France / Provence

Carpentras

Synagogue de Carpentras. Photo de Konradm – Wikipedia

Les juifs étaient présents dans la ville lorsqu’elle fut cédée à la papauté par le roi de France, en 1274. Au XIVe siècle, le quartier juif abritait quatre-vingt-dix familles et se trouvait rue Fournaque, près des remparts. En 1459, il fut mis à sac par une émeute qui fit soixante victimes ; la communauté fut obligée de se déplacer vers le centre-ville, rue de la Muse, qui devint la rue des Juifs ou carriere, fermée aux deux extrémités par des portes. Les juifs du XIVe siècle vivaient essentiellement du commerce des produits agricoles et du prêt. Un recensement de 1473 révèle que soixante-neuf familles juives vivaient à Carpentras. En 1523, le pape Jacob Sadoleto imposa des restrictions supplémentaires à leurs activités et la communauté se réduisit considérablement. Après les expulsions de 1570 et 1593, elle ne comprenait plus que quelques familles mais, lorsqu’en 1669 les petites communautés du Comtat venaissin furent regroupées dans les quatre carrieres, elle comptait à nouveau quatre-vingt-trois familles, soit 298 personnes.

De nouvelles restrictions furent imposées tout au long du XVIIIe siècle. La construction de la synagogue fit notamment l’objet d’un long conflit. Commencés en 1741, pour faire face à l’augmentation du nombre de fidèles, les travaux de construction avancèrent rapidement. Mais, en 1757, l’évêque obtint de Rome l’autorisation de ramener ses dimensions à celle du Moyen Âge: avec l’aide de maçons, il procéda lui-même à la démolition. Les juifs protestèrent. Le conflit dura jusqu’en 1784. À cette date un compromis fut trouvé sur des dimensions acceptables. À la fin du XVIIIe siècle, la communauté comptait environ 2000 membres. La majorité vivait pauvrement, voire dans la misère. Il y avait toutefois quelques riches, comme Jacob de la Roque ou Abraham Crémieux. Pendant la Révolution, la synagogue devint la salle de réunion des Jacobins. Elle redevint un lieu de culte en 1800.

La communauté de Carpentras produisit peu d’intellectuels de renom: des médecins et des poètes, essentiellement. La Reine Esther, pièce écrite par Mardochée Astruc de Carpentras et Jacob de Lunel au XVIIIe siècle, inspira l’Esther de Carpentras, opéra comique dont Armand Lunel rédigea le livret, qui fut présenté à Paris en 1938.

La synagogue fut classée monument historique en 1924. Un escalier monumental mène à la salle de culte, qui s’étage sur deux niveaux: la salle de réunion avec le tabernacle et la galerie-tribune avec la tévah. La décoration intérieure est remarquable : vous admirerez le plafond de couleur bleue, émaillé d’étoiles, les lambris de bois à panneautage, le décor doré du tabernacle, les colonnes supportant la tévah, le fauteuil du prophète Élie, les lustres et les chandeliers. Au sous-sol, les éléments de la construction médiévale sont encore en place: le four à pains azymes, le mikveh, la salle de prière réservée aux femmes où un rabbin spécialement désigné conduisait les prières en judéo-provençal (judéo-comtadin).


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