Roumanie / Transylvanie

Baia Mare

Camp scout « Ha Shomer », 1923 – Tel Yitzhaq, Massua, Institute for the Study of the Holocaust © Beit Hatfutsot, Tel-Aviv

La ville de Baia Mare se situe au nord de la Roumanie, sur les bords du fleuve Sāsar, et au pied des montagnes Gutai. La présence d’une communauté juive dans cette ville minière est notée dès le XVIIe siècle. Après la prise de pouvoir autrichienne sur la région -entre 1693 et 1700-, l’accès des juifs aux villes minières est interdit. Les restrictions se poursuivent jusqu’en 1850. En 1855, on note la présence du rabbin Tsevi Yehudah Horovitz dans la ville, ce qui indique que l’interdit est levé.

La communauté est officiellement rétablie en 1860. En 1861, les juifs peuvent enterrer leurs morts dans la ville. La synagogue est consacrée en 1887. Conséquemment, le nombre de juifs augmente. De 202 en 1869, on en recense 701 en 1890 (7% de la population locale), 963 en 1900 (823 en 1941 (16,9%). La communauté était dans sa majorité orthodoxe à tendance hassidique.

Synagogue de Baia Mara © Wikimedia Commons (S.B.)

La synagogue Beith Avraham voit le jour en 1903, et un nombre important de salles de prière ouvre entre 1904 et 1911. En plus de la yeshiva ouverte par le rabbin Levi Samuel Weinberg (rabbin de la ville entre 1896 et 1906), un Talmud Torah est inauguré en 1911. Il compte dès son ouverture 4 enseignants et 120 étudiants.  L’école communale juive fonctionne jusqu’en 1922. Entre les deux guerres mondiales, une organisation sioniste a pignon sur rue et jouit d’un succès considérable dans la ville.

En 1930, 4 des plus grandes usines de la ville sont tenues par des familles juives (industrie chimique, verre, teinturerie, savon). On recense à cette époque 5 grands industriels, plus de 160 commerçants, 100 artisans, 30 employés, 12 avocats, 6 pharmaciens, 4 ingénieurs, 2 journalistes, et 2 artistes issus de la communauté juive. Des associations professionnelles et philanthropiques étaient également installés dans la ville.

Après 1940, Baia Mare est inclue dans la section de la Transylvanie du nord, et donc sous contrôle de la Hongrie. Entre 1942 et 1944, un centre de recrutement pour les détachements de travaux forcés est installé dans la ville. Le commandant du centre, le colonel Imre Reviczky, en bonne intelligence avec le rabbin de la ville, Moses Aron Krausz, sauve les juifs de la ville.Il fut reconnu Juste entre les Nations en 1965. En avril 1944, la communauté compte 3340 membres et était présidée par l’avocat Farkas Sarudi.

En mai 1944, après l’occupation de la Hongrie par les troupes nazies, débute le processus de déportation des juifs vers, d’abord les ghettos, puis Auschwitz. L’un des 13 ghettos de la Transylvanie du nord est établi à Baia Mare. Les 5917 juifs enfermés entre ses murs furent déportés les 31 mai et 5 juin 1944. Les rares survivants reconstituent la communauté sous l’impulsion de Hayim Alter Panet (rabbin de la ville entre 1945 et 1951). En 1947, on compte environ 950 juifs à Baia Mare, cependant elle émigra en masse dans les années qui suivirent. Dans les années 1960, on dénombre environ 160 juifs dans la ville et, dans les années 2000, à peu près 80.

Il est à noter qu’une grande partie des objets de culte et de la vie quotidienne des famille juives, datant d’entre les années 1850 et la Shoah, ont été donné par la communauté juive de Baia Mare au Musée de l’Holocauste de Washington DC. Vous pouvez découvrir quelques photographies de la collection en cliquant sur ce lien.

La synagogue, construite en 1885, est classée monument historique. Elle a été rénovée par la municipalité en 2013 et abrite aujourd’hui un centre culturel.

Héros de guerre et Juste parmi les Nations : Imre Reviczky

Issu de l’une des plus prestigieuses et des plus anciennes familles aristocratiques de son pays, Imre Reviczky était un lieutenant colonel de l’armée hongroise. En 1943, il est nommé commandant du bataillon 10 en Transylvanie, au poste de recrutement de la main d’oeuvre militaire juive et roumaine de la région. À son arrivée à Baia Mare, Reviczky met fin aux abus et maltraitances dont sont victimes ces minorités, et fait en sorte qu’ils soient traités sur un pied d’égalité avec les soldats hongrois. Reviczky insiste pour recevoir directement les plaintes, au lieu de les laisser traiter par ses subalternes, supervisant ainsi l’entièreté de ses troupes. Après l’invasion allemande en Hongrie, le quartier général de Reviczky devient un lieu de refuge qui permet à un certain nombre de juifs d’échapper à la déportation à Auschwitz. Il envoya même aux juifs du ghetto, de tout âge et condition physique, de fausses convocations à rejoindre l’armée, pour les sauver d’une mort certaine.

Au péril de sa vie, il fit tout son possible pour empêcher que les juifs soient déportés ou envoyés sur le front russe, parfois en désobéissant aux ordres directs. Il refuse également de transférer ses soldats et ses munitions aux troupes allemandes quand ordre lui en est donné. Quand les Croix fléchées prennent le pouvoir en octobre 1944, il envoie ses soldats couper des arbres dans la forêt, pour leur permettre de s’enfuir. Avec ce qu’il reste de son bataillon, qui inclut beaucoup de juifs, Reviczky atteint la ville de Szalonna, près de la frontière slovaque. Il apprend à son arrivée que les Croix fléchées et les nazis prévoient d’exécuter tous les juifs dès le lendemain. Il réussit à faire transmettre cette information au plus grand nombre de juifs – civils et soldats- leur permettant de s’enfuir à temps, et leur fournissant même de la nourriture et des vêtements.

Grâce à cette action, un certain nombre de juifs parvient à rejoindre les partisans slovaques. Reviczky est arrêté par les Croix fléchées, et n’est sauvé de l’exécution que grâce à l’avancée rapide de l’Armée rouge. Après la guerre, Reviczky est nommé Général. Cependant, à la fin de la période démocratique en Hongrie à la fin des années 1950, il est destitué et sa maigre pension de guerre confisquée. Jusqu’à sa mort en 1957, il gagne péniblement sa vie dans un hangar à charbon.

Il fut reconnu comme Juste parmi les Nations en 1965, et une rue de la ville de Safed, en Israël, porte son nom. Fin 2018, une statue a été élevée en sa mémoire au cimetière de Fiume à Budapest.