières juifs à Stockholm. Le premier fut construit grâce à Aaron Isaac en 1776. Il porte son nom, Aronsberg Aronsberg. Utilisé jusqu’en 1888, il compte près de 300 stèles funéraires. Le cimetière juif de Kronoberg a été construit en 1787. Il accueillit 200 tombes jusqu’en 1857.
Ces deux cimetières étant très petits, la communauté juive fit l’acquisition d’autres terrains. Ainsi, à Solna, l’architecte Fredrik Wilhelm Scholander construisit la chapelle et les portails du cimetière juif du Nord . En 1857 fut inauguré ce lieu surnommé le « cimetière de la mosaïque dans le cimetière nord ». Scholander sera également l’architecte de la Grande synagogue de Stockholm. Parmi les gens qui y sont enterrés, la Prix Nobel de littérature Nelly Sachs.
Le cimetière juif du Sud a été construit en 1952. Sa chapelle a été conçue en 1969 par l’architecte Sven Ivar Lind. C’est en ce lieu que se déroulent aujourd’hui la majorité des enterrements.
Le Musée juif de Suède
Il a été fondé en 1987 par un mécène, Aron Neuman, puis fermé pour cause de déménagement dans le quartier de Gamla Stan (« vieille ville »), dans la plus ancienne synagogue préservée du pays. En dehors de la structure encore facilement identifiable, il reste dans le musée quelques éléments de cette ancienne synagogue, notamment l’aron et la bimah.

Lorsque la synagogue déménagea en 1870, la communauté juive vendit l’immeuble à un prêtre et le lieu fut transformé en chapelle. Avec le temps, le lieu changea de fonction, devenant un commissariat, puis un bureau d’architectes. Ce n’est qu’en 2019 que le musée juif de Suède y ouvrit ses portes, louant cet espace à la ville. Des rénovations furent réalisées, mais en tentant de préserver le cadre de la synagogue. En repeignant certains murs en blanc et en enlevant des couches de peinture ailleurs afin de révéler d’anciennes peintures qui s’y trouvaient. Ces peintures étant parmi les seules restantes aujourd’hui de style nord-allemand. La plupart des synagogues de ce style ayant été détruites pendant la Shoah.
L’exposition permanente du musée raconte l’histoire contemporaine des juifs dans ce pays, qui débute à donc en 1775. On y voit l’installation de la première communauté juive, avec ses grands personnages. Puis, graduellement, l’arrivée des juifs d’Europe de l’Est au dix-neuvième siècle. Une œuvre rassemblant des cintres symbolise l’arrivée de cette population qui travailla surtout dans le textile et créa de grands noms de marques locales, comme on l’aperçoit sur les étiquettes posées sur les cintres.

Un espace du musée est dédié à la persécution des Juifs pendant la Shoah. On peut y voir notamment un passeport avec le tampon « J », condition d’entrée aussi bien en Suède qu’en Suisse, deux pays se voulant neutres pendant la guerre. Ils demandèrent aux autorités allemandes, pour refuser aux juifs l’accès à leur territoire, de tamponner leurs passeports. On y voit également des objets de rituels juifs préservés originaires d’autres communautés européennes.
L’exposition permanente du musée se termine sur une touche plus positive en présentant le développement de la vie contemporaine juive en Suède. On y distingue l’accueil des nouveaux arrivants réfugiés, survivants de la Shoah, ainsi que leurs contributions à l’évolution de la vie juive suédoise. Avec certains objets rappelant cette époque, notamment ceux utilisés pour le kiddouche. Et d’autres objets de cette époque, parmi lesquels les petites boîtes métalliques présentes dans de nombreuses maisons, collectant les dons pour le KKL et d’autres institutions de l’État renaissant d’Israël.

Parmi les nouveaux éléments acquis par le musée, on trouve un joli film racontant l’établissement de juifs survivants de la Shoah dans la petite ville de Boras. Lesquels s’y installèrent pour travailler dans les usines de textile, aidés par les industriels juifs de Stockholm. L’exode rural suédois et la disparition de nombreuses usines se traduisirent par la fin de nombreuses petites communautés, dont celle-ci, d’où le caractère très précieux de ce genre de film et d’autres objets du musée juif de Suède.

