En France, l’histoire des communautés juives se caractérise par une étonnante diversité au fil des époques et des lieux. Entre les communautés rançonnées par le pouvoir dans les terres formant le cœur du royaume (Paris, Rouen), les riches heures des séfarades du Comtat venaissin (Carpentras, Cavaillon) et les communautés villageoises d’Alsace (Marmoutier, Bischheim), il serait vain de chercher une cohérence ou une aventure commune. Chacune de ces grandes régions a connu, au gré des aléas politique et des mouvements de l’histoire, des judaïsmes aux destins différents.
En l’an 70, après la destruction du Temple de Jérusalem, l’empereur romain Vespasien fit embarquer des prisonniers sur trois bateaux. Ces esquifs abandonnés échouèrent, le premier à Arles, le deuxième à Bordeaux et le troisième, qui remontait le Rhône, à Lyon. Ainsi se seraient crées, en Gaule, les noyaux des premières communautés juives.
Celles-ci connaissent un âge d’or : au XIe siècle, la Champagne est illuminée par la présence et l’influence de Rachi, rabbi de Troyes. A la fois juge, rabbin, commentateur de la Bible et du Talmud, il reste l’une des grandes figures du judaïsme, et ses œuvres sont toujours passionnément étudiées.
Sous le règne de Charles VI, le peuple se plaint des charges trop lourdes qui pèsent sur lui et tourne sa colère contre les juifs coupables de tous les maux : des nombreuses demeures sont saccagées et pillées. Peu de temps après, le 3 novembre 1394, le roi met un terme au désordre en expulsant tous les juifs de ses Etats. Cette décision sonne le glas d’une réelle présence juive dans le royaume de France jusqu’à la Révolution française.
En janvier 1790, les juifs « portugais » du sud de la France remettent leur adresse à l’Assemblée constituante et obtiennent gain de cause : ils deviennent citoyens français. Les communautés d’Alsace-Lorraine ne bénéficient de ce privilège qu’en septembre 1791.
Désireux d’organiser un peu cette communauté aux multiples facettes, Napoléon réunit un « Grand Sanhédrin » qui rassemble rabbins et laïcs. Au programme de cette assemblée, l’urgence de « faire considérer aux israélites le service militaire comme un devoir sacré ». En même temps, l’empereur crée le Consistoire central des israélites qui régit, aujourd’hui encore, la vie religieuse des juifs de la nation.
Dès 1831, le culte israélite est officiellement reconnu : ses ministres sont dès lors rétribués par le Trésor public, situation qui se prolonge jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, et qui perdure encore dans les « départements concordataires » (ceux de l’Est occupés par les Allemands entre 1870 et 1918).
Au milieu du XIXe siècle, se développe le mouvement de l’émancipation des juifs. Certains d’entre eux parviennent à entrer à l’Institut, au Collège de France, au Parlement. Les communautés construisent leurs grandes synagogues dans un style néo-roman mâtiné d’orientalisme. Cette époque est aussi marquée par l’antisémitisme politique prôné par Edouard Drumont, qui trouve son expression la plus criante avec l’affaire Dreyfus, divisant le pays de 1894 à 1906.
Au XXe siècle, les immigrations de l’Est transformèrent le visage du judaïsme français. Vinrent ensuite les années noires de l’occupation nazie. Quelque 76 000 des 300 000 juifs que comptait la France fut exterminés dans les camps de la mort avec la collaboration du régime de Vichy. Après la guerre, l’arrivée dans l’Hexagone des juifs d’Afrique du Nord insuffla une vitalité nouvelle à la communauté. En l’absence de véritables statistiques, on estime aujourd’hui le nombre de juifs de France à 475 000 ; la moitié réside à Paris et en région parisienne.