Les juifs s’y établirent dès le XVe siècle et édifièrent deux synagogues au XVIIe siècle, qui subsistent toutes les deux, presque côte à côte. Elles sont assez facile à trouver, car elles sont situées en plein centre-ville.
La synagogue Stara (« Vieille ») du tout début du XVIIe siècle, abrite aujourd’hui les archives de la ville. Elle n’est pas très grande, bien restaurée extérieurement et une étoile de David a été laissée sur l’un des murs.
La synagogue Duza (« Grande ») date de 1686. Elle est plus imposante, avec de gros murs porteurs renforcés par des sortes de piliers lui donnant une allure de forteresse. reconstruite dans les années 1960, elle abrite aujourd’hui un bureau d’expositions artistiques, présentées dans la grande salle, et un café, à l’étage, dans la galerie pour les femmes. Il n’est donc pas difficile d’entrer et de visiter le lieu, de s’imaginer ce que fut l’intérieur avant la guerre, quand 14000 juifs habitaient Rzeszow. Ils furent tous déportés à Belzec ou à Auschwitz.
Au fil du temps et souffrant des conflits territoriaux entre les grandes puissances de la région, les juifs réussirent toutefois à participer à la vie active de Rzeszow, principalement dans le commerce, leurs droits de propriété étant limité aux habitations. De nombreux commerces ouvrirent au centre-ville. A tel point qu’à la fin du 18e siècle Rzeszow fut surnommée « la Jérusalem de Galicie » par l’universitaire Bredetzki.
Les juifs furent enregistrés dans un registre d’Etat particulier avec des noms de famille indiquant souvent leur origine comme Krakowski, ou des noms liés à des métiers comme Tabachnik.
Grâce à un mouvement d’émancipation et d’égalitarisme en 1848, les juifs obtinrent enfin les mêmes droits et participèrent aussi à la vie politique de la ville. La confirmation de cette évolution ne se fit qu’une cinquantaine d’années plus tard, certains dirigeants revenant de temps à autres sur les avancées.
En 1860, les Juifs purent ainsi acheté un terrain pour leur nouveau cimetière, des champs et autres terrains. Ils avaient avant cela développé les industries de la confection et de la bijouterie. Ils rencontrèrent dans ce domaine là un certain succès régional, leur bijoux se vendant même dans des lieux aussi éloignés que Livourne ou Alexandrie.
La démocratisation de l’accès aux métiers permit à de nombreux juifs de se lancer dans l’agriculture et l’urbanisme, exportant des œufs ou modernisant les systèmes de canalisation de la ville.
La population juive passa de 3375 en 1800 à plus de 8000 en 1910 (ce qui représentait plus d’un tiers de la population totale).
Le mouvement de la Haskalah connut un beau succès à Rzeszow. Parmi les célèbres éclairés on peut citer Abba Apfelbaum, journaliste et auteur de biographies sur le judaïsme italien, ainsi que Moshe David Geschwind, journaliste, traducteur d’hébreu et de yiddish et secrétaire de la communauté pendant trente ans. Autre journaliste, Leon Weisenfeld, publiant dans les journaux polonais, qui créa le journal « Yiddishe Volkszeitung » et fut l’auteur de trois romans.
Également connu sur la scène nationale, le Docteur Wilhelm Turteltaub, un expert de la littérature allemande. Tout en poursuivant ses études de médecine, il écrivit de célèbres pièces de théâtre qui furent jouées en Allemagne.
L’hassidisme prit également de l’ampleur, grâce aux élèves du rabbin Elimelech de Lizhensk, d’où la construction d’une seconde synagogue au 19e siècle. Son livre « Noam Elimelech » influença le développement du mouvement dans toute la région de la Galicie.
Un hôpital, une maison de retraite et des institutions culturelles virent le jour à cette époque.
Dès 1934, des soutiens du régime nazi, qui n’envahira la Pologne que cinq ans plus tard, commencèrent à vocaliser un certain antisémitisme. Au début de la Seconde Guerre mondiale, ce chiffre fut proche de 15000, une augmentation causée par la réinstallation de juifs par l’armée allemande. Les occupants y construisent un ghetto de plus de 20000 personnes.
Lors de l’invasion, les troupes allemandes n’eurent pas de suite une attitude hostile. Ils attendirent les célébrations de Rosh Hashanah et Kippour 1939 pour identifier les juifs sortant des synagogues et les forcèrent à plonger dans les eaux profondes de la rivière Wislok. De nombreuses mesures très dures furent mises en place à l’égard des juifs. Travail forcé, synagogues détruites, famine, exécutions sommaires…
La grande majorité des juifs de Rzeszow furent déportés ou tués dans les bois. Seuls quelques centaines survécurent à la Shoah.
La petite communauté reconstituée après la guerre de 300 personnes érigea un monument à la mémoire des victimes.
L’ampleur des massacres à Rzeszow motiva de nombreux juifs ayant pu fuir avant la Shoah et leurs descendants à effectuer des recherches généalogiques afin de retrouver des proches, ou plus généralement des noms de victimes. La génération de survivant préférant parfois ne pas se retourner et évoquer les atrocités afin de pouvoir se reconstruire, leurs descendants sont très impliqués dans ces recherches.