Ce qui constituait auparavant le balcon, ou étaient assises les femmes dans la synagogue, accueille actuellement des petites expositions temporaires. Lesquelles se focalisent sur les rites juifs. En 2025, par exemple, y sont présentés des couvre-chefs religieux, avec à la fois des photos anciennes et modernes. Parmi les objets originaux, des kippotes avec un cheval, cet animal étant un symbole suédois apprécié.

De grandes rénovations ont été entreprises au musée en 2024. Tout le premier étage a été rénové. Le personnel de l’administration du musée, auparavant quitta le rez-de-chaussée, afin de consacrer ces espaces aux expositions temporaires, réservées à des sujets plus contemporains.

En 2025, le musée a accueilli une magnifique exposition temporaire, dédiée à la plus célèbre photographe suédoise, Anna Riwkin (1908-1970). Elle est surtout connue dans le monde pour ses livres consacrés aux jeunes.
On peut voir dans cette expo, non seulement ses photos, mais de nombreux objets et écrits personnels. Notamment son journal, son album de mariage et les portraits de sa famille réalisés lorsqu’Anna était adolescente.
Née en Russie en 1908, elle émigra en Suède avec sa famille à l’âge de 7 ans. Contrairement à la majorité des migrants d’Europe de l’Est de l’époque, sa famille était très peu pratiquante, tout en étant très impliquée dans le mouvement sioniste. Anna, aussi bien que ses frères et sœurs, trouva son bonheur dans la pratique artistique. Ils y consacrèrent tous leur vie : auteur, traducteur, peintre et photographe… Aucun d’entre eux n’eut d’enfant, si ce n’est leur œuvre.
A 20 ans, Anna Riwkin épousa Daniel Brick, une des grandes figures de la vie juive suédoise. Ce journaliste, éditeur et intellectuel engagé créa en 1932 Judisk Krönika, l’équivalent suédois du Jewish Chronicle, Une publication qui existe d’ailleurs toujours aujourd’hui. On découvre d’ailleurs dans cette exposition les lettres qu’ils s’envoyèrent.

Tout au long de sa carrière, Anna Riwkin réalisa des photos pour diverses publications. Elle était connue pour ses photos consacrées à la danse, ses portraits et ses publicités. Tout cela constituait la première phase de sa carrière, la seconde étant plutôt dévouée aux reportages. Dès les années 1930, elle parcourut la Suède et le monde, photographiant tout un tas de gens. Ainsi, elle devint une référence première pour la présentation documentaire de la vie des Samis et celle des Roms. La première aussi à présenter une image non « exotique » de ces populations. Les enfants sont très présents sur ses photos. Anna déclara dans une interview que n’ayant pas pu avoir d’enfant, les portraits de tous ces enfants permirent de compenser cette douleur.
Elle effectua de nombreux séjours à l’étranger. En résultèrent une publication annuelle de deux recueils de photos consacrés à ces pays, un destiné aux adultes et un pour les enfants. Des photos accompagnées de textes d’auteurs suédois. Ces livres rencontrèrent un grand succès, ce qui lui permit de continuer ses reportages.
Par contre, ce qui est moins connu du grand public, et présenté dans cette exposition, est l’engagement de Riwkin pour la présentation de la vie juive suédoise. A tel point que, durant quatre décennies, des années 1920 aux années 1950, elle fut sa principale documentariste. Cela dans le cadre d’une variété de projets, à la fois personnels, mais aussi de commandes issues des instances communautaires. Et, bien sûr, des photos pour le Judisk Krönika, dirigé par son mari. On découvre donc dans cette expo de nombreuses photos très touchantes de la première moitié du 20e siècle : l’arrivée des réfugiés juifs en Suède, de multiples portraits, mais aussi la façade de l’ancienne synagogue qui devint ce musée. Son engagement pour la culture juive ne se limita pas à son talent de photographe. Avec Daniel Brick. Elle créa l’Institut pour les cultures juives de Suède.

