La communauté juive de la capitale historique des Gaules, et de la Résistance pour les historiens, a retrouvé aujourd’hui un dynamisme incontestable. Autour de la Grande Synagogue , bâtie en 1864, plus d’une vingtaine d’autres lieux communautaires, sans compter d’excellents restaurants casher, font de Lyon une étape plus qu’agréable.
Comme pour de nombreuses villes françaises, la présence des juifs lyonnais remonte probablement à l’Empire romain, mais est recensée au Moyen Age. Cela, dès le 9e siècle où ils constituèrent une importante communauté. Ils vécurent alors près de la rue Juiverie, aux pieds du Mont Fourvière.
Les juifs furent expulsés en 1250 mais s’y réinstallèrent une centaine d’année plus tard. Un autre aller-retour de ce genre se déroula au début du 15e siècle.
La pérennisation de la vie juive à Lyon prit forme avec la Révolution Française. Constituée de familles venant du Comtat Venaissin, d’Alsace, de Bordeaux et d’Avignon, ils achetèrent des terres pour y établir un cimetière.
De 300 en 1830, le nombre de juifs passa à 700 en 1840, principalement grâce à la venue de juifs d’Alsace-Lorraine. Ils vécurent en grande partie rue Lanterne et rue de la Barre.
En 1864, la Grande synagogue de Lyon fut ouverte Quai Tilsitt. De longues discussions eurent lieu avec les autorités. La municipalité mis à disposition le terrain du grenier à sel en 1862 et elle fut construite par l’architecte Abraham Hirsch.
La ville accueille également une synagogue de rite sépharade, Neveh Chalom construite au début du 20e siècle par des juifs originaires de Grèce et de Turquie.
Grand centre de la Résistance, les juifs y prirent part considérablement. C’est dans cette ville que fut arrêté et torturé Jean Moulin, envoyé par le Général de Gaulle pour y organiser la Résistance. Le cardinal Pierre Gerlier dénonça publiquement les exactions commises contre les juifs et participa aux efforts de la Résistance.
Si la ville de Lyon ne compta que 7000 juifs après la guerre, ce chiffre augmenta rapidement avec la réindustrialisation et l’arrivée des juifs d’Afrique du Nord.
Ainsi, en 1969 il y avait près de 20000 juifs à Lyon.
Il y a également des communautés juives dans les villes de la région, principalement à Villeurbanne. S’y sont installées plusieurs synagogues, mikvaot et centres d’études.
L’ Institut Culturel du Judaïsme a ouvert ses portes récemment à Lyon. Dans un esprit républicain, il facilite la découverte du judaïsme grâce à une approche pédagogique sur différents niveaux, alliant présentation d’objets anciens et utilisation des dernières innovations technologiques (écrans géants, tablettes numériques, réalité virtuelle.). Il organise d’ailleurs régulièrement des visites pour des lycéens et collégiens de la région.
Le parcours est organisé autour des thématiques suivantes : l’histoire du peuple juif, la religion et les pratiques religieuses, les préjugés antisémites et la place des juifs en France.
Rencontre avec Ilan Levy, Journaliste et guide
Jguideeurope : Comment percevez-vous l’évolution ces dernières années du judaïsme lyonnais et de l’intérêt général pour les lieux de référence du patrimoine culturel juif ?
Ilan Levy : Lyon a la chance de bénéficier d’une synagogue inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques : la synagogue Tilsitt. Ce lieu de culte est très important pour les Lyonnais, notamment car de très nombreux mariages s’y déroulent.
Des visites y sont organisées tout au long de l’année, hors période Covid, notamment par des groupes scolaires.
Récemment rénovée, à l’occasion de ses 150 ans, la synagogue a fait totalement peau neuve. Il est possible d’y admirer les vitraux et l’orgue, ainsi que l’architecture proposée par Abraham Hirsch, l’architecte de la ville de Lyon de la fin du XIXème siècle, qui lui donne une allure proche d’un temple protestant. Elle fait également l’objet de très nombreuses visites pour les Journées du Patrimoine et des concerts y sont donnés à chaque Fête de la Musique.
