Allemagne / Le Rhin

Spire

L’histoire des juifs de Spire remonte à plus de 1000 ans. Au Moyen-Âge, la ville de Spire (anciennement Spira) abritait l’une des communautés juives les plus importantes du Saint Empire romain germanique. Son importance est attestée par la fréquence du patronyme juif ashkénaze Shapiro/Shapira et de ses variantes Szpira/Spiro/Speyer. La communauté a été totalement anéantie en 1940 pendant la Shoah. Avec la chute du rideau de fer en 1989, les Juifs se réinstallèrent à Spire et un premier minyan se tint en 1996.

Vieille ville de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

Une riche histoire

Les premiers témoignages attestant d’une communauté juive à Spire remontent aux années 1070. Ils émanaient de la célèbre famille Kalonymos de Mayence, émigrée d’Italie un siècle auparavant. D’autres juifs de Mayence se sont peut-être aussi installés à Spire à la même époque.

L’histoire des de la communauté de Spire commence en 1084, lorsque des Juifs fuyant des pogroms de Mayence et Worms se réfugièrent avec leurs proches à Spire. Ils sont certainement venus à l’instigation de l’évêque Rüdiger Huzmann (1073-1090), qui autorisa un grand nombre de juifs à vivre dans sa ville avec l’accord de l’empereur Henri IV. Dans sa charte (Freiheitsbrief) des Juifs, l’évêque approuve l’établissement de la communauté dans un espace défini.

Les Sages de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

Cette zone correspond à l’ancienne banlieue d’Altspeyer dans l’espace situé à l’est de la gare d’aujourd’hui. Ce quartier fortifié se trouvait au nord, en dehors des murs de la ville, et constitue le premier ghetto documenté de la ville.

La charte ratifiée par l’évêque Huzmann allait bien au-delà de la pratique en cours ailleurs dans l’empire. Les juifs de Spire étaient autorisés à effectuer toute sorte de commerce, à échanger or et argent, à posséder des terres, à disposer de leurs propres lois, de leur système judiciaire et administratif, à employer des non-juifs comme domestiques, et n’étaient pas tenus de payer les droits de douane des frontières de la ville.

Les deux chartes

La raison pour laquelle les juifs sont appelés à venir à Spire par l’évêque était leur rôle important dans le commerce fiduciaire et commercial, et en particulier leurs liens avec les régions éloignées. Les bailleurs de fonds étaient nécessaires à grande échelle pour la construction de la cathédrale. Spécificité de Spire : notez que les droits et privilèges spécialement accordés aux juifs de cette ville ont été finalement étendus à tous les Juifs de l’empire.

Entrée du Musée Schpira. Photo de Jguideeurope 2025

Les deux chartes de 1084 et 1090 ont marqué le début de « l’âge d’or » des juifs à Spire qui, avec des restrictions, devait durer jusqu’au 13ème ou 14ème siècle. Selon ces documents, un « Archisynagogos », également appelé « évêque juif », présidait l’administration ainsi que le tribunal de la communauté. Il était élu par la communauté et « adoubé » par l’évêque. Plus tard, des sources font état d’un « conseil de juifs » de douze membres, présidé par « l’évêque juif » qui représentait la communauté à l’extérieur. En 1333 et 1344, l’autorité du conseil des juifs fut ratifiée par le conseil municipal de Spire.

En 1096, les Juifs de Speyer sont parmi les premiers touchés par les pogroms provoqués par l’épidémie de peste, mais, comparé aux communautés de Worms et de Mayence qui ont suivi quelques jours plus tard, ils furent relativement épargnés.

Développement de la vie juive

À peu près à cette époque, un deuxième quartier juif fut établi à proximité de la cathédrale, le long de la Kleine Pfaffengasse qui était autrefois la Judengasse (rue des juifs), tandis que l’ancien quartier juif et sa synagogue subsistaient à Altspeyer. On estime que la communauté juive de Spire était alors composée de 300 à 400 personnes.

ShUM. Photo de Jguideeurope 2025

Au cours de ces années, la communauté juive de Spire devint l’une des plus importantes du Saint Empire romain germanique. C’était un centre important d’études de la Torah et, malgré les pogroms, les persécutions et les expulsions, avait une influence considérable sur la vie spirituelle et culturelle générale de la ville. Lors d’un synode de rabbins à Troyes, vers 1150, la direction de la communauté juive allemande fut transférée aux communautés de Spire, Worms et Mayence.

Développement intellectuel et religieux

Les trois communautés créèrent une fédération appelée « ShUM » (שום: initiales des noms hébreux des trois villes) et ont conservé ce pouvoir jusqu’au milieu du 13ème siècle. Les villes de SHUM avaient leur propre rite et étaient reconnues comme une autorité centrale en matière juridique et religieuse. Spire avait des écoles juives renommées et une Yeshiva très fréquentée.

En raison de la haute estime à laquelle étaient tenues, au Moyen Âge, les trois villes de ShUM, elles furent louées comme une « Jérusalem rhénane ». Ces villes eurent une influence considérable sur le développement de la culture ashkénaze européenne. Au 13ème siècle, Issac ben Mose Or Sarua de Vienne écrit : « De nos professeurs à Mayence, Worms et Spire, les enseignements ont été étendus à tout Israël … ».

Vestiges de l’ancienne synagogue. Photo de Jguideeurope 2025

Pourtant, même en cette période florissante, des violences antisémites éclatèrent en 1146, 1195, 1282 et 1343. En 1349, pendant la peste noire, la communauté juive de Spire est totalement anéantie. Dans les années suivantes, une petite communauté se rétablit sans jamais retrouver la taille et le statut qu’elle avait avant 1349. Les juifs sont expulsés de Spire de 1405 à 1421, puis « pour l’éternité » en 1435. L’un des réfugiés de Spire est Moses Mentzlav, dont le fils, Israël Nathan, a fondé la célèbre imprimerie hébraïque de Soncino, en Italie.

Retour des juifs à Spire

De 1621 à 1688, les Juifs se ré-établissent à Spire. C’est surtout pendant la Guerre de Trente ans et les années suivantes que les villes endettées font appel au pouvoir financier de la communauté. La ville commence à contracter des emprunts auprès des juifs dès 1629. Cependant, à la suite de plaintes, avant que Spire ne soit incendiée par les Français en 1689, les échanges et les transactions financières avec les juifs avaient été totalement interdits. Au cours des années suivantes de reconstruction, les juifs n’étaient pas autorisés à se réinstaller de manière permanente.

Une communauté juive s’établit à Spire après la Révolution française. Elle se distingue par ses attitudes libérales et émancipées qui, maintes fois, le mettent en conflit avec les communautés juives plus conservatrices de la région rhénane. En 1828, la communauté fonde un organisme caritatif et contribue aux efforts du conseil municipal pour lutter contre la grande pauvreté dans la ville. En 1830, la communauté juive de Spire compte 209 membres. En 1837, une nouvelle synagogue est construite sur le site de l’ancienne église Saint-Jacques de la Heydenreichstraße ; la synagogue comprenait une petite école.

Montée de l’antisémitisme

En 1890, la communauté juive compte 535 membres, le plus grand nombre jamais enregistré à Spire ; en 1910, leur nombre avait diminué à 403. Au début des années 1930, les juifs de Spire commencent à partir pour les grandes villes ou à émigrer en raison de la montée de l’antisémitisme.

Monument pour les déportés de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

En 1933, le nombre de Juifs à Spire était tombé à 269 et au moment où leur synagogue fut incendiée pendant la Nuit de Cristal, il ne restait plus que 81 personnes. Dans la nuit du 9 novembre, des troupes de SA et de SS pillent la synagogue de la Heydenreichstraße, emportant la bibliothèque, les étoffes précieuses, tapis et ustensiles rituels, et incendient le bâtiment. Avec la synagogue, les Juifs perdent également leur école. La même nuit, le cimetière juif est vandalisé. Un membre de la communauté aménage une salle de prière dans sa maison de Herdstraße. La ville a ensuite utilisé cette maison comme lieu de stockage pour les meubles volés aux juifs déportés.

Le 22 octobre 1940, 51 des 60 Juifs restant à Spire sont déportés dans le camp d’internement de Gurs, dans le sud de la France.

Certains d’entre eux réussissent à s’enfuir en Suisse, aux États-Unis et en Afrique du Sud avec l’aide de la population locale, tandis que les autres sont déportés à Auschwitz. Caché à Spire, un seul juif a survécu à l’ère nazie.

Nouvelle synagogue de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

Il fut décidé de construire une nouvelle synagogue dans le prolongement de l’ancienne église médiévale de Saint-Guido dans les années 1990. La consécration de la synagogue Beith Shalom eut lieu le 9 novembre 2011. Elle abrite également un centre communautaire.

Le cimetière juif médiéval de Spire se trouvait en face de la Judenturm (tour des juifs), à l’ouest de l’ancien quartier juif d’Altspeyer (aujourd’hui entre Bahnhofstraße et Wormer Landstraße). Après la réinstallation des Juifs à Spire au 19ème siècle, un nouveau cimetière fut construit à St. Klara Klosterweg et resta en service jusqu’en 1888. L’ancienne morgue et une partie du mur occidental sont toujours visibles. En 1888, le cimetière juif a été transféré dans le nouveau cimetière municipal construit au nord de Spire, le long de la rue Wormser Landstraße, où il occupe maintenant la partie sud-est.

Itinéraire

Lorsque vous sortez de la gare de Spire, sur la Banhoferstrasse, le parc Adenauer vous accueille. Nommé en hommage à l’ancien chancelier allemand Konrad Adenauer, il accueille la tombe d’un autre ancien chancelier, Helmut Kohl.

Adenauerpark. Photo de Jguideeurope 2025

Après avoir traversé ce très joli petit parc, vous tombez sur la St.-Guido-Stiffts Platz. Et là, ne soyez pas surpris de trouver un panneau en 2 langues, en allemand d’un côté et en hébreu de l’autre, parce qu’il indique l’emplacement du Kikar Yavne . Une place ainsi nommée en hommage à la ville israélienne de Yavné, avec laquelle Spire est jumelée depuis 1998.

Kikar Yavné. Photo de Jguideeurope 2025

En prenant la petite allée Weidenberg, le joli petit parc très fleuri vous ferez face à une sculpture de menorah en métal et juste derrière la nouvelle synagogue de Spire.

Menorah dans le parc St-Guido. Photo de Jguideeurope 2025

En descendant ensuite la Wormser Strasser et ses ruelles adjacentes avec des maisons de couleurs différentes et leur végétation très présente, vous arrivez au cœur de la vieille ville. En face du numéro 9 de la rue ont été posées des stolpersteine.

Stolpersteine. Photo de Jguideeurope 2025

Au bout de cette rue, l’inévitable Maximilian Strasse. A droite, on aperçoit un des plus célèbres monuments de la ville, l’Altpörtel, une porte du moyen-âge mesurant 55 mètres de haut, construite au 13e siècle.

Altpörtel. Photo de Jguideeurope 2025

La Maximilian Strasse est la rue commerçante principale de la vieille ville. Elle relie ses principaux monuments anciens de l’Altpörtel à la cathédrale de Spire. En face du début de la Wormser strasser, à 50 mètres de l’Altpörtel est située la Galeria Speyer, un grand magasin situé sur le lieu de l’ancienne synagogue détruite pendant la Nuit de Cristal.

En prenant la ruelle Karlsgasse qui longe le magasin, vous trouverez le Mémorial qui rend hommage aux Juifs de Spire déportés pendant la Shoah, érigé en 1992.

Monument en souvenir des déportés de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

En prenant ensuite sur votre gauche sur la Hellergasse, qui se prolonge dans la Kutschergasse, vous arriverez sur la petite place du marché. En la traversant en diagonale, vous prenez la Kleine Pfaffengasse où se situe le musée juif de Spire, le SchPIRA .

Juste avant le musée, sur votre droite, vous verrez la Judengasse et la Judenbadgasse, respectivement nommée ruelle des Juifs et la ruelle du Bain rituel juif.

Judenbadgasse. Photo de Jguideeurope 2025

Le SchPIRA est relativement petit. Avec quelques objets anciens, vestiges de l’ancienne synagogue et des pierres tombales. Lesquelles semblent dater du 13e siècle.

Pierres tombales au musée. Photo de Jguideeurope 2025

Une maquette de l’ancien mikvé est présentée afin de permettre aux visiteurs de voir à quoi celui-ci ressemblait dans son ensemble. Sur le sol ensuite est dessinée une carte de l’ancienne Spire.

Carte de l’ancienne Spire. Photo de Jguideeurope 2025

Dans la salle suivante, quelques panneaux retracent l’histoire. Des sièges vous permettent de regarder tranquillement des vidéos de présentation en allemand ou en anglais. Ainsi, deux films sont disponibles en anglais. Le premier dure 12 minutes et raconte l’histoire de la synagogue, avec son évolution au fil du temps et les (re)constructions nécessaires. Elément particulièrement intéressant dans cette présentation, la construction de la salle des femmes. Dans certaines synagogues de l’époque, les femmes n’étaient pas juste assises derrière ou au-dessus mais disposaient de leur propre salle. A travers de laquelle quelques fenêtre les liaient à la salle réservée aux hommes afin qu’elles puissent suivre les prières.

Ancienne synagogue. Photo de Jguideeurope 2025

On voit donc dans la vidéo l’évolution architecturale de la synagogue et le rôle influent que joua cette communauté à la fin du Moyen-Âge. Sans oublier de parler de sa destruction, suite aux accusations antisémites classiques d’empoisonnement des puits, comme ce fut le cas à travers l’Europe médiévale. L’autre vidéo est consacrée aux rituels juifs, dans un souci de vulgarisation de leur signification pour les visiteurs.

Dans le petit jardin très fleuri du musée, vous verrez quelques sculptures, dont une intitulée « Les sages de Spire », en souvenir de tous les éminents rabbins qui s’y formèrent et enseignèrent.

Salle des femmes dans la synagogue. Photo de Jguideeurope 2025

En face du petit jardin intérieur, on aperçoit à droite les vestiges de la synagogue avec ses deux salles. Des pierres rouges et jaunes témoignent de l’évolution architecturale des synagogues à travers le temps. Et on peut voir, encore intactes, certaines fenêtres reliant la salle des hommes à celle des femmes. Ces fenêtres, en réalité six petites ouvertures, ont été percées dans le mur entre les 2 salles. Il y avait également une porte de communication entre celles-ci, située à l’extrême ouest du mur. Des bancs étaient positionnés tout autour de la salle de prière des femmes. Un d’entre eux est toujours conservé aujourd’hui.

Fenêtre reliant les deux salles de la synagogue. Photo de Jguideeurope 2025

La synagogue consacrée en 1104, a été construite comme une pièce romane d’environ 10 mètres de large et 17 mètres de long. La maison de culte fut endommagée lors du pogrom de 1349 et réparée en 1354 avec plusieurs modifications dans sa construction. Après l’expulsion des juifs au début du 16ème siècle, la synagogue fut transformée en un arsenal municipal avant d’être finalement démolie.

Le premier architecte à avoir travaillé sur la synagogue n’était pas juif, car à cette époque les juifs étaient interdits de pratique de certains métiers. Notamment ceux liés à l’artisanat. En 2025, nous avons pu observer les travaux de restauration de cette ancienne synagogue.

Mikvé. Photo de Jguideeurope 2025

Juste à côté des vestiges de la synagogue est situé le célèbre mikvé de Spire. Le bain rituel tombe en désuétude au 16ème siècle, mais ses ruines représentent aujourd’hui les plus anciens vestiges visibles d’un mikveh en Europe centrale. Aujourd’hui, ce site du patrimoine archéologique européen a été rendu accessible au public et le bassin est toujours alimentée par les eaux souterraines. La première mention du mikvé date de 1128. Il a donc été probablement construit en même temps que la synagogue, au début du 12e siècle. Il est très bien conservé et éclairé, vous permettant de descendre vers l’endroit où était situé le bain rituel l’eau toujours abondante.

Mikvé. Photo de Jguideeurope 2025

Le mikveh de Spire est considéré aujourd’hui comme le mieux conservé d’Europe. Un escalier voûté en tonneau mène à travers un vestibule à un puits carré situé à 10 mètres sous le sol. Le mikveh est orné de riches ornements colorés de l’époque romane. Une fenêtre en deux parties ouvre la vue sur le bassin. Le mikveh est aujourd’hui recouvert d’une structure de verre afin de la protéger. Le bain n’est plus officiellement employé aujourd’hui, mais son utilisation peut être organisée en dehors des heures d’ouverture officielles pour les touristes.

Mikvé. Photo de Jguideeurope 2025

Tout autour, des panneaux explicatifs concernant la construction du mikvé, mais aussi la chronologie de la vie juive et les grandes heures de la communauté de Spire, ainsi que sa renaissance contemporaine.

En sortant du musée SchPIRA, vous reprenez à droite sur la Kleine Pfaffengasse pour arriver 100 mètres plus loin à la Domplatz ou des située la très belle et immense cathédrale de Spire, construite à partir du 11e siècle sous Conrad II.

Cathédrale de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

On peut observer sur son entrée des moments célèbres de la Bible, sculptés en fer forgé. A l’intérieur, comme dans de nombreuses cathédrales allemandes, de très beaux orgues jouent parfois, pour le plus grand bonheur des visiteurs. Tableaux et statues à l’intérieur et à l’extérieur de la cathédrale rendent hommage à la Bible et aux souverains allemands.

Orgues de la Cathédrale de Spire. Photo de Jguideeurope 2025

Et pour finir cette promenade, nous vous recommandons le très joli plat parc situé juste derrière la cathédrale, dans lequel vous verrez notamment des sculptures contemporaines et une très apaisante végétation.

Domgarten. Photo de Jguideeurope 2025


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