Avant l’expulsion des juifs du Royaume de Naples, la ville de Lecce rassemblait la plus grande communauté des Pouilles.
Occupés aux activités du textile, de la créance et de l’agriculture, les juifs n’étaient pas autorisés à exercer d’autres professions ou à devenir propriétaires. Ils devaient également porter un signe distinctif sur leur habit. Malgré ces discriminations, les juifs étaient protégés par la loi et ont échappés aux persécutions qui frappaient le reste de l’Italie. À la mort du comte de Lecce en 1463, la ville passa sous la domination directe de Ferdinand I roi d’Aragon : le ghetto fut mis à sac, un certain nombre de membres de la communauté assassinés et beaucoup de juifs prirent la fuite. La synagogue fut détruite et une église construite sur son site.
À la fin de mai 2016, sur le site de ce qui fut autrefois une synagogue dans la giudecca, a ouvert le Palazzo Taurino – Musée Médiéval Juif de Lecce . Le musée expose la vie quotidienne de la communauté juive des Pouille entre les IXe et XVe siècles. Certains éléments excavés du ghetto, comme une mezuzah ou des inscriptions en latin ou en hébreu font partie de la collection permanente. Vous pourrez également visiter le mikveh qui a été découvert sous l’édifice pendant les fouilles récentes. Le musée se trouve au centre de la giudecca et est donc un bon point de départ de votre exploration de la ville. Les rues des noms alentours portent encore la trace de la présence de la communauté juive médiévale : Via della Sinagoga, Via Abramo Balmes (en hommage au physicien juif natif de la ville), Vico della Saponea (en souvenir des fabricants de savon, activité principale des juifs de la giudecca). Notez que le musée offre des visites guidées de la giudecca de Lecce et des villes alentours. Une section du musée est également consacrée à la préservation de la mémoire des réfugiés juifs détenus à Lecce après la Seconde Guerre mondiale.
Peu de gens le savent, mais le musée juif de Lecce est contruit dans le quartier où se trouvait la communauté juive au Moyen-Age. Retour sur celien ancien à Lecce et discussion sur les projets et ambitions de ce musée avec Fabrizio Lelli, Professeur associé de langue et littérature hébraïques à l’Université de Salento
Jguideeurope : Pouvez-vous nous dire comment le musée a été créé ?
Fabrizio Lelli : Le musée juif de Lecce a été inauguré en mai 2016. Le projet est parti de l’initiative d’investisseurs privés qui souhaitaient faire la lumière sur un pan méconnu de l’histoire locale. Contrairement à la plupart des villes italiennes, Lecce semble avoir effacé toute trace de son passé médiéval. Malgré l’absence presque totale de témoignages matériels, les archives documentent le rôle important joué par les Juifs à Lecce pendant dix siècles, lorsque la ville était un centre important d’activités économiques et intellectuelles.
La communauté juive est l’un des groupes les plus importants qui ont peuplé le Salento médiéval : une présence abondante et fortement enracinée depuis les débuts de la diaspora juive en Europe occidentale, qui remonte à l’époque romaine. Tout au long du Moyen Âge, les juifs ont joué un rôle social important, en particulier à partir du XIVe siècle, lorsqu’ils se sont installés dans le quartier où se trouve actuellement le musée.
Le projet est en constante évolution et, grâce à l’aide de ceux qui y croient, le musée est devenu un centre culturel qui organise des événements et des expositions s’adressant à la fois aux locaux et aux visiteurs internationaux. Nous nous concentrons sur l’identité juive et le dialogue interculturel, du passé au présent. Les enseignants et les étudiants sont les bienvenus pour assister à des séminaires, des ateliers approfondis, des expositions temporaires et des représentations théâtrales.
Y a-t-il des projets éducatifs proposés par le musée et comment la ville de Lecce participe-t-elle au partage de la culture juive ?
Depuis son ouverture, le Musée juif a toujours offert aux habitants de la ville et à ceux qui n’y habitent pas un large éventail de projets éducatifs, notamment des itinéraires historiques, des visites guidées et des ateliers destinés aux élèves des écoles primaires et secondaires. Nos activités, qui varient en fonction de l’âge des participants, visent à développer une approche engageante et stimulante de la connaissance de l’histoire, des traditions et de la culture juives de notre territoire. Plus récemment, le musée a ajouté à son offre éducative la reproduction virtuelle de l’ancien quartier juif de Lecce. Grâce aux technologies visuelles, les visiteurs peuvent se plonger dans la Lecce médiévale et se promener virtuellement dans l’ancien quartier juif.
Pouvez-vous partager une anecdote personnelle sur une rencontre émotionnelle avec un visiteur ou un chercheur lors d’un événement précédent ?
Travailler avec des visiteurs du monde entier nous offre de nombreuses rencontres émotionnelles, comme les nombreuses réunions avec les descendants des réfugiés qui ont été accueillis dans les camps DP du Salento entre 1945 et 1947. Si je devais en choisir une, je mentionnerais certainement la fois où une visiteuse locale a partagé avec nous l’histoire de sa grand-mère. Même si elle était catholique chrétienne, elle avait la tradition d’allumer une bougie le vendredi soir, suggérant ainsi qu’à Lecce les traces des conversions juives survivent jusqu’à nos jours. Ceci est une démonstration du rôle important joué par notre musée pour faire revivre les traces perdues d’une communauté longtemps oubliée.