Par sa position géographique et la présence des ports de Brindisi, Otranto, Bari, Trani et Barletta, la région des Pouilles a longtemps été un point de transit pour les juifs émigrant vers Israel. Ce point de passage a donc fait des Pouilles un lieu de prédilection pour la diaspora d’Europe occidentale.
La première évocation des Pouilles juives est celle du commentateur de la Bible Rabbi Akiva (17-137) : en route depuis Jérusalem vers Rome pour plaider la cause des juifs à l’occupant Romain, il fait escale au port de Brindisi et le mentionne dans son journal.
Si les premiers juifs à s’être installés dans les Pouilles arrivaient directement de Palestine -exilés de Jérusalem, vinrent les y rejoindre rapidement les communautés des Balkans, d’Espagne, du Portugal, de France, d’Europe centrale et des autres régions d’Italie. Ce mélange des cultures a crée une communauté unique en son genre en Europe occidentale.
La culture juive des Pouilles étaient tenue en haute estime au Moyen-Âge. Le rabbin français Rabbenu Tam compare même au XIe siècle Bari et Otranto à Jérusalem : « La Torah rayonnera depuis Bari et la parole de Dieu depuis Otranto ».
Des grandes figures, comme l’illustre physicien et philosophe Sabbatai Donnolo, natif d’Oria, et les travaux d’autres grands auteurs juifs de la région révèlent cet extraordinaire brassage des cultures de la société des Pouilles médiévale. Les traces de ce multiculturalisme en Italie du Sud sont évidentes dans les commentaires du Pentateuch (Sefer HaHadash) dont on pense qu’ils ont été compilés à Naples à la fin du XVIe siècle. L’un des thèmes centraux de ces annotations concerne les migrations des peuples et mentionne la population juive des Pouilles et leurs relations aux pères fondateurs de Rome. Cette tendance a créer des parallèles entre cultures montre bien que les juifs d’Italie du Sud n’étaient pas fermés aux autres peuples et que leurs capacités d’adaptation étaient considérables.
Une illustration intéressante du multiculturalisme distinctif des Pouilles médiévales peut être admiré dans les mosaïques qui ornent le sol de la cathédrale d’Otrento, oeuvre d’un moine byzantin du XIIe siècle. L’artiste a fusionné les éléments de la Bible et d’autres histoires juives, les mêlant à des références néo-platoniciennes et aristotéliciennes qui elles-mêmes coexistent avec des éléments mythologiques ou encore celtiques. Réalisée à l’époque de la conquête normande, cette oeuvre est un hommage à la capacité byzantine de synthèse culturelle, adoptée tant bien que mal par les nouveaux occupants.
Après la conquête normande, la vie des juifs des Pouilles rejoint l’histoire générale de la communauté italienne. On notera cependant un bref « renouveau » forcé de la vie juive de cette région après la Seconde Guerre mondiale. Entre la fin du conflit et l’indépendance de l’État d’Israël, des milliers de réfugiés d’Europe centrale et de l’est ainsi que des Balkans, en grande majorité survivants de la Shoah, seront placés dans des camps de transit des Nations Unies. Pour les empêcher de gagner la Palestine, les Forces Alliées les établissent dans les villes de Santa Maria al Bagno, Santa maria di Leuca, Santa Cesarea, Tricase, Bari ou encore Barletta où ils rejoignent tout de suite les organisations communautaires, écoles religieuses et partis politiques existants. La majorité de ces réfugiés a cependant quitté les Pouilles pour Israel dès que cela leur fut autorisé. Source : Fabrizio Lelli, « Judaism in Puglia as a Metaphor for Mediterranean Judaism ».