« En dehors de Versailles, j’ignorais qu’on pouvait parle de vue », déclare Jean Gabin dans le film Le Gentleman d’Epsom. Versailles est effectivement immortalisée par son histoire, ses rois et reines, son château et ses œuvres d’art et ses jardins, comme en témoignent les cars de touristes qui se succèdent.
Mais la ville située au sud-ouest de Paris accueille également une vie juive très active depuis la fin du 19e siècle. Symbole contemporain de cette vivacité, le fait que la première édition française de Limoud se déroula à Versailles en 2006.
Si la présence juive dans la région date probablement du Moyen Age, la communauté versaillaise a été principalement constituée à partir de 1870 lorsque des juifs alsaciens, refusant comme de nombreux autres Français la domination allemande, quittèrent l’Alsace pour vivre dans d’autres régions et villes, dont Versailles.
De nombreux juifs versaillais furent assassinés pendant la Shoah. Leur engagement dans la Résistance est important. A titre d’exemples Lola Wasserstrum qui distribua des tracts anti-nazis aux abords de la caserne de Versailles et fut arrêtée le 31 août 1942. Mais également Charles Weil et Pierre Feist, combattant des maquis de la Montagne Noire.
Autre célèbre résistant versaillais, le docteur Paul Weil. Arrêté avec un groupe de Franc-Tireur suite à la destruction du siège du PPF à Vichy, il survit à la déportation et se réinstalle après-guerre à Versailles où il continua à exercer son métier de médecin. En 2004, la municipalité lui rendit hommage en posant une plaque aux abords de la rue Champ Lagarde, Rond-point Paul Weil . Un monument a été érigé à la mémoire des victimes de la Shoah dans le cimetière juif de Versailles.
Ce n’est qu’avec l’arrivée des rapatriés d’Afrique du Nord dans les années 1960 que la communauté juive pourra être revigorée, constituée aujourd’hui de quelques centaines de familles.
La Synagogue
La première synagogue date de l’Ancien Régime et fut située au 9 avenue de Saint-Cloud à Versailles. Une plus grande synagogue s’avéra nécessaire au 19e siècle. En 1853, celle-ci inaugura un nouveau lieu de culte dans une portion de l’ancien hôtel du Duc de Richelieu, situé à côté, au 36 avenue de Saint-Cloud.
Le bâtiment devenant insalubre, une demande fut effectuée auprès des autorités locales pour la construction d’un nouveau temple israélite rue Albert Joly. En 1883, grâce aux fonds fournis par Cécile Furtado-Heine (1821-1896), le consistoire israélite de Paris put y acheter un terrain. Dans une lettre datée du 9 décembre 1882. Madame Furtado-Heine confirma son soutien au dirigeant communautaire Maurice Cerf : « Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous faire part que je mets 200 000 francs à vos dispositions pour bâtir un temple israélite que j’offre à la communauté de Versailles. Je désire que le temple soit construit avec deux sacristies dont l’une servira pour le service habituel et l’autre sera destinée à servir d’école pour les enfants. En plus, je désire un logement modeste mais convenable pour le rabbin et un autre pour l’officiant… »
Cécile Furtado-Heine avait d’ailleurs participé avec Daniel Oziris Ifla au financement de la synagogue de la rue Buffault à Paris. Elle se consacra amplement à la philanthropie tout au long de sa vie. En organisant notamment des ambulances durant la guerre de 1870, en créant une école pour jeunes aveugles, un dispensaire et une crèche dans le 16e arrondissement, ainsi qu’un dispensaire à Levallois. Elle offrira aussi une école maternelle à Bayonne et sa villa de Nice au ministère de la Guerre afin de la transformer en maison de repos pour officiers.
La conception de la synagogue de Versailles a été confiée à l’architecte Alfred Aldrophe, le plus important architecte juif de l’époque. A son actif, la construction de la synagogue de la Victoire à Paris, ainsi que la mairie du 9e arrondissement et de nombreux bâtiments publics, écoles et orphelinats. Un homme, mais aussi une époque qui inscrit la synagogue dans des constructions similaires de celle de la victoire des Tournelles et de Buffault, Leur construction ayant débuté sous le Second Empire et s’acheva sous la Troisième République.
En 1886, lors de l’inauguration de la synagogue de Versailles, le Grand Rabbin Zadoc Kahn fit cette déclaration : « A Versailles, à côté d’innombrables chefs-d’œuvre, il convient que le culte israélite puisse montrer sans rougir le centre de sa vie religieuse. » La synagogue de Versailles a un statut très particulier, rattachée au Consistoire de France et non pas au Consistoire de Paris comme le sont de nombreuses synagogues de la région.
La synagogue de Versailles est constituée de deux bâtiments. Le bâtiment central avec la synagogue, un oratoire pour les prières les jours de semaine (dédié à la mémoire d’André Elkoubi qui y officia de 1964 à 1975) et un salon de réception. A côté, un bâtiment avec appartement et salon. On trouve également une cour intérieure où sont donnés des cours, notamment pour le talmud torah le dimanche.
A l’extérieur de la synagogue, on aperçoit sur sa façade des vitraux et une rosace. En haut du bâtiment se trouve une sculpture des rouleaux de la Bible déployés.
Le vestibule de la synagogue est un lieu de souvenir. De sa donatrice Cécile Furtado-Heine, mais aussi des membres de la communauté juive morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale, ainsi que les victimes de la Shoah. On trouve aussi dans ce vestibule une plaque et des objets qui rendent hommage à ceux qui ont activement participé au développement de la vie juive à Versailles.
A l’intérieur, les murs blancs accueillent les fidèles. La tevah a été récupérée dans la synagogue originelle qui se trouvait avenue de Saint-Cloud. Datant de 1853, elle est donc plus ancienne que la synagogue qui l’accueille aujourd’hui. A l’origine, la tevah était importée du Portugal.
Une dizaine de Sifré Torah se trouvent dans l’aron hakodesh. Les femmes prient au premier étage. Là où se trouve un très bel orgue, don des enfants de Léopold Taub. Datant de la fin du 19e siècle, il est utilisé lors des célébrations de mariages.
Particularité de la synagogue de Versailles, tous les 21 janvier, le jour où fut exécuté Louis XVI, une prière est effectuée en sa mémoire afin de se rappeler qu’il fut un bienfaiteur de la communauté.
Un ravalement a été effectué en 2006 pour les 120 ans de la synagogue. À la fin des travaux de ravalement, un ouvrage a été publié par l’ACIV et conçu par Sam Ouazan, Brigitte Levy, Colette Bismuth-Jarrassé et Dominique Jarrassé. Avec des textes du maire Etienne Pinte, du président de l’ACIV Samuel Sandler, de l’architecte Dominique Lecuiller et des historiens Dominique Jarrassé et Gérard Nahon.
Vie juive contemporaine
Le rabbin Arié Tolédano dirige aujourd’hui la communauté juive de Versailles, laquelle est gérée par l’ACIV, présidée par Maurice Elkaïm. La synagogue ne vit que par les dons des fidèles. Des offices y sont organisés tous les samedis midi avec un kiddouch offert aux participants.
Lorsque le Chabat sort tôt le samedi soir, des projections cinéma, concerts ou autres activités culturelles y sont organisés. Un peu plus d’une cinquantaine de personnes peuvent y assister dans la salle de réception.
Mais lorsque les événements nécessitent d’accueillir plus de monde, ils sont organisés au centre culturel, situé au Chesnay. De même pour les bar mitzvoth et les mariages. Ce centre permet d’accueillir 200 personnes. Les restaurants casher les plus proches se situant à Boulogne, concernant les possibilités de manger casher, il est recommandé de s’adresser à l’ACIV qui s’applique à trouver des solutions pour les touristes et étudiants.
Le cimetière juif de Versailles remonte probablement à l’époque de Louis XVI. On raconte qu’en 1788, en passant près de la forêt, le roi de France tombe sur des Juifs vaquant à enterrer leurs morts. Surpris, Louis XVI interroge ses proches. Lesquels lui répondent que n’ayant pas le droit d’enterrer les leurs dans le cimetière de Versailles, c’est ainsi que procèdent les juifs locaux. Ce serait donc Louis XVI qui aurait décidé, suite à cette rencontre, d’octroyer à la communauté juive un terrain de 3 perches, soit environ 102 m² situé derrière le cimetière catholique Notre-Dame, aujourd’hui rue des Missionnaires.
En 1821, Louis XVIII accorde une parcelle de terre pour y établir l’actuel cimetière israélite de Versailles , situé sur la butte de Picardie. Plus précisément rue des Moulins, qui correspond aujourd’hui à la rue du général Pershing, au niveau du numéro 3. L’ancien cimetière juif fut repris par la ville après 1834.