Italie / Emilie-Romagne

Bologne

Bologne est connue pour avoir été une des principales villes européennes du Moyen âge. Grâce sa grande population vivant au sein de ses murailles, la richesse de l’agriculture locale, le développement des échanges commerciaux avec les autres villes d’Emilie-Romagne, mais aussi et peut-être surtout par ce dynamisme assuré par son université, la plus ancienne d’Europe.

Bologne. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Histoire des juifs bolognais

Les premières traces de la présence juive bolognaise date de 1353, un document mentionnant un certain Gaio Finzi, « judeus de Roma ». Des juifs originaires des villes environnantes de Fabriano, Pesaro, Orvieto et Rimini s’y installent également dans la deuxième moitié du 14e siècle.

Les rabbins italiens se réunissent à Bologne en 1416 afin de s’accorder sur une requête soumise au Pape Martin V. En 1468, un professeur d’hébreu est recruté par l’université de Bologne. Entre 1477 et 1482, de nombreuses maisons d’éditions juives voient le jour et demeureront actives jusqu’à la moitié du 16e siècle.

Suite à l’Inquisition espagnole de 1492, des juifs sépharades s’installent à Bologne, parmi lesquels le rabbin Jacob Mantinus. Ovadyah Sforno, médecin et rabbin fonde une école talmudique renommée en 1527. En 1553, suite à une campagne de la contre-réforme, des Talmud et autres livres juifs sont brulés publiquement.

Ancien ghetto. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Deux ans plus tard, le Pape Paul IV impose aux juifs de vivre dans des ghettos juifs dans toutes les villes des Etats pontificaux. Celui de Bologne est créé en 1556 et fermé par deux portes. En 1569, les juifs bolognais sont expulsés de la ville. Le Pape Sixtus V autorise leur réinstallation en 1586. Mais ils sont à nouveau expulsés sept ans plus tard.

Ce n’est qu’en 1796, avec la conquête de Napoléon que les juifs sont autorisés à y revenir et surtout à pratiquer librement leur culte, comme c’est le cas en France, suite au souffle émancipateur de la Révolution de 1789.  

Signe de sa reconnaissance officielle, la communauté juive dispose d’un oratoire en 1829. Suite à la perte de pouvoir de l’Eglise et la proclamation de la République romaine, tous les juifs italiens sont officiellement proclamés libres en 1860. Neuf ans plus tard, un terrain dans le cimetière municipal de Bologne est accordé aux juifs. La synagogue de Bologne, construite par l’architecte Guido Lisi, est inaugurée en 1877.

Synagogue de Bologne. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Suite à la promulgation des « lois raciales » en 1938 par le régime de Mussolini, les professeurs et élèves juifs sont exclus des écoles et universités. Les déportations des juifs bolognais débutent en novembre 1943. Ce sera le cas pour 85 d’entre eux, parmi lesquels le rabbin Alberto Orvieto. Suite à la Shoah, la communauté juive se reconstruit et compte en 2024 près de 300 membres.

Visite de Bologne

Nous vous invitons à suivre un itinéraire, dans cette somptueuse ville aux bâtiments et tempérament rouge le jour et aux subtils éclairages jaunes le soir.

Radio J Lise Gutmann Viens je t’emmène » avec Dominique Friedman et Steve Krief: Bologne, Ferrare. (youtube.com)

Le train prend 7 minutes de l’aéroport à la gare, un peu l’Orlyval à Paris, sauf que vous arrivez directement au nord de Bologne intramuros. Dès qu’on descend, on remarque les arcades.

Arcades. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Des arcades de différentes époques, différents styles, présentes partout, surplombant les rues. Une politique d’extension immobilière mise en place suite aux problèmes de surpopulation dans cette ville qui fut déjà au Moyen-Age une des cinq plus grandes d’Europe. Une envie donc de construire vers l’avant et non vers le haut. Peut-être aussi une manière de protéger et d’accompagner les passants.

A droite de la gare, on trouve des quartiers populaires, ainsi que le MAMBO, musée d’Art Moderne, un ensemble culturel pluridisciplinaire qui accueil notamment une école de cinéma avec un joli graffiti en hommage à Agnès Varda à l’entrée. Mais aussi dans le coin, le parc nommé en hommage du 11-Septembre et le monument de la place Lamé, avec ces sculptures en souvenir des partisans.

Prenez le grand boulevard de la Via Giovanni Amendola qui part de la gare et débouche sur la place des Martyrs 1943-1945 et devient ensuite la Via Guglielmo Marconi qui mène directement à la synagogue de Bologne en prenant à gauche sur la Porta Nova.

