France / Nouvelle-Aquitaine

Bordeaux

Synagogue de Bordeaux. Photo de Jibi44 – Wikipedia

Dans les caves des masures de la vieille ville se déroule, durant trois siècles, une histoire juive clandestine. Venus d’Espagne, des conversos s’installent à Bordeaux dès 1474. Habitués à cacher leur foi en Espagne, ces « nouveaux chrétiens » continuent à pratiquer secrètement leur religion d’origine en France.

D’anciens textes inscrivent la présence des juifs à Bordeaux dès le 6e siècle. Un document datant de 1072 évoque un « Mont-Judaïque » qui se serait trouvé aux abords de l’ancienne ville de Bordeaux, où se situent actuellement les rues Mériadec et Dauphine. C’est d’ailleurs dans ce secteur de la ville que se trouvait le cimetière juif.

Lorsque la ville de Bordeaux fut sous domination anglaise (de 1154 à 1453), les juifs durent faire face aux menaces d’expulsion et de taxation élevées imposées par les britanniques ainsi que par les régents. Les juifs de Bordeaux étaient alors organisés sous la bannière de « Communauté des juifs de Gascogne ».

Synagogue de Bordeaux. Photo de GO69 – Wikipedia

L’Inquisition provoqua le départ de nombreux juifs d’Espagne et du Portugal. Une partie de ceux-ci arrivèrent à Bordeaux. Ainsi, de nombreux Marranes s’établirent dans la ville au milieu du 16e siècle. Néanmoins, cette acceptabilité sous-tendait une vie chrétienne de ces juifs portugais qui ne purent reprendre leurs rites anciens. Un décret municipal souligna en 1734 que la pratique de la religion juive était interdite. Un rapport établi en 1753 s’offusqua du fait que cette religion fut pratiquée dans sept lieux désignés comme des synagogues alors qu’il s’agissait en fait de lieux de prières privés en appartement.

En 1725, les juifs portugais achetèrent un terrain qui leur permit de disposer d’un  cimetière . Il fut utilisé jusqu’à la Révolution française et fut définitivement fermé en 1911. Les juifs avignonnais achetèrent un cimetière en 1728 qui fut en service jusqu’en 1805. Un troisième cimetière fut ouvert en 1764 qui fut utilisé par l’ensemble de la communauté juive de Bordeaux.

Synagogue de Bordeaux. Photo de Jibi44 – Wikipedia

Le nombre de juifs à Bordeaux était encore relativement peu élevé au début du 18e siècle. En effet, la communauté de Bordeaux et les juifs avignonnais totalisèrent moins de 1800 personnes. Cela n’empêcha pas les menaces d’expulsion durant ce siècle.

A la veille de la Révolution Française, les juifs de Bordeaux envoyèrent deux représentants aux réunions organisées par Chrétien-Guillaume de Lamoignon Malesherbes, conseiller de Louis XVI, pour débattre de la condition juive en France. Lorsque cette assemblée décida au bout du compte de reporter une décision sur le statut des juifs et leurs droit à l’égalité en tant que citoyens, sept représentants de la communauté de Bordeaux plaidèrent leur cause face aux autorités parisiennes. En attendant, la Déclaration des Droits de l’Homme adoptée le 26 août 1789 met un terme à toute discrimination vis-à-vis des citoyens. Néanmoins, les Constituants ne s’accordent pas sur le statut des juifs. Cela aboutit à un décret partiel datant du 28 janvier 1790 qui stipulait que les juifs portugais deviennent les premiers citoyens actifs. L’émancipation de tous les juifs de France sera réalisée un an plus tard, le 27 septembre 1791.

Lorsqu’en 1806 un recensement fut présenté, on dénombra 2131 juifs à Bordeaux. Parmi eux, 1651 originaires d’Espagne ou du Portugal, 336 d’origine hollandaise, allemande ou polonaise et 144 avignonnais. Abraham Furtado, qui avait participé à la Commission Malesherbes, est également présent à l’Assemblée de 106 notables réunie par Napoléon où il représente la Gironde. Il sera d’ailleurs membre de la municipalité de Bordeaux et deviendra maire-adjoint. Suite aux sessions du Grand Sanhedrin qui se déroulèrent un an plus tard, le Consistoire de Bordeaux eut la charge de dix départements.

Abraham Andrade fut nommé Grand Rabbin. La Grande synagogue de la rue Causserouge fut ouverte en 1809, permettant aux juifs de Bordeaux de quitter les salles de prières recluses. Elle fut dessinée par l’architecte Armand Corcelles, dans un style oriental.

Cimetière juif. Photo de Stéphane Blondon – Wikipedia

Durant ces années, une école juive et un talmud torah furent ouverts. L’égalité des droits et des devoirs motiva également une participation à la fonction publique et à la vie politique. Ainsi, des juifs bordelais participèrent aux conseils municipaux et des personnalités comme Salomon Camille Lopès-Dubec, Joseph Rodrigues et Adrien Léon furent élus à l’Assemblée nationale.

La Grande synagogue de Bordeaux fut détruite par un incendie en 1873. Ce qui motiva la communauté à confier le projet de réalisation d’une nouvelle synagogue aux architectes Paul Abadie et Charles Durand.  La synagogue de Bordeaux fut inaugurée en 1882. L’inspiration architecturale s’inspira d’un style mélangeant le gothique et l’oriental. La décoration intérieure est d’inspiration syrienne, ottomane, égyptienne et mauresque. Le tout donnant un bâtiment majestueux et très original.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Occupation à Bordeaux fut très brutale. 1600 juifs furent déportés grâce au zèle de la Collaboration et de ses dirigeants. Parmi eux, Maurice Papon, le sous-Préfet en charge des réquisitions allemandes, du service de l’Occupation et du bureau des questions juives. En 1998, il fut condamné à dix ans de réclusion criminelle. Un monument a depuis été érigé en leur mémoire.

Centre Jean Moulin. Photo de Benoît Prieur – Wikipedia

La grande synagogue fut pillée pendant la Shoah et transformée en lieu de rassemblement précédant les déportations. Après la guerre, la synagogue fut restaurée, devenant la plus grande synagogue de rite sépharade de France.

Depuis, la communauté juive de Bordeaux s’est agrandie avec l’arrivée d’une nouvelle congrégation ashkénaze et la venue juifs d’Afrique du Nord dans les années 1960.

Parmi les lieux de vie culturelle juive, on trouve le  Centre Yavné , ouvert en 2000, suit à la fermeture du Centre communautaire de Bordeaux de la place Charles Gruet. La ville bénéficie d’un Beth Halimoud créé il y a une dizaine d’années par Sébastien Allali.

Autre lieu important de la ville à visiter, le  Centre national Jean Moulin de Bordeaux , nommé en hommage au grand résistant. Créé à l’instigation de Jacques Chaban-Delmas en 1967, ce musée et centre de documentation sur la Seconde Guerre mondiale présente des collections consacrées à la Résistance, à la Déportation et aux Forces Françaises Libres.

Le  cimetière juif établit en 1764 est aujourd’hui le seul en activité. Les tombes du 18e siècle sont de simples dalles rectangulaires. Au siècle suivant, cippes, sarcophages, cénotaphes et stèles en forme de tables de la loi sont utilisés.


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