L’histoire des juifs de Spire remonte à plus de 1000 ans. Au Moyen-Âge, la ville de Spire (anciennement Spira) abritait l’une des communautés juives les plus importantes du Saint Empire romain germanique. Son importance est attestée par la fréquence du patronyme juif ashkénaze Shapiro/Shapira et de ses variantes Szpira/Spiro/Speyer. La communauté a été totalement anéantie en 1940 pendant la Shoah. Avec la chute du rideau de fer en 1989, les Juifs se réinstallèrent à Spire et un premier minyan se tint en 1996.
Une riche histoire
Les premiers témoignages attestant d’une communauté juive à Spire remontent aux années 1070. Ils émanaient de la célèbre famille Kalonymos de Mayence, émigrée d’Italie un siècle auparavant. D’autres juifs de Mayence se sont peut-être aussi installés à Spire à la même époque.
L’histoire des de la communauté de Spire commence en 1084, lorsque des Juifs fuyant des pogroms de Mayence et Worms se réfugièrent avec leurs proches à Spire. Ils sont certainement venus à l’instigation de l’évêque Rüdiger Huzmann (1073-1090), qui autorisa un grand nombre de juifs à vivre dans sa ville avec l’accord de l’empereur Henri IV. Dans sa charte (Freiheitsbrief) des Juifs, l’évêque approuve l’établissement de la communauté dans un espace défini.
Cette zone correspond à l’ancienne banlieue d’Altspeyer dans l’espace situé à l’est de la gare d’aujourd’hui. Ce quartier fortifié se trouvait au nord, en dehors des murs de la ville, et constitue le premier ghetto documenté de la ville.
La charte ratifiée par l’évêque Huzmann allait bien au-delà de la pratique en cours ailleurs dans l’empire. Les juifs de Spire étaient autorisés à effectuer toute sorte de commerce, à échanger or et argent, à posséder des terres, à disposer de leurs propres lois, de leur système judiciaire et administratif, à employer des non-juifs comme domestiques, et n’étaient pas tenus de payer les droits de douane des frontières de la ville.
Les deux chartes
La raison pour laquelle les juifs sont appelés à venir à Spire par l’évêque était leur rôle important dans le commerce fiduciaire et commercial, et en particulier leurs liens avec les régions éloignées. Les bailleurs de fonds étaient nécessaires à grande échelle pour la construction de la cathédrale. Spécificité de Spire : notez que les droits et privilèges spécialement accordés aux juifs de cette ville ont été finalement étendus à tous les Juifs de l’empire.
Les deux chartes de 1084 et 1090 ont marqué le début de « l’âge d’or » des juifs à Spire qui, avec des restrictions, devait durer jusqu’au 13ème ou 14ème siècle. Selon ces documents, un « Archisynagogos », également appelé « évêque juif », présidait l’administration ainsi que le tribunal de la communauté. Il était élu par la communauté et « adoubé » par l’évêque. Plus tard, des sources font état d’un « conseil de juifs » de douze membres, présidé par « l’évêque juif » qui représentait la communauté à l’extérieur. En 1333 et 1344, l’autorité du conseil des juifs fut ratifiée par le conseil municipal de Spire.
En 1096, les Juifs de Speyer sont parmi les premiers touchés par les pogroms provoqués par l’épidémie de peste, mais, comparé aux communautés de Worms et de Mayence qui ont suivi quelques jours plus tard, ils furent relativement épargnés.
Développement de la vie juive
À peu près à cette époque, un deuxième quartier juif fut établi à proximité de la cathédrale, le long de la Kleine Pfaffengasse qui était autrefois la Judengasse (rue des juifs), tandis que l’ancien quartier juif et sa synagogue subsistaient à Altspeyer. On estime que la communauté juive de Spire était alors composée de 300 à 400 personnes.
Au cours de ces années, la communauté juive de Spire devint l’une des plus importantes du Saint Empire romain germanique. C’était un centre important d’études de la Torah et, malgré les pogroms, les persécutions et les expulsions, avait une influence considérable sur la vie spirituelle et culturelle générale de la ville. Lors d’un synode de rabbins à Troyes, vers 1150, la direction de la communauté juive allemande fut transférée aux communautés de Spire, Worms et Mayence.