Synagogue de Bologne. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

La synagogue contemporaine se trouve rue Finzi, à l’entrée ouest du vieux quartier. Un petit oratoire fut fondé par Angelo Carpi dans sa maison en 1829. En 1868, la communauté en expansion loue une pièce dans un bâtiment rue Gombruti. Entre 1874 et 1877, une synagogue plus spacieuse est aménagée dans le même immeuble. La synagogue est détruite lors d’un raid aérien en 1943 et reconstruite en 1953.

La salle principale n’accueille plus que les grandes fêtes. En 2017, une petite synagogue a été construite en dessous du bâtiment. Lors des travaux, une mosaïque romaine et d’autres magnifiques œuvres anciennes ont été découvertes. Afin de les préserver et de permettre aux visiteurs de les voir, le sol de la synagogue a été construit sous la forme d’un grillage. La communauté est certes petite, mais elle demeure assez dynamique et accueille avec enthousiasme les visiteurs le shabbat. Lesquels, bien entendu, pour des raisons de sécurité, doivent faire la demande de visite par mail.

Piazza Maggiore. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

On reprend ensuite la Porta Nova qui débouche sur la Via IV novembre afin de retrouver le cœur de la vieille ville. On passe par devant le lieu où habita Marconi. Toujours en ligne droite, on arrive sur les célèbres Piazza Maggiore et Piazza Neptune, qui accueillent notamment les somptueux bâtiments de l’Hôtel de Ville (le Palazzio d’Accursio) et de la basilique, construite en deux temps comme on le voit de l’extérieur.

Piazza Nettune. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Ces places sont très fréquentées de jour comme de nuit, où se mêlent concerts improvisés, terrasses, étudiants, sorties de boulot et touristes.

Mémorial. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

A l’extérieur du Palazzio d’Accursio est installé un hommage aux Partisans qui sont morts pour libérer Bologne lors de la Seconde Guerre mondiale. On se dirige vers le musée médiéval en prenant la rue Via dell’Independenza, passant devant l’imposante cathédrale San Pietro et les très belles et interminables arcades et ses boutiques de marques.

Musée médiéval. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Vous tournez à gauche sur la Via Manzoni pour arriver au Musée médiéval, une étape importante permettant découvrir l’histoire de Bologne et la grandeur de cette ville en ces temps-là. En entrant dans le musée, on découvre un chandelier en bois ressemblant fortement à une menorah.

Entre les différentes salles de ce musée labyrinthe, sont exposées entre deux cour trois anciennes pierres tombales juives et une pierre tombale musulmane côte à côte.

Musée médiéval. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Derrière la deuxième cour on trouve le Lippo di Dalmasio consacré aux œuvres du trecento et du quattrocento. On y présente des œuvres d’époque et on revient sur les liens économiques entre les Bologne et Pistoia ayant permis leur développement mutuel en cet âge d’or.

La visite se poursuit dans d’autres pièces avec notamment des fresques gothiques avec des professeurs entourés d’étudiants en cette ville du savoir. On trouve ensuite des petites statues très appréciées dans la Renaissance, d’immenses livres mêlant textes et graphisme ancien, des tenues de chevaliers.

Musée médiéval. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Et surtout une très belle maquette de la ville à l’époque médiévale, qui comptait au 13e siècle 50 000 habitants, une des plus peuplées d’Europe à cette époque.

En sortant du musée, vous reprenez la Via dell’Independenza vers le nord puis tournez sur la première rue à droite. Situé Via Goito, le Palazzo Bocchi fut construit en 1545 et 1565 par Jacopo Barozzi et Sebastiano Serlio.

Palazzo Bocchi. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

C’est un exemple type d’architecture de la Renaissance. L’érudit Achille Bocchi y fonda son Académie littéraire. Il fit apposer sur la façade deux inscriptions. L’une en hébreu extraite du Psaume 120 « Éternel, délivre mon âme de la lèvre mensongère, De la langue trompeuse » ; l’autre en latin, tirée d’une épître d’Horace « Conduis-toi bien et tu seras roi, disent-ils ».

Vicolo Tubertini. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Poursuivant la Via Goito, vous débouchez sur la Via Guglielmo Oberdan. Il s’agit d’un des deux accès historiques du ghetto. Sur la rue Oberdan, vous prenez la Vicolo Tibertini. On y aperçoit une carte qui décrit les anciens lieux d’habitations des juifs bolognais. L’ancienne Via del Ghetto a été rebaptisée Vicolo Mandria.

Via del ghetto. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

La synagogue était située Via dell’Inferno. En entrant dans cette rue, on arrive sur la Via Canonica, puis enfin Via de’ Giudei, la rue des Hébreux et Via del Carro.

