Les juifs ont connu une histoire singulière et mouvementée sur cette île, l’une des plus importantes de Méditerranée. Sous l’Empire byzantin, les juifs crétois crurent l’heure arrivée de la rédemption libératrice. Un faux messie, un rabbin dénommé Moïse, leur promit en 430 qu’il les conduirait tous à Jérusalem. Ils se jetèrent en masse dans une mer déchaînée et s’y noyèrent. Quelques siècles plus tard, la main de Venise s’étendit sur l’île, et la communauté juive dut se regrouper dans des ghettos. Avec la domination ottomane, un sort plus clément lui fut réservé. Mais, quand il fut question de leur octroyer un siège de député à un parlement local, au milieu du XIXe siècle, ce furent les Grecs qui protestèrent. Après un grand soulèvement, ponctué d’incidents antisémites, l’autonomie de la Crète fut décrétée, prélude à son rattachement à la Grèce en 1913. Le 6 juin 1944, le jour où l’armée alliée débarquait en Normandie, 269 juifs de La Canée furent déportés par les nazis. Ils périrent en mer dans un navire coulé par des avions allemands ou, plus vraisemblablement, par un sous-marin anglais.
Et si les juifs avaient été, à l’origine, des Crétois ?
L’historien Tacite n’hésite pas, au IIe siècle, à émettre une telle hypothèse. Ces « Judaei, écrit-il dans le livre V des Histoires, pourraient bien avoir été, à en juger sur leur nom, des Idaei », c’est-à-dire des « voisins du mont Ida », la montagne crétoise qui culmine à 2500 m au centre de l’île.