Développement intellectuel et religieux
Les trois communautés créèrent une fédération appelée « SHUM » (שום: initiales des noms hébreux des trois villes) et ont conservé ce pouvoir jusqu’au milieu du 13ème siècle. Les villes de SHUM avaient leur propre rite et étaient reconnues comme une autorité centrale en matière juridique et religieuse. Spire avait des écoles juives renommées et une Yeshiva très fréquentée.
En raison de la haute estime à laquelle étaient tenues, au Moyen Âge, les trois villes de SHUM, elles furent louées comme une « Jérusalem rhénane ». Ces villes eurent une influence considérable sur le développement de la culture ashkénaze européenne. Au 13ème siècle, Issac ben Mose Or Sarua de Vienne écrit: « De nos professeurs à Mayence, Worms et Spire, les enseignements ont été étendus à tout Israël … ».
Pourtant, même en cette période florissante, des violences antisémites éclatèrent en 1146, 1195, 1282 et 1343. En 1349, pendant la peste noire, la communauté juive de Spire est totalement anéantie. Dans les années suivantes, une petite communauté se rétablit sans jamais retrouver la taille et le statut qu’elle avait avant 1349. Les juifs sont expulsés de Spire de 1405 à 1421, puis « pour l’éternité » en 1435. L’un des réfugiés de Spire est Moses Mentzlav, dont le fils, Israël Nathan, a fondé la célèbre imprimerie hébraïque de Soncino, en Italie.
Retour des juifs à Spire
De 1621 à 1688, les Juifs se ré-établissent à Spire. C’est surtout pendant la Guerre de Trente ans et les années suivantes que les villes endettées font appel au pouvoir financier de la communauté. La ville commence à contracter des emprunts auprès des juifs dès 1629. Cependant, à la suite de plaintes, avant que Spire ne soit incendiée par les Français en 1689, les échanges et les transactions financières avec les juifs avaient été totalement interdits. Au cours des années suivantes de reconstruction, les juifs n’étaient pas autorisés à se réinstaller de manière permanente.
Une communauté juive s’établit à Spire après la Révolution française. Il se distingue par ses attitudes libérales et émancipées qui, maintes fois, le mettent en conflit avec les communautés juives plus conservatrices de la région rhénane. En 1828, la communauté fonde un organisme caritatif et contribue aux efforts du conseil municipal pour lutter contre la grande pauvreté dans la ville. En 1830, la communauté juive de Spire compte 209 membres. En 1837, une nouvelle synagogue est construite sur le site de l’ancienne église Saint-Jacques de la Heydenreichstraße ; la synagogue comprenait une petite école.
Montée de l’antisémitisme
En 1890, la communauté juive compte 535 membres, le plus grand nombre jamais enregistré à Spire ; en 1910, leur nombre avait diminué à 403. Au début des années 1930, les juifs de Spire commencent à partir pour les grandes villes ou à émigrer en raison de la montée de l’antisémitisme.
En 1933, le nombre de Juifs à Spire était tombé à 269 et au moment où leur synagogue fut incendiée pendant la Nuit de Cristal, il ne restait plus que 81 personnes. Dans la nuit du 9 novembre, des troupes de SA et de SS pillent la synagogue de la Heydenreichstraße, emportant la bibliothèque, les étoffes précieuses, tapis et ustensiles rituels, et incendient le bâtiment. Avec la synagogue, les Juifs perdent également leur école. La même nuit, le cimetière juif est vandalisé. Un membre de la communauté aménage une salle de prière dans sa maison de Herdstraße. La ville a ensuite utilisé cette maison comme lieu de stockage pour les meubles volés aux juifs déportés.
Le 22 octobre 1940, 51 des 60 Juifs restant à Spire sont déportés dans le camp d’internement de Gurs, dans le sud de la France.
Certains d’entre eux réussissent à s’enfuir en Suisse, aux États-Unis et en Afrique du Sud avec l’aide de la population locale, tandis que les autres sont déportés à Auschwitz. Caché à Spire, un seul juif a survécu à l’ère nazie.
Jusqu’aux années 1990, il n’y avait pas de communauté juive à Spire. Ce n’est qu’en octobre 1996 qu’un premier minyan se tient. La nouvelle communauté fut fondée par dix juifs d’Europe de l’est.
Le Mikveh
Vers 1100, dans la Judengasse, fut construit le Judenhof (cour juive), centre de la communauté avec son mikveh et une synagogue pour hommes, et plus tard pour femmes. Le mikveh et la synagogue ont été conçus et construits par les mêmes architectes et ouvriers que la cathédrale de Spire. Ils ont été consacrés le 21 septembre 1104, onze ans après le pogrom de 1096. Le bain rituel tombe en désuétude au 16ème siècle, mais ses ruines représentent aujourd’hui les plus anciens vestiges visibles d’un mikveh en Europe centrale. Aujourd’hui, ce site du patrimoine archéologique européen a été rendu accessible au public et le bassin est toujours alimentée par les eaux souterraines.
Le mikveh de Spire est considéré aujourd’hui comme le mieux conservé d’Europe. Un escalier voûté en tonneau mène à travers un vestibule à un puits carré situé à 10 mètres sous le sol. Le mikveh est orné de riches ornements colorés de l’époque romane. Une fenêtre en deux parties ouvre la vue sur le bassin. Le mikveh est aujourd’hui recouvert d’une structure de verre afin de la protéger. Le bain n’est plus officiellement employé aujourd’hui, mais son utilisation peut être organisée en dehors des heures d’ouverture officielles pour les touristes.
En 1968, une plaque commémorative a été dévoilée dans la cour du mikveh commémorant le sort des juifs de Spire pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le musée SchPIRA
À la même adresse que le mikveh, vous pouvez visiter le musée SchPIRA, consacré à la riche histoire de la communauté juive. Le musée historique du Palatinat et l’Office national de la préservation historique de Spire ont consenti à un prêt permanent de leurs collections de Judaïca pour compléter l’exposition permanente du musée. Des expositions archéologiques des trois piliers importants de la communauté juive y sont exposées: synagogue, bain rituel et cimetière.
Les synagogues
La synagogue consacrée en 1104, a été construite comme une pièce romane d’environ 10 mètres de large et 17 mètres de long. Il n’en reste aujourd’hui que le mur est.
Nous savons très peu de choses sur l’aménagement intérieur de la synagogue. D’après une note rabbinique, nous savons que le sol était recouvert de pierre. Les traces des encadrements de fenêtres sont toujours visible sur les deux fenêtres du mur ouest.
La maison de culte fut endommagée lors du pogrom de 1349 et réparée en 1354 avec plusieurs modifications dans sa construction. Après l’expulsion des juifs au début du 16ème siècle, la synagogue fut transformés en un arsenal municipal avant d’être finalement démolie.
Sur le site de la synagogue détruite pendant la Nuit de Cristal se trouve maintenant un grand magasin. En 1979, une plaque a été apposée sur le mur arrière du bâtiment du grand magasin, où se trouvait autrefois la synagogue. Juste en face de ce site, un monument a été érigé en 1992. Peu de temps après, il a été déplacé de l’autre côté de la rue, à son emplacement actuel, en raison de l’espace restreint.
Il fut décidé de construire une nouvelle synagogue dans le prolongement de l’ancienne église médiévale de Saint-Guido dans les années 1990. La consécration de la synagogue Beith Shalom eut lieu le 9 novembre 2011. Elle abrite également un centre communautaire.
Les cimetières
Le cimetière juif médiéval de Spire se trouvait en face de la Judenturm (tour des juifs), à l’ouest de l’ancien quartier juif d’Altspeyer (aujourd’hui entre Bahnhofstraße et Wormer Landstraße). Après la réinstallation des Juifs à Spire au 19ème siècle, un nouveau cimetière fut construit à St. Klara Klosterweg et resta en service jusqu’en 1888. L’ancienne morgue et une partie du mur occidental sont toujours visibles En 1888, le cimetière juif a été transféré dans le nouveau cimetière municipal construit au nord de Spire, le long de la rue Wormser Landstraße, où il occupe maintenant la partie sud-est.
Sources: Wikipedia; Speyer Tourist Office