Via Dell’Inferno. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Au bout de celle-ci, on arrive sur les fameuses tours de Bologne, érigées au 12e et 13e siècles. La tour Asinelli mesure 97,2 mètres et la tour Garisenda ne mesure que 48 mètres, mais a eu le mérite d’inspirer Dante. Elle a été raccourcie car elle menaçait de s’écrouler.

Deux tours de Bologne. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

En remontant la Via Zamboni, reprenant la Via del Carro puis la Via Valdonica, vous arriverez au Museo Ebraico di Bologna. Ce musée juif est installé dans le palazzo Pannolini qui fut, au XVe et au XVIe siècle, l’habitation de la famille homonyme de producteurs et marchands de draps de laine.

Museo Ebraico. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Musée d’avant-garde, inauguré en 1999, il est divisé en deux salles. Une consacrée à l’exposition permanente et l’autre à l’accueil aux expositions temporaires. La salle permanente commence par une présentation générale du judaïsme, des différentes coutumes, communautés et évolutions de celles-ci à travers le temps. 

Talith exposé au musée. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

L’ancienneté des communautés italiennes est soulignée et leur accueil à l’enthousiasme fluctuant selon les dirigeants politiques et religieux des différentes époques depuis l’Antiquité. Un panneau indique que les juifs étaient présents dans 37 villes et villages. On parcourt l’histoire antique et contemporaine.

Présence juive dans la région. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Une petite salle est également réservée à un monument en mémoire des déportés de la région dans les camps.

Mémorial au sein du musée. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

En traversant la place Verdi, le théâtre communal et le conservatoire avec son grand resto où se retrouvent de nombreux étudiants on arrive à l’Université de Bologne.

Université de Bologne. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Fondée en 1088, il s’agit de la plus ancienne d’Europe ! Elle forme un grand complexe, divisée en départements d’études : physique, sciences naturelles, humanités, droit, littérature…

A l’entrée de l’université qui mène au musée, on trouve une plaque en mémoire des étudiants juifs qui subirent les lois de discriminations raciales en 1938, sous le régime mussolinien.

Plaque en mémoire des exclusions d’étudiants et professeurs juifs en 1938. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Dans le musée, lorsqu’on entre à gauche, on traverse différentes salles célébrant les découvertes scientifiques et tous les êtres courageux qui ont permis et accompagnés ces découvertes lors de luttes politiques et religieuses, en encourageant les rencontres et la curiosité. Le résultat étant bien entendu le développement de l’université accompagnant le statut de Bologne comme une des cinq villes européennes du Moyen âge.

En entrant à droite dans le musée, on aperçoit une salle dédiée à la stratégie militaire, avec les plans des forteresses, bateaux de guerre et anciens canons. Puis, une salle d’initiation à la science pour les enfants. A côté de laquelle était présenté en 2024 des œuvres artistiques japonaises du 20e siècle.

Bibliothèque de l’université. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

L’expo se termine par la très impressionnante et ancienne bibliothèque de l’université. A l’entrée de la bibliothèque nouvelle on trouve le buste d’un ancien étudiant, un certain Dante !

En sortant de l’université, vous vous dirigez vers la Via Irnerio pour arrivez sur la Piazza dell’8 Agosto qui accueille un grand marché. A sa droite, vous montez les marches du Parco della Montagnola. Un jardin aux étonnantes statues et fresques représentant les luttes entre animaux et êtres mythologiques, ainsi que des luttes historiques. Ces œuvres entourent la fontaine, et les nombreux enfants qui y jouent une fois l’école terminée.

Parco della Montagnola. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

En haut à gauche du jardin, vous verrez la Porta Galliera et en dessous et à côté les ruines anciennes. La gare se trouve juste en face. Derrière elle, à l’extérieure donc des enceintes de la ville, est situé le mémorial de la Shoah.

Mémorial de la Shoah. Photo de Steve Krief – Jguideeurope 2024

Inauguré le 27 janvier 2016, il se trouve au croisement de Via dé Carracci et Via Giacomo Matteotti. Deux rectangles en acier se font face. Entre eux, un couloir qui commence avec une largeur de 1.60 mètres et va en se rétrécissant jusqu’à 80 cm pour générer un sentiment d’oppression. L’intérieur des parallélépipèdes est un rappel aux dortoirs d’Auschwitz.  Le sol est en ballast, comme les pierres fabriquées par les prisonniers Auschwitz I et II. Enfin, le choix de l’acier, une matière qui rouille et s’altère avec le temps est délibéré.