Croatie

Osijek

Passants dans les rues de la ville d'Osijek
Osijek. Photo de Roko Poljak

En 1847, une cinquantaine de familles participent à la fondation de la communauté d’Osijek, principale ville de la Slavonie.

Une école, puis une synagogue sont rapidement construites, où officie le rabbin Samuel Spitzer, auteur de livres religieux, culturels et historiques. Son fils, Hugo Spitzer, sera au début du XXe siècle l’un des pionniers du sionisme en Yougoslavie. La communauté comptait 2600 membres en 1940, mais 90% ont été tués dans les camps de Jasenovac, Dakovo et Loborgrad en Croatie, ainsi qu’à Auschwitz. Au siège de la petite  communauté juive de la ville , un musée abrite les restes des objets de la synagogue principale, détruite pendant la guerre. Sur la place centrale d’Osijek, un monument est dédié aux victimes de la Shoah. On trouve également un  cimetière juif à Osijek dans la Ville Basse et un cimetière juif dans la Ville Haute.

Il resta après-guerre 610 juifs à Osijek et dans a région. Les deux-tiers migrèrent à la fin des années 1940. Un monument en hommage aux combattants juifs et aux victimes du nazisme a été érigé en 1965 sur une place d’Osijek. Ce monument a été créé par Oscar Nemon, un ancien habitant. Au tournant du 21e siècle, 200 juifs habitèrent encore à Osijek. Une ancienne synagogue de la Ville Basse fut transformée en église. Une plaque posée à l’entrée rappelle son ancienne fonction.

Photo de Branko Lustig, réalisateur et producteur né à Osijek
Branko Lustig. Photo de Wikipedia

Branko Lustig (1932-2019) est un des personnages marquants d’Osijek. Né dans cette ville, il fut déporté pendant la Shoah à Auschwitz. La plupart des membres de sa famille furent assassinés. Après la guerre il étudia le métier d’acteur à Zagreb. Lustig devint par la suite réalisateur et producteur, participant dans ces fonctions à une centaine de films, encourageant notamment beaucoup le cinéma croate.

Parmi les grands films qu’il produisit, on peut citer Sophie’s Choice (1982) et Gladiator (2000). Résident en majeure partie à Los Angeles, à la fin de sa vie, il passa de plus en plus de temps à Zagreb où il fut nommé citoyen honoraire de la ville pour sa « grande contribution à la culture d’une société démocratique, à l’art cinématographique et à la compréhension entre les peuples ».

Branko Lustig, Gerald R. Molen et Steven Spielberg coproduisirent La Liste de Schnidler (1993). Lors de la cérémonie des Oscars, Spielberg insista sur le besoin d’écouter la parole des survivants et encouragea les enseignants à les accueillir pour partager leur vécu aux étudiants.

Affiche du film La Liste de Schindler

Lorsque Branko Lustig lui succéda à la tribune, il commença par rappeler son numéro tatoué sur son bras pendant la Shoah puis déclara, très ému, « Je suis un survivant de l’Holocauste. Le chemin est long d’Auschwitz à ce stade. Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé à arriver jusqu’ici. Des gens sont morts devant moi dans les camps. Leurs derniers mots étaient « sois le témoin de mon meurtre ». Dites au monde comment je suis mort. Souvenez-vous. Avec Jerry, en aidant Steven à réaliser ce film, j’espère remplir mes obligations envers les victimes innocentes de l’Holocauste. Au nom des six millions de Juifs tués dans la Shoah et des autres victimes des nazis, je tiens à remercier tout le monde d’avoir reconnu ce film. »

En 2011, Branko Lustig participe à la Marche de Vivants, célébrant sa bar mitsva à 78 ans devant le camp où il fut déporté et dont il fut libéré à 13 ans. Le New York Times a diffusé un reportage vidéo visible sur ce lien où l’on voit Branko Lustig répétant les prières avant d’arriver sur le lieu de son douloureux passé.

Tombes du cimetière de la ville d'Osijek en Croatie
Cimetière juif d’Osijek. Photo de Flammard – Wikipedia

Sa réussite américaine ne lui fit jamais perdre le sens des valeurs. Ainsi, répondant à Interviewsmagazine sur où se trouve réellement sa maison, Branko Lustig parla de Zagreb. Du fait que malgré la Shoah, retourner dans cette ville où il fit ses études de cinéma est important à ses yeux. Qu’il y connait les lieux et les habitants, marqué par la pâte humaine et la sincérité des rapports. Qu’il n’oublie pas mais qu’il pardonne, parlant aux nouvelles générations de Zagreb.

Branko Lustig a dirigé le Festival du film juif de Zagreb, non pas pour les 300 juifs qui habitent encore la ville, mais comme il l’affirme, pour « partager un esprit de tolérance et tirer les enseignements du passé pour qu’il ne se reproduise pas ».

Sources : Encyclopaedia Judaica


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