France / Alsace

Strasbourg

Synagogue de la Paix © Wikimedia Commons (Ikar.us)

L’histoire juive est ici constamment présente. Ne dit-on pas que la rue de la Nuée-Bleue doit son nom à la nuée qui précédait les juifs chassés de la ville en 1349, et que la rue Brûlée évoquerait les 2000 juifs brûlés vifs cette même année pour avoir refusé le baptême ?

La présence juive à Strasbourg est attestée depuis le 12e siècle et serait selon certains chercheurs plus ancienne encore. La communauté disposait d’une synagogue, un mikvé et un cimetière. Le jour de la Saint-Valentin, le 14 février 1349, la population juive de Strasbourg fut massacré. Les quelques juifs qui avaient fui à temps retrouvaient graduellement le droit de revenir à Strasbourg, principalement suite à une ordonnance de 1375. Mais leur bannissement fut promulgué en 1389. Il demeura en vigueur jusqu’à la Révolution française. Pendant tous ces siècles, ils avaient le droit d’y séjourner pour le travail, mais devaient payer une taxe d’entrée. Ils habitaient alors dans des villages de la région, plus accueillants.

A la veille de la Révolution, certains juifs réussirent à faire avancer timidement l’émancipation des leurs. Mais celui qui marqua le plus les esprits fut sans conteste Hirtz de Mendelsheim, plus connu sous le nom de Cerf-Berr. Entrepreneur auprès des armées du Roi, il réussit, non sans difficulté, à obtenir le droit de s’installer à Strasbourg dans les années 1770. Il lutta avec acharnement pour l’émancipation des juifs, réussissant à faire supprimer en 1784 le péage corporel infligé aux juifs. Il aida également la ville de Strasbourg à lutter contre la famine.

L’élément central est constitué d’une salle carrée de 3 mètres de côté en grès gris surmonté de briques rouges. Dans chaque angle, subsistent des corbeaux de facture romane.
Mikve de Strasbourg. Photo de Camillek – Wikipedia

Néanmoins, ce n’est qu’après la Révolution, en 1791, que les juifs furent officiellement autorisés à s’installer à Strasbourg. La communauté commença à se constituer, avec comme premier rabbin David Sinzheim, le beau-frère de Cerf-Berr. Une synagogue fut ouverte rue des Drapiers. Le développement rapide de la communauté nécessita l’ouverture d’une nouvelle synagogue, rue Sainte-Hélène. Ce dernier fut remplacé en 1899 par la synagogue du quai Kléber.

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la ville comptait 10 000 juifs strasbourgeois. Suite à la capitulation de la France, ils s’échappèrent vers d’autres régions, reconstituant leur communauté, principalement à Périgueux et Limoges. René Hirschler, le grand rabbin de Strasbourg, assura le lien avec les juifs strasbourgeois dispersés et entreprit un travail courageux pour sauver les prisonniers susceptibles d’être déportés. La mobilisation dans la Résistance et au secours des populations se fit également par l’intermédiaire d’associations telles les EEIF et l’OSE. Nombreux de ces résistants strasbourgeois périrent les armes à la main.

La monumentale  synagogue du quai Kléber fut incendiée par les nazis en 1940. Mille juifs strasbourgeois furent assassinés pendant la Shoah. Au lendemain de la guerre, huit mille juifs se réinstallèrent dans la ville. En 1958, la communauté strasbourgeoise inaugura son nouveau grand lieu de culte, la Synagogue de la Paix. À l’intérieur, vous admirerez l’arche sainte, dont les formes audacieuses mettent en valeur une tapisserie de l’artiste Jean Lurçat.

Objets de rite juif du Musée alsacien de Strasbourg
Musée alsacien de Strasbourg. Photo de Ji-Elle – Wikipedia

Mis au jour en 1984, à l’occasion de travaux dans la rue des Juifs, un  mikvé a été construit dans les années 1200. L’élément central est constitué d’une salle carrée de 3 mètres de côté en grès gris surmonté de briques rouges. Dans chaque angle, subsistent des corbeaux de facture romane.

Comme le confirma Alain Fontanel, l’adjoint au Maire de Strasbourg, en 2018 au site Akadem, suite au décès de Simone Veil, la ville avait souhaité lui rendre hommage. Ainsi, l’Avenue de la Paix, fut renommée Avenue de la Paix – Simone Veil. Afin d’honorer ses combats pour les droits des femmes, l’unité européenne et la mémoire de la Shoah. Une nomination très forte symboliquement puisque cette avenue fut nommée auparavant la rue allemande, puis la rue Daladier et pendant l’occupation, la rue Hermann Goering !

En 2019 a été inaugurée la place Jean Kahn, située en face de la synagogue. Cela, en hommage à cette grande figure du judaïsme français. Un an plus tôt avait été rouvert le mikvé de la rue des Charpentiers. Chose rare en France, la population juive de Strasbourg augmente ces dernières années, avec le développement d’institutions et la diversification de courants, orthodoxes et libéraux.

Au  Musée alsacien un petit oratoire de campagne est reconstitué avec sa bibliothèque, son rouleau de Torah et sa lampe de shabbat. Deux autres salles sont encore consacrées au judaïsme. On y trouvera quelques pièces curieuses, comme une étoile de David en bois sculpté avec aigle impérial bicéphale de 1770.

Mais aussi des panneaux en hébreu et en français provenant de la synagogue de Jungholtz appelant les bénédictions divines sur l’empereur Napoléon III, et un tableau commémorant l’« Inauguration d’un Pentateuque à Reichshoffen le 7 novembre 1857 », émouvante évocation de ferveur et de patriotisme.

Dans la cour du  musée de l’Oeuvre Notre Dame consacré aux arts de la région de Strasbourg entre le XIe et le XVIIe siècle, on peut voir des stèles funéraires juives provenant du cimetière médiéval qui se situait à l’emplacement de l’actuelle place de la République.

Sources, Encyclopedia Judaica, judaisme.sdv.fr, Akadem