Y a-t-il un lieu peu connu lié à ce patrimoine que vous estimez important de connaitre ?
Hors de la synagogue Tilsitt, le patrimoine juif est plus récent et ne propose pas de bâtiment remarquable d’un point de vue architectural. L’Institut Culturel du Judaïsme, construit à côté de la synagogue Névé Chalom, fut inauguré en 2020. Il propose un parcours pédagogique, faisant appel aux dernières trouvailles technologiques, sur le judaïsme, son histoire et ses traditions. Il vise à faire connaître la religion juive, ses rites, ses fêtes, sa liturgie et, ainsi, lutter contre les préjugés et l’antisémitisme. En déambulant dans ses allées, le public découvrira les nombreuses fêtes juives, les traditions et pourra assister à un office de Chabat en 3 D à la synagogue Tilsitt.
Lyon a une place importante dans l’histoire de la Résistance. Comment la ville met en avant le partage culturel de cette histoire ? En quels lieux ?
La ville, capitale de la Résistance, propose plusieurs hauts lieux de cette histoire. Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation est un lieu pédagogique à visiter pour sa collection permanente et ses expositions. Il fut pendant la guerre l’endroit où la gestapo et le sinistre Klaus Barbie torturaient les résistants dans les caves de cet ancien institut de santé. À noter que le cinéma Comoedia, en face du CHRD, servait aussi de cinémas aux nazis pendant la guerre. Klaus Barbie, le chef de la gestapo, le « boucher de Lyon » n’hésitait pas à aller chercher les résistants au Fort Monluc la journée pour les torturer et les ramener le soir dans la sinistre prison de ce fort.
Le Fort Montluc est une prison militaire construite en 1921. De 1940 à 1942, elle sert de prison à Vichy avant d’être utilisée par les nazis qui y enferment Juifs et résistants. Dans des conditions épouvantables, à plusieurs par cellules, ils sont entassés à la prison et torturés la journée. Les Juifs sont internés dans la « baraque aux Juifs », sorte d’entrepôt en bois, disparu aujourd’hui, dans la cour dans des conditions encore plus épouvantables. Ils sont le plus souvent ensuite emmenés à la gare Perrache pour être déportés et exterminés à Auschwitz.
Les 44 enfants juifs de la Maison d’Izieu et leurs accompagnateurs, que Barbie va rafler dans leur colonie de l’Ain le 6 avril 1944, passeront par Montluc avant d’être déportés et exterminés. De cette prison, seul André Devigny, militaire et résistant français, parvient à s’évader en aout 1943 afin d’échapper à sa condamnation à mort. Cet épisode fera l’objet du film de Robert Bresson en 1956 : Un condamné à mort s’est échappé.
La prison restera active après la guerre, puis deviendra une prison pour femmes avant de fermer définitivement en 2009 et de devenir un Mémorial national. Quand la France, grâce au travail du couple Klarsfeld, fait arrêter Klaus Barbie en Amérique du Sud, le Garde des Sceaux Robert Badinter, dont le père a été déporté par Barbie lors de la Rafle de la rue Sainte Catherine, le fait séjourner à la prison Montluc avant son procès. Le tribunal aux 24 colonnes de ce procès historique se situe sur les Quais de Saône en face de à quelques centaines de mètres de la synagogue Tilsitt.
Une plaque est apposée 12 rue Sainte Catherine pour commémorer la rafle organisée par Klaus Barbie le 9 février 1943 dans ce bureau de l’Union Générale des Israélites de France où 86 personnes furent arrêtées et déportées. Une autre plaque existe depuis 2016 rue Boissac où se tenaient les bureaux du Consistoire pendant la guerre. Enfin, après Montluc et le CHRD, à 1 heure de route de Lyon, se trouve le Mémorial de la Maison d’Izieu, un haut lieu pédagogique symbolique du génocide des enfants juifs.