L’exposition se termine par ses abondantes photos prises en Israël dans les années 1940, avant et juste après la création de l’État. Anna Riwkin ne se limita pas, ni géographiquement ni culturellement, traversant le pays de long en large. Capturant les images de sa population diverse : hommes, femmes, enfants de différentes cultures, de religions et de différents lieux d’habitation. Elle publia des recueils réalisés à partir de ces photos, avec des textes écrits par Daniel Brick. Deux livres présents dans les foyers des familles juives suédoises, aujourd’hui encore. Durant des décennies, elle fut reconnue comme la photographe principale de la vie israélienne, ces photos devenant une référence mondiale à ce sujet.
Le Musée suédois de l’Holocauste
Il est situé dans un immeuble situé à proximité de la gare. Le Musée suédois de l’Holocauste accueille deux expositions dans les parties gauche et droite. En face de l’entrée se trouve une petite salle où sont diffusées des vidéos de rescapés de la Shoah qui répondirent à différentes questions dans des enregistrements. En fonction des thématiques demandées par les visiteurs, l’ordinateur présente ces vidéos. Une forme très contemporaine du partage de la mémoire.

L’exposition temporaire présentée en 2025, se situant à gauche du musée, évoque la manière dont la presse suédoise aborda l’avènement du nazisme et la Shoah. On voit dans cette exposition beaucoup de couvertures de journaux et des films d’actualité diffusés dans les salles de cinéma qui étaient nombreuses à l’époque.
Si certains journaux suédois étaient timides dans leur présentation de l’avènement du nazisme ou choisissaient des mots pastellisés pour parler des assassinats, la plupart condamnaient la politique des nazis. Ceux-ci bénéficiant toutefois de certains alliés dans la presse. Vous pouvez, par exemple, découvrir l’histoire de la journaliste Maria Leche Löfgren, qui fut une des plus grandes militantes pour la diffusion d’informations sur le sort des juifs.

Autre élément intéressant, d’anciens journaux d’avant la Seconde Guerre mondiale, attaquant les juifs. Avec les mêmes caricatures d’extrême droite ou d’extrême gauche qu’on retrouvait dans d’autres pays européens à l’époque et qui sont revenues à la mode aujourd’hui : les juifs étant accusés de peuple déicide par les premiers ou de conquête du monde par les seconds voire, comme le prétendent certains de nos jours, les deux en même temps.

Les panneaux expliquent que le gouvernement suédois mit une certaine pression sur la presse pour qu’il ne révèle pas trop le sort des déportés juifs. On y mentionne aussi que lorsque les Allemands commencèrent à déporter les Juifs de Norvège en 1942, de nombreux Suédois s’engagèrent pour défendre les Juifs. Et que le pays a accueilli les réfugiés juifs danois, sans oublier, bien sûr, le courage de Raoul Wallenberg. Parmi les portraits antinazis, on découvre l’histoire d’Amelie Posse (1884-1957).
Comme dans de nombreuses expositions contemporaines consacrées à la Shoah, on laisse beaucoup de place aux témoignages des derniers survivants et des Justes et de leurs familles qui sauvèrent des juifs pendant la guerre. Ainsi sont rendus dans le musée de nombreux hommages aux auteurs, journalistes, politiques et autres individus qui eurent le courage de s’opposer au nazisme.

L’exposition temporaire de 2025, située à droite du musée, est consacrée aux victimes roms pendant la Shoah. On y découvre les étapes qui aboutirent à leur déportation en Europe. On y rend hommage aussi à leur soulèvement dans un camp lorsque les Roms se sont révoltés, suite à l’avertissement par un prisonnier politique polonais concernant leur sort programmé.
L’exposition présente l’histoire de nombreuses familles : hommes, femmes et enfants… comment ils furent arrêtés et ce qu’il advint par la suite. Lesquels survécurent et lesquels périrent pendant la Shoah. L’exposition évoque également comment les Roms furent discriminés en Suède pendant longtemps. Et le temps que cela prit par les autorités pour reconnaitre ce fait.

Parmi les histoires émouvantes racontées, celle de Rose-Marie. Survivante avec sa mère de la Shoah, celle-ci, souffrant de nombreux problèmes de santé, n’eut d’autre choix que de mettre sa fille de 5 ans dans un orphelinat pendant deux ans. À l’école, Rose-Marie fut victime des brimades de nombreuses élèves qui ne comprenaient pas pourquoi il y avait un numéro tatoué sur son bras. Les enfants pensaient qu’il s’agissait d’un numéro de prisonnier. À 18 ans, Rose-Marie fit retirer le numéro sur son bras. En 1952, elle réussit à retrouver la trace de son père en Allemagne, qui avait survécu à 7 ans de captivité en Russie. La famille fut enfin réunie.