Nous avons rencontré l’expert en généalogie Philip Trauring, dont les ancêtres sont issus de cette ville. Il a créé plusieurs sites de référence et participent à de nombreux projets de conservation du patrimoine juif.
Jguideeurope : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer le site de référence B&F: Jewish Genealogy and More ?
Philip Trauring : B&F: Jewish Genealogy and More a commencé comme un simple blog où je pouvais partager des connaissances sur la généalogie juive. J’avais fait des recherches sur ma propre famille pendant un certain nombre d’années et j’avais commencé à faire du bénévolat dans une société de généalogie locale, mais je sentais qu’un site Web m’offrait le moyen le plus simple d’aider un maximum de gens. En 2016, après avoir réalisé que je cherchais les mêmes choses encore et encore en aidant les gens, j’ai décidé de créer un index des ressources en ligne. J’ai ajouté le Compendium B&F de généalogie juive avec des ressources de généalogie juive pour plus de 200 pays et territoires, ainsi que 1400 villes en Pologne. C’était une entreprise majeure, et cela demande beaucoup de travail pour rester à jour. Maintenant, lorsque les gens me demandent de l’aide pour rechercher d’où vient leur famille, je peux simplement leur envoyer les liens pertinents. Surtout, le site permet également aux utilisateurs de laisser des commentaires sur les ressources pour aider les autres qui pourraient les utiliser à l’avenir.
Concernant la Pologne, vous offrez plus de 20000 ressources. Comment expliquez-vous une telle disponibilité? Est-ce un phénomène récent?
Une partie de la raison pour laquelle j’ai choisi la Pologne pour étendre les ressources au niveau des villes était que je sentais que je pouvais trouver suffisamment de ressources pour couvrir de nombreuses villes en Pologne. Cela ne fonctionnerait pas si j’ajoutais plus d’un millier de villes, mais la plupart n’avaient qu’une ou deux ressources. Mon objectif était de faire une moyenne de dix ressources par ville. J’ai cherché des sites qui avaient des ressources étendues sur les villes, et je me suis assuré que j’avais un certain nombre de sites qui avaient tous des ressources pour des centaines de villes. J’ai ensuite construit ma liste de villes, qui totalisent maintenant plus de 1400, où les Juifs avaient vécu en Pologne.
Construire uniquement la liste des villes a été difficile, car ce n’est pas parce qu’une ville a été mentionnée dans un document que je peux confirmer son emplacement. De nombreuses villes de Pologne portent le même nom, de nombreux noms ont changé au fil du temps et de nombreux villages sont devenus des quartiers de grandes villes. Cependant, passer du temps à confirmer les villes m’a permis d’avoir une liste très précise des villes qui constituent la base des ressources polonaises.
Quelle découverte à Rzeszow vous a le plus surpris ?
La majeure partie de la famille élargie de mon père vivait à un moment donné à Rzeszów. Ses deux parents y vivaient quand ils étaient enfants, et les deux avaient des membres de la famille qui y retournaient plusieurs générations. Rzeszów, ou Reisha comme l’appelait la communauté juive, occupait une place importante parmi les Juifs de Galice. J’ai fait quelques recherches sur la centralité de Rzeszów en examinant les actes de mariage dans les archives de Rzeszów et en voyant d’où venaient les conjoints des autres villes. Les actes de mariage comprenaient les actes des villes d’où venaient les conjoints, y compris fréquemment leurs actes de naissance. Chaque communauté avait un timbre officiel, et les rabbins de ces communautés avaient également un timbre officiel, et j’ai rassemblé bon nombre de ces timbres dans un article qui montre les villes connectées à Rzeszów à travers ces enregistrements.
Quels sont les projets en cours pour restaurer le patrimoine de Rzeszow?
Il y a un mémorial annuel à Rzeszów, qui dure depuis 12 ans. Vous pouvez voir une vidéo du plus récent mémorial sur YouTube Elle a lieu dans l’un des cimetières juifs qui se trouve aujourd’hui juste à côté de l’université. Il y a un groupe Facebook appelé In Memory of Jewish Rzeszów qui a des gens qui travaillent sur un projet pour restaurer ce cimetière et en faire un lieu de souvenir au lieu d’un terrain clos pour la plupart vide.
Votre travail concernant la ville de Kańczuga est également très partagé. Y a-t-il un lien personnel à cette ville également ?
Mon arrière-arrière-grand-père vivait à Rzeszów, mais était en fait né à Kańczuga, une petite ville non loin de là. Au fil des ans, j’ai essayé diverses façons de rester en contact avec d’autres descendants de Kańczuga, y compris une liste de diffusion, une page Facebook, et au centre de celle-ci le site Web Kanczuga.org où je poste régulièrement des mises à jour sur la recherche. Alors que Rzeszów était la plus grande ville de la région, Kańczuga a servi de centre parmi les petits villages de sa région (j’en énumère environ 20 sur ma page concernant les villages environnants). J’essaie d’inclure ces villages dans mes recherches car ils se chevauchent avec Kańczuga. Grâce à ce groupe de descendants, nous avons financé la recherche dans les archives locales et aidé à restaurer le cimetière juif. Récemment, un natif non juif de Kańczuga, Patryk Czerwony, qui a déménagé aux États-Unis quand il était enfant, a aidé à organiser des projets pour commémorer la communauté juive et nous avons travaillé avec lui pour réaliser certains de ces projets.