Ancienne cité romaine, Mayence, Mainz en allemand, est connue pour son université, ses musées et lieux de culte, ses monuments parmi lesquels le château des Princes-électeurs, ses fêtes populaires… Et surtout en tant que ville natale de Johannes Gutenberg (1400-1468), l’homme qui révolutionna l’imprimerie.

Mayence célèbre de manière multiple et variée la présence et l’influence de Gutenberg. Qu’il s’agisse du musée qui lui est dédié, de statues, de places… Et les plus grandes pages de la Bible accrochées en haut de la cathédrale en 2025, mesurant 5 sur 7 mètres, en hommage au 625e anniversaire de la naissance de Gutenberg.

ShUM, le célèbre acronyme qui, en hébreu, reprend les premières lettres de 3 villes mythiques : Spire, Worms et Mayence. Trois villes qui, le long du Rhin, représentent le berceau de la pensée juive ashkénaze. À partir du 10e siècle, et cela pendant quelques-uns des siècles qui suivirent, cette région demeura un des centres, voire le plus grand, de la pensée juive médiévale. De par la présence des grands khakhamim qui y naquirent, y étudièrent et/ou y enseignèrent.

ShUM signifie « ail » en hébreu. Ce qui est sûr, c’est que les débats entre penseurs de la même génération, et surtout ensuite avec leurs disciples, furent très variés et très épicés. Cette curiosité, cette exigence héritée depuis la Bible d’achever les discussions par une question plutôt que par un point final ou un point d’exclamation, encouragèrent les débats, l’évolution de la pensée, son partage, sa générosité… une remise en question dans le sens noble du terme. Ce n’est donc pas par hasard que Rachi, l’exégète de la Bible le plus connu et le plus respecté dans le monde juif aujourd’hui, a étudié dans cette région.

Mayence a probablement le privilège d’être la plus ancienne de ces communautés juives. Elle date du 10e siècle, voire avant. En effet, les documents administratifs confirment la présence de juifs dès 906. Ils furent expulsés de la ville en 1012, mais autorisés ensuite à s’y réinstaller. Lors de la première croisade, en 1095-1099, plus de 1000 Juifs moururent, soit en étant assassinés, soit en se suicidant, refusant la conversion de force. Il y avait à cette époque une synagogue, mais celle-ci, comme le quartier juif, fut brûlée. Quelques années plus tard, l’empereur Henri IV (1050-1106) leur permit un retour et une vie pacifique.

Symbole de cette autorité spirituelle et intellectuelle, de nombreux synodes furent organisés à Mayence, notamment en 1150, 1223 et 1250. Les takanoth de ShUM furent respectées de par l’Europe. Parmi les grands noms de cette époque, il y a la famille Kalonymus, et bien sûr Rabbenou Guershom. Né à Metz en 960, il créa de nombreuses yeshivoth, aussi bien en France qu’en Allemagne. En l’an 1000, il réunit un synode où de grandes décisions furent prises, des takanoth qui révolutionnèrent le judaïsme. Parmi elles, l’interdiction de la polygamie et la nécessité d’obtenir l’accord de la femme pour entamer une procédure de divorce. Rabbenou Guershom mourut à Mayence en 1028.

Dans la période qui suivit, les juifs de Mayence furent tour à tour menacés et protégés, selon les dirigeants de l’époque. Ainsi, lors de la 2e croisade de 1146-1149, de nombreux juifs furent assassinés, mais lors de la 3e croisade, en 1189-1192, les juifs de Mayence bénéficièrent de la protection de Frédéric Ier (1122-1190), lequel marcha auprès du rabbin afin de montrer à la population qu’il s’opposerait à toute hostilité à leur égard.

Les 13e et 14e siècles furent particulièrement violents vis-à-vis des juifs de Mayence. Forcés de porter des signes distinctifs en 1259, leur synagogue fut à nouveau brûlée à la fin du 13e siècle. Suite à la peste noire de 1349, la majorité des juifs périrent sous les flammes. Si la fin du 14e siècle et le 15e siècle furent moins sanglants, les juifs furent victimes de fortes taxations et leur synagogue transformée en chapelle.

Très peu de Juifs vécurent encore à Mayence durant le 16e siècle. Ce n’est qu’à la fin de celui-ci que la communauté prit un peu de vigueur grâce à l’arrivée de Juifs de Francfort, de Worms et de Hanau. Ainsi, une nouvelle synagogue fut construite en 1639. Leur situation s’aggrava lors de l’occupation française de 1644 à 1648. Ce n’est qu’en raison de l’influence de la politique de tolérance de Joseph II et du souffle révolutionnaire français que leur situation s’améliorera à la fin du 18e siècle.
Au 19e siècle donc, le judaïsme de Mayence put enfin profiter d’une réelle renaissance. Certes, il ne s’agissait pas de l’âge d’or de ShUM, néanmoins de grands penseurs juifs et rabbins entamèrent des discussions très fructueuses, voire des débats vigoureux, qui donnèrent naissance à différents courants et écoles de pensée. La population juive de Mayence passa de 1620 en 1828 à 3104 en 1900.

Au début du 20e siècle, ce chiffre déclina graduellement. Il n’y avait, en 1933, lorsque les nazis accédèrent au pouvoir, que 2730 Juifs à Mayence. Durant la Nuit de cristal, les trois principales synagogues de la ville furent brûlées. Si près de la moitié des juifs réussirent à fuir avant les déportations, la majorité de ceux qui étaient restés furent assassinés pendant la Shoah.
Après la guerre, une petite communauté tenta de se réorganiser. Ils étaient 80 en 1948, guère un peu plus vingt ans plus tard, soit 122. La plupart étant des personnes âgées. Signe de l’évolution des relations, Mayence a été jumelée avec la ville israélienne de Haïfa en 1981.

Grâce à l’arrivée de juifs issus de l’ancienne Union soviétique, la communauté a pu se reconstituer, atteignant 1000 membres en 2005. Symbole de ce renouveau, la très étonnante nouvelle synagogue sur le plan et la réalisation architecturale, inaugurée en 2010.

La synagogue kedousha, qui abrite également un centre communautaire et une présentation de l’histoire des juifs de Mayence, est l’œuvre de l’architecte Manuel Herz.

Sa forme architecturale très complexe évoque le mot « kedousha », signifiant « la sainteté ».

Cette communauté juive renaissante au tournant du 21e siècle permit aux quelques juifs encore présents à Worms de s’y joindre lors des célébrations religieuses et festives.

À proximité du musée Gutenberg, un lycée a été nommé en hommage à Anne Frank, sur lequel figure une œuvre warholienne avec son portrait en plusieurs couleurs.


Des Stolpersteine ont également été posées dans la ville.

L’ancien cimetière juif de Mayence est, avec celui de Worms, un lieu très important dans l’héritage culturel. Ils représentent parmi les plus anciens cimetières juifs existants en Europe.

En effet, celui de Mayence servit à partir du 11e siècle et cela jusqu’au 19e. Il est constitué de plusieurs sections, une nouvelle ayant été construite au 17e siècle. Elle fut utilisée jusqu’en 1881, avant l’ouverture du nouveau cimetière central de la ville.