Située à 90km au Sud de Turin et à 45 km de la frontière française, la ville de Cuneo abritait autrefois l’une des communautés juives les plus importantes du Piémont. Aujourd’hui composée d’une quinzaine de personnes, la communauté se distingue par l’attachement qu’elle porte à sa synagogue. Située au coeur de ce qui fut autrefois le ghetto de la ville, la synagogue a été construite au XVIIe siècle et largement modifiée au XIXe siècle. Elle n’est actuellement plus utilisée que pour les grandes fêtes et certaines cérémonies familiales.
La présence de la communauté juive est attestée à Cuneo depuis 1406. Les juifs reçoivent une autorisation de séjour et le droit de pratiquer le prêt sur gage. Avec l’expulsion des juifs d’Avignon en 1570, Cuneo gagne une communauté prospère venue de France. Dans la région allant de Cuneo à Montferrato, les migrations juives de Provence vont encore durer des dizaines d’années. En 1630, les Juifs de Cuneo obtiennent l’autorisation de pratiquer l’artisanat et le commerce sans être soumis à des taxes supérieures à celles des non-Juifs. Le marché de la Piazza Galimberti qui à l’origine se déroulait toujours le samedi est déplacé au vendredi en signe de remerciements pour l’aide apportée par les Juifs de la ville pendant le siège de 1641.
Au XVIIIe siècle cependant, les répressions, les conversions forcées et établissements de ghettos qui ont commencé deux siècles auparavant dans le reste de l’Italie gagnent le Piémont.
À Cuneo, les restrictions, les emprisonnements et les diverses persécutions sont attestés par les écrits du célèbre rabbin Lelio della Torre (né à Cuneo le 11 janvier 1805 et décédé à Padoue le 9 juillet 1871) ou par l’historien d’origine juive, Arnaldo Momigliano, (1908-1987), né à Caraglio (en français Carail) à 10 km à l’est de Cuneo.
Quand le ghetto est mis en place via Mondovi en septembre 1724, 134 Juifs vivent à Cuneo. Le ghetto se limite à la via Mondovi et à la chiusa Pesio. Chaque soir ainsi que les jours de fêtes chrétiennes le ghetto est fermé par quatre portes dont on voit encore l’emplacement. À la fin du XVIIIe siècle, les Juifs sont quasiment coupés du reste de la population. Les portes du ghetto sont supprimées pendant la période napoléonienne quand la ville est annexée à l’Empire français, et remises immédiatement en place à la Restauration en 1814, après le congrès de Vienne, avec le retour sur le trône de Victor-Emmanuel Ier. Ces mauvaises conditions vont se poursuivre jusqu’en 1848.
Le recensement de Napoléon Ier de 1806, indique que 215 Juifs vivent à Cuneo. Ce nombre va croître jusqu’à 301 en 1835 et 320 en 1873. Dans les décennies suivantes, leur nombre va atteindre 450, avec l’afflux des familles habitant dans les villages voisins.
En 1848, l’émancipation totale civile et religieuse des Juifs est obtenue par le statut albertin, octroyé par le roi Charles-Albert de Savoie. La communauté poursuit son extension, comme l’atteste les travaux réalisés pour agrandir la synagogue.
Mais dès la fin du XIXe siècle, et plus encore au début du XXe siècle, en raison de l’industrialisation du nord de l’Italie, de nombreux Juifs, et plus particulièrement les jeunes, quittent les petites villes du Piémont pour s’installer dans les villes de Turin et de Milan, où se trouvent les universités et l’industrie. En 1936, il n’y a plus que 46 Juifs à Cuneo. Le recensement de Mussolini, réalisé en 1938, donne un nombre de 182 Juifs pour Cuneo, mais en y incluant ceux résidant à Saluzzo, Mondovì, Fossano, Busca, Moretta et Cherasco.
À huit kilomètres au sud de Cuneo, les Allemands établissent le 12 septembre 1943, quelques jours seulement après leur entrée dans la région, le camp de concentration de Borgo San Dalmazzo, où seront emprisonnés 349 Juifs étrangers originaires principalement d’Europe centrale ou d’Europe de l’Est, et arrêtés par les Allemands à partir du 18 septembre. Quelques Juifs italiens sont aussi arrêtés à Cuneo le 28 septembre, grâce aux listes fournies par les carabiniers italiens, mais sont relâchés quelques jours avant qu’une circulaire de ministre de l’intérieur, Guido Buffarini Guidi, ordonne leur arrestation. Le 21 novembre 1943, la majorité des prisonniers est transférée au camp de Drancy, près de Paris avant d’être envoyée au camp d’extermination d’Auschwitz. Seuls 10 survivront.
Le camp fermé temporairement après le départ des étrangers, est rouvert du 4 décembre 1943 au 15 février 1944. Cette réouverture est ordonnée par la police de Cuneo à la suite d’un décret du 2 décembre. Tous les Juifs, étrangers ou italiens, sont dorénavant pourchassés. La plupart des Juifs de Cuneo, qui avaient été précédemment arrêtés puis libérés, se cachent dans les montagnes avoisinantes, et seuls sont arrêtés à Cuneo, les malades, les personnes âgées ainsi que certaines personnes isolées n’ayant pas réussi à se dissimuler. Les Juifs de Mondovi, prévenus à temps ont pu se cacher. Par contre, les Juifs de Saluzzo seront arrêtés et déportés à Auschwitz.
Le 25 avril 1945, le jour de la libération de Cuneo, les Allemands avant de quitter la ville arrachent les six Juifs étrangers se trouvant à la prison locale et les abattent sous les arches du pont conduisant à la ville. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, la communauté juive de Cuneo perd son autonomie juridique et est de nos jours intégrée à la communauté juive de Turin.
L’ancien cimetière juif situé Calà degli Ebrei (actuellement Via della Pieve), a été démantelé pour la construction d’une bretelle routière, et les tombes transférés dans une section du cimetière communal via Bassa San Sebastiano.
Située au cœur du ghetto, 18, Contrada Mondovì, la synagogue actuelle, inaugurée en 1885, après l’émancipation des Juifs, est le résultat des nombreuses transformations d’une synagogue préexistante. La présence d’un Dukan (pupitre) datant de 1611, laisse supposer que la synagogue existait déjà à cette époque. C’est la plus vieille des seize synagogues encore existantes au Piémont.
La façade du bâtiment est encadrée par deux pilastres, sur lesquels repose l’entablement qui sépare les deux premiers niveaux, du troisième, légèrement en retrait et surmonté d’une corniche incurvée. Sur la frise de l’entablement, est inscrit en lettre hébraïque un des versets du livre de l’Exode: « Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux ». Au rez-de-chaussée, deux portes en bois à arc plein-cintre, avec chambranle surmonté d’un cartouche circulaire, permettent d’accéder, l’une au bureau de la communauté et l’autre à la synagogue. Au premier étage, au-dessus des portes, deux fenêtres reprennent la même décoration que les portes. Au second étage, au-dessus de l’entablement, se trouvent les trois fenêtres ouvrant sur la galerie des femmes.
En pénétrant par la porte de droite, on gravit un escalier qui conduit tout d’abord au niveau de la salle de classe, puis au niveau de la salle de prière. On pénètre dans celle-ci par une petite porte à l’arrière. La salle est rectangulaire, et possède sur chaque paroi latérale, deux fenêtres rectangulaires, assurant un éclairage naturel. Les murs gris sont rehaussés par des moulures dorées. Une corniche borde le plafond légèrement voûté, décoré en trompe-l’œil représentant un dôme sans tambour. Le long de la corniche, des cartouches dorés contiennent des inscriptions hébraïques.
La Teva, à laquelle on accède en montant deux marches, est entourée d’une balustrade en bois. Elle se trouve située juste devant l’Arche Sainte, de style baroque vénitien du XVIIIe siècle, dont les portes en bois peintes à l’or et finement sculptées, représentent en haut une grande Menorah (chandelier à sept branches) et en bas des instruments sacrificiels, la verge d’Aaron, la branche d’olivier et le pot de manne.
Sur le même mur que l’Arche Sainte, en haut à gauche, a été ajoutée à la période post-émancipation, une chaire, imitant celle des églises chrétiennes, et juste en dessous de cette chaire, se trouve encastré un boulet de canon d’origine autrichienne, qui a traversé la synagogue sans exploser, le 8 novembre 1799, lors du siège de la ville, à l’heure de la prière, sans causer la moindre victime parmi les fidèles. Ce miracle a été longtemps célébré, année après année par la communauté juive de Cuneo sous le nom de Pourim de Cuneo.
Des lustres en cristal et bronze doré complète l’éclairage naturel.
Les travaux de restauration entrepris ces dernières années, ont porté sur la préservation des structures existantes et le rétablissement d’artefacts originaux, ainsi la salle de prière a été rétablie entièrement dans sa configuration d’origine. Les travaux de restauration de la salle de prière et de la façade, ont été suivis tout d’abord par l’architecte Mariano Noggia, puis par l’architecte Laura Menardi. Les travaux de la façade et de la salle de prière sont maintenant terminés, et se poursuivent dans les salles adjacentes.
Au premier niveau se trouve une salle de classe, relativement étroite, équipée de bancs, d’un tableau noir et d’un boulier pour apprendre le calcul. On trouve aussi une petite bibliothèque contenant des textes anciens en hébreu.
(Source : Wikipédia)