
La présence juive en Sicile semble dater depuis au moins deux milles ans. Certaines traces archéologiques et le vécu de personnalités de l’époque comme l’historien Caecilius de Calacte en attestent.
Les différentes conquêtes de l’île, notamment par les Arabes, les Normands le long des siècles évoquent leur présence également. Qu’il s’agisse des villes de Palerme, Syracuse, Naso, Messina ou Catane.
En 1171, Benjamin de Tudèle mentionne dans son célèbre carnet de voyage l’existence de communautés juives dans les villes de Palerme et Messina.
Au 14e siècle, Frederick II (1296-1337) protégea les juifs face aux persécutions des Croisades et menaces religieuses, leur permettant aussi d’exercer différents métiers, notamment dans le traitement de la soie. Néanmoins, ils ne furent pas autorisés à en pratiquer dans le domaine de la médecine ou la gouvernance. Frederick III accorda une protection similaire aux juifs face aux menaces religieuses.

De la fin du 14e siècle à 1474, la situation des juifs s’améliora, notamment avec la levée des restrictions professionnelles et urbaines.
Néanmoins, en cette année-là 360 juifs furent massacrés dans la ville de Modica. Et probablement près de 500 à Noto. L’enchainement de violence se poursuivit, malgré la tentative occasionnelle de dirigeants de les protéger.
Suite aux mesures prises par l’Inquisition en Espagne, les 30 à 40000 juifs de Sicile furent contraints de quitter l’île lorsqu’un décret fut publié en 1493.
La plupart partirent, certains se convertirent et d’autres vécurent en marranes. Il y avait alors une cinquantaine de communautés, dont la plus grande fut Palerme avec 5000 juifs.

Peu de juifs retournèrent depuis, malgré quelques tentatives au 18e siècle principalement. On estima ainsi qu’en 1965 seuls une cinquantaine de juifs y habitèrent. Néanmoins, des recherches contemporaines témoignent du grand nombre de Siciliens ayant probablement des origines juives.
Un regain d’intérêt pour le patrimoine culturel juif de l’île se manifesta lors de la découverte d’un mikveh en 1987 dans la ville de Syracuse. Surtout que le mikveh fut très bien préservé du temps. Le rabbin Di Mauro, qui naquit en Sicile avant d’émigrer vers les Etats-Unis, retourna sur l’île en 2007 et remis sur pieds une vie juive.
Dans les années 2000, des associations commencèrent à organiser des festivités, recherches et conférences à Palerme, notamment par l’Institut italien d’études juives, afin de mettre en lumière l’histoire juive de Sicile. Cela en lien avec la communauté juive de Naples, la principale du sud de l’Italie.

Le Sud se distingue fortement du reste de la péninsule italienne en raison de la présence juive brutalement interrompue par l’expulsion de 1510, car cela se reflète dans le patrimoine archéologique assez exigu.
La communauté juive orthodoxe aujourd’hui n’existe pas en tant que telle en Calabre, car il y a peu de pratiquants et quelques dizaines sont sur le chemin du retour ou de la conversion au judaïsme. Pour cette raison, la Calabre dépend de la communauté de Naples, mais elle est riche en histoire du judaïsme. Il est cependant venu des États-Unis un souffle nouveau grâce à une juive progressiste, le rabbin Barbara Aiello, américano-calabraise, bien décidée à contribuer à la résurgence des anusim, les descendants des juifs du sud contraints à la conversion au début du XVIe siècle. En 2007 elle a créé la synagogue Ner Tamid (la lumière éternelle) à Serrastretta (province de Catanzaro), dans le but de faire revivre ce judaïsme calabrais qui, depuis des siècles, existe bel et bien à l’état latent et qui ne demandait que cela sous le soleil du sud de l’Italie.

Une présence historique qui est actuellement documentée, pour les différentes localités calabraises, par le blog et page Facebook, Jewish Calabria – Cultura e retaggio ebraico.
De toute cette histoire calabraise, nous rappelons que Shabbetay Donnolo, célèbre médecin et philosophe, a opéré à Rossano vers l’an 1000 ; qu’à Reggio Calabria, le 5 février 1475, fut imprimé le commentaire de Rachi sur le Pentateuque, premier ouvrage en hébreu avec indication de la date. De plus, les parents du grand kabbaliste Hayim Vital, connu sous le nom de « il Calabrese », étaient originaires de la région.
Il convient de noter que la synagogue du IVe siècle de Bova Marina, riche en mosaïques, la plus ancienne d’Occident après celle d’Ostia Antica, est témoin d’une communauté florissante. Des preuves archéologiques de la diaspora juive peuvent également être vues au Musée Archéologique National de Reggio Calabria, à l’Antiquarium Leucopetra di Lazzaro, un hameau de Motta San Giovanni, à Vibo Valentia, et au Musée Archéologique National de Scolacium à Roccelletta di Borgia.

De nos jours, dans la province de Cosenza, on trouve à Ferramonti ce qui reste du camp de concentration pour juifs étrangers, construit pendant la dernière guerre mondiale. Sur la Côte des Cédratiers (entre Tortora et Cetraro, concentrée autour de ‘Santa Maria del Cedro’), chaque année, au mois d’août, des rabbins du monde entier viennent récolter les excellents cédrats de Calabre qui font partie intégrante des célébrations de la fête de Souccot.
À Cosenza, pour la récurrence de la Fête juive des Lumières, un majestueux candélabre est allumé publiquement à Largo Antoniozzi, dans le centre historique, à proximité de l’ancien quartier juif. De plus, le Festival de la cuisine casher en Calabre a été inauguré en 2019.
Une curiosité : à Reggio de Calabre, le touriste pourra se promener tout le long d’une très belle rue dédiée à Aschenez (arrière-petit-fils de Noé) qui, selon une légende, aurait fondé cette belle ville qui plonge son regard charmeur sur la Méditerranée.
Texte de Riccardo Guerrieri
Rencontre avec Vincenza Triolo, conservatrice et créatrice d’un site dédié au patrimoine juif calabrais.
Jguideeurope : Estimez-vous qu’il y a un regain d’intérêt pour le patrimoine culturel juif calabrais ?
Vincenza Triolo : Oui, assurément. Toutefois on doit remarquer aussi que, dans certains cas, il ne s’agit de rien d’autre que d’une curiosité passagère et, malheureusement, dans d’autres, on peut assister à des phénomènes de marketing culturel, à la recherche d’un nouveau business régional dont les profits reviendraient aux personnages habituels qui exploitent les ressources de la région au détriment de tous ceux qui souhaitent intervenir honnêtement sur le territoire.
Ce regain a commencé à se manifester quand ?
Depuis environ deux décennies, les activités de promotion, de diffusion et de valorisation de la culture et du patrimoine culturel juif calabrais se sont intensifiées. La publication de nouvelles recherches a favorisé une prise de conscience quant à la présence juive en Calabre, au fil des siècles, et, par conséquent, de son impact sur l’histoire même et sur le destin des villages calabrais.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer le site et que propose-t-il ?
En 2013, lorsque j’ai vu, pour la première fois, à l’Antiquarium de Leucopetra, la lampe à huile (“lucerna”) avec sa Menorah imprimée, j’ai eu comme un sentiment étrange de familiarité avec cet objet. C’est ce qui m’a poussée à partir à la recherche de quelque chose, sans savoir quoi précisément. Je suis moi-même chercheuse et experte dans le domaine du patrimoine culturel et assez rapidement j’ai effectué des découvertes concernant le patrimoine culturel juif calabrais. Ainsi, j’ai été contactée par le Dr. Roque Pugliese, responsable du District de Calabre pour la Communauté juive de Naples au sein de l’UCEI, avec qui j’ai commencé à collaborer. Le besoin s’est bientôt fait sentir de commencer un blog et des pages Web où je pourrais travailler dans le respect des règles, mais sans restrictions pour les besoins des autres. Ainsi est né le blog “Calabre juive – Culture et patrimoine juif” pour partager toutes les informations possibles dans ce domaine. Mon but principal consistait d’une part à faire prendre conscience aux populations locales de l’apport de la culture juive aux caractères identitaires calabrais, mais aussi de contribuer concrètement à faire revivre la présence juive en Calabre, et à briser les préjugés.

Quel endroit méconnu de ce patrimoine mérite plus d’attention ?
Difficile de répondre. En fait, je crois que tous les sites d’intérêt culturel le méritent, ainsi que les objets liés au patrimoine culturel exposé dans les différents musés calabrais ou encore les vestiges d’anciens quartier juifs (“giudecche”). Mon site offre d’amples présentations (en français aussi) de tous les sites actuellement répertoriés et ma page Facebook donne des informations presque quotidiennes, en langue italienne, sur toutes les découvertes et les manifestations concernant la présence juive en Calabre (et en diverses régions d’Italie).
Pouvez-vous partager une anecdote avec un visiteur qui vous a particulièrement ému ?
La plus belle anecdote est liée à une visite d’une dame à Bova Marina, au Parc Archéologique de San Pasquale, là où demeurent les restes de l’ancienne Synagogue. Cette dame, après une visite guidée, m’a dit : “Merci, ici mon âme ressentait des vibrations particulières ; je me sentais chez moi ». Ces dires m’ont énormément émue !

La présence des juifs en Lorraine date au moins de la période des Carolingiens. Au Moyen-Age, les principaux documents administratifs retrouvés relatant cette présence sont principalement liés aux expulsions. Dans les villes de Metz, Verdun, Toul, Nancy, Lunéville, Sarreguemines…
Le premier grand personnage juif étant Gershom Ben Yehouda, qui nait à Metz en 960.
Dans les siècles suivants précédant la Révolution française, des allers-retours s’effectueront suivant les autorisations de s’établir et les accusations en tous genres et expulsions. Ainsi, la ville de Boulay posséda une synagogue au 17e siècle. En 1733 on dénombre 180 familles juives dans la région.

Un rabbin fut officiellement nommé trois ans plus tard. Dans les années 1780, des synagogues furent construites à Lunéville et Nancy. Parmi les acteurs importants de l’émancipation des juifs de la région à l’époque Isaac Behr et bien sûr l’Abbé Grégoire.
Lors de la Révolution française, on comptabilisa 500 familles juives en Lorraine dont 90 à Nancy. Deux consistoires centraux virent le jour à Metz et Nancy. Ces deux villes comptabilisant respectivement 6500 et 4200 juifs, en accueillirent la grande majorité de la région. Des synagogues furent ensuite construites à Epinal, Phalsbourg, Sarreguemines, Toul et Verdun.
Suite au conflit de 1870, de nombreux réfugiés juifs d’Alsace et de Moselle rejoignirent la Lorraine. La population juive augmenta graduellement jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les fuites et le grand nombre de morts de la région pendant la Shoah réduisit drastiquement ce nombre.
La venue de quelques centaines de familles juives d’Afrique du Nord dans les années 1960 permit de contribuer à la reconstruction de la vie juive dans la région après la guerre. Les juifs de Lorraine vivent principalement aujourd’hui dans les villes de Metz, Nancy, Sarreguemines, Thionville, Lunéville, Forbach, Epinal, Sarrebourg et Sain-Avold.

La Route médiévale de Rachi en Champagne, nouvel itinéraire de la Route du Patrimoine juif du Conseil de l’Europe
Par Delphine Yagüe – CulturistiQ Laboratoire culturel – chef de projet RMRC
Au cœur de l’Aube, l’ancien comté de Champagne, riche et puissant, comptait de prestigieuses communautés juives médiévales prospères du XIe au XIIIe siècles : Troyes, Ramerupt, Dampierre, Villenauxe, Lhuître, Ervy-le-Châtel, Chappes, St-Mards-en-Othe, Bar-sur-Aube, Mussy-sur-Seine, Brienne, Plancy, Trannes… En dehors de l’actuel Département de l’Aube, il comprenait également d’autres communautés juives à Vitry, Provins, Joinville, Sens ou Château-Thierry… Après Rachi, né à Troyes en 1040, de nombreux érudits installés à l’origine dans les villages