L’histoire de la communauté juive de Cologne est documentée depuis 321, et est donc quasiment aussi ancienne que l’histoire de la ville elle-même. Tout au long de son histoire, la communauté de la ville a souffert de persécutions, d’expulsions, de massacres, et de destructions.
Avant sa dispersion et extermination par les nazis, la communauté comptait autour de 19500 membres. Elle s’est reconstituée depuis et compte aujourd’hui environ 4500 membres. Grâce à sa continuité historique, la synagogue de Cologne s’enorgueillit d’être la congrégation juive la plus ancienne du nord des Alpes.
2000 ans d’histoire juive
Cologne fut fondée au Ie siècle après Jésus Christ, et l’on estime que les juifs ont commencé à s’y installer dès le IIe siècle. À l’époque romaine, le Judaïsme est reconnu comme religio licita. En 321, un décret de l’Empereur Constantin mentionne la communauté juive et constitue -pour le moment- la première preuve écrite de leur présence dans cette ville. Un autre décret de Constantin, datant de 341, mentionne une synagogue à Cologne. Notez que ces documents furent, pendant des siècles, la seule et unique preuve de l’existence d’une communauté juive à Cologne dès l’époque romaine.
Au Moyen-Âge, Cologne était sur le chemin de l’une des routes de commerce les plus importantes entre l’ouest et l’est de l’Europe.
En 1426, un document mentionne une synagogue en train d’être convertie en église. Quelques lignes plus loin, l’écrit précise que la synagogue est ancienne de 414 ans. Durant le dernier quart du XIe siècle, la population juive de Cologne compte environ 600 membres. La position commerciale stratégique de la ville attirait en effet beaucoup de juifs -et notamment des juifs italiens.
Persécution et pogroms
Toujours à cette période, les juifs sont installés dans la Judengasse, près du Rathaus. On recense des pogroms en 1096, pendant la première Croisade. Comme dans la ville de Mayence, les juifs sont forcés au baptême. Si, quelques années plus tard, l’Empereur Henri IV tente d’autoriser les convertis à revenir à leur foi d’origine, ce décret ne sera pas autorisé par l’antipape Clément III. Durant la seconde Croisade, si l’on note des violences et des pogroms dans le reste de la région, il semblerait que la communauté de Cologne ait été relativement épargnée.
Après la défaite de la bataille de Worringen, le 8 juin 1288, les juifs de Cologne et des environs sont victimes de graves violences et de pogroms. En 1300, un mur est construit autour du quartier juif, certainement payé par la communauté elle-même pour se prémunir des attaques.
La persécution de la communauté est la plus critique au moment de la Peste noire, et culmine avec la Saint Barthélemy. Avant sa fuite, une famille enterra ses biens.
Ce trésor fut retrouvé en 1954 et est aujourd’hui exposé au Kölnisches Stadtmuseum. Les juifs ne reviennent à Cologne qu’en 1369, et une petite communauté est mentionnée dès 1372.
Les juifs obtiennent un protection temporaire et un droit de résidence dans la ville jusqu’en 1424. Après cette date, ils sont bannis de la ville « pour l’éternité ».
Les juifs émigrent en majorité vers la Pologne et la Lithuanie. Leurs descendants ne reviendront à Cologne qu’au XIXe siècle et s’installeront dans le quartier de Thiebodsgasse.
Développement spirituel et intellectuel
Après la destruction de la communauté pendant la Seconde guerre mondiale, les fondations médiévales du quartier juif furent excavées, dont la synagogue et l’impressionnant mikveh. Ces recherches furent conduites par l’archéologue Otto Dopperlfeld entre 1953 et 1956. Aujourd’hui, le quartier juif médiéval fait partie de la zone archéologique de Cologne.
L’une des plus vaste bibliothèques juive du Moyen-Âge se trouvait à Cologne. En effet, après le massacre des juifs de York, en Angleterre, en 1190, un grand nombre de livres en hébreu furent acheminés et vendus à Cologne. Ces remarquables manuscrits sont aujourd’hui conservés dans des musées et des bibliothèques à travers le monde.
Cologne était également un centre d’apprentissage respecté. La mention « sage de Cologne » est fréquemment retrouvée dans la littérature religieuse. Les érudits du Talmud étaient réputés à Cologne pour leur ouverture d’esprit. Beaucoup de poèmes liturgiques du rite ashkénaze ont été écrits par des poètes de la ville.
Le cimetière juif de Cologne est mentionné dès 1096 et prenait environ 30000 m2. La plus ancienne tombe retrouvée à ce jour date de 1152.
Rive droite du Rhin : Le quartier juif de Deutz
Après l’expulsion, les rares juifs restés à Cologne s’établissent sur la rive droite du Rhin, à Deutz – aujourd’hui un quartier rattaché à la ville.
En 1633, on comptait 17 juifs à Deutz, et ce nombre reste stable jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. La communauté occupait un petit quartier de Deutz, entre Minderer et Hallenstrasse. Une synagogue, déjà mentionnée en 1426, fut endommagée pendant la dérive de glace du Rhin en 1784. On pense que le mikveh associé à la synagogue existe toujours sous les quais du pont Deutzer.
Entre 1786 et 1914, la synagogue fut ensuite remplacée par une autre, de taille plus modeste, à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui la rue Deutzer Freiheit. Pendant les travaux de construction du pont suspendu de Deutz en 1913, la synagogue fut abandonnée puis détruite.
La même année, pendant des travaux, un mikveh fut excavé. Les bains étaient directement reliés au Rhin.
Toujours sur la rive droite du Rhin, on a recensé des cimetières à Mülheim, à Zündorf, et à Deutz. Le cimetière juif de Deutz fut loué à la communauté à partir de 1695, et les premiers enterrements eurent lieu en 1699.
Quand, en 1798, les juifs furent autorisés à s’installer de nouveau à Cologne, la communauté continua tout de même d’utiliser son ancien cimetière jusqu’en 1918.
Les grandes synagogues de Cologne
Au XIXe siècle, en conséquence de l’expansion de la communauté, la famille Oppenheim fait don d’un bâtiment pour y construire une synagogue au 7 Glockengasse.
On compte à cette époque environ 1000 juifs à Cologne. Si, à l’époque médiévale le quartier juif était construit à proximité de la synagogue, les juifs sont, au XIXe siècle, mélangés au reste de la population, et vivent le plus souvent dans des quartiers périphériques. À la suite de la synagogue de Glockengasse, la synagogue orthodoxe de Apernstrasse ouvre en 1884, et la synagogue libérale de Roonstrasse en 1899.
La synagogue de Glockengasse fut construite, grâce au financement de la famille Oppenheimer, en 1857 par Ernst Friedrich Zwirner, également l’architecte de la cathédrale de Cologne. Elle fut détruite lors de la nuit de Cristal. L’opéra moderne de Cologne fut construit à son emplacement, vous y trouverez une plaque commémorative.
Construite entre 1895 et 1899, la synagogue de la Roonstrasse a connu le même destin. Elle a été reconstruite en 1959 en s’inspirant du style néo-roman originel. On y trouve aujourd’hui un centre communautaire, un restaurant casher et une exposition sur les juifs de Cologne.
L’épreuve de la modernité
L’organisation sioniste allemande avait son siège à Cologne, à Richmodstrasse. Le bureau était dirigé par l’avocat Max Bodenheimer et David Wolffsohn. Ce que l’on appelle la « Thèse de Cologne » fut adoptée -avec quelques ajustements- lors du Premier Congrès sioniste, sous le nom « Programme de Bâle« .
Environ 40% des juifs de Cologne avait immigrés en 1939. En mai 1941, la Gestapo parque les juifs de la ville dans le camp de concentration de Müngersdorf. Le 21 octobre 1941, le premier convoi part pour Lodz, le dernier pour Theresienstadt le 1er octobre 1944. Quand les troupes américaines occupent la ville le 6 mars 1945, une trentaine d’hommes juifs qui avaient survécus en se cachant sont retrouvés.
Sur le lieu de la zone archéologique de Cologne, un musée juif est en cours de construction depuis 2010. Le site, situé sous le Rathausplatz, mesurera environ 7000 m2 et retracera 2000 ans de présence juive à Cologne. Il devrait ouvrir ses portes en 2024.
En 2020, un tramway de la ville a été décoré de textes et symboles annonçant les célébrations de 2021 qui marquèrent les 1700 ans de la présence juive allemande. Avec en grand marqué « Schalomschen Koln ! » sur le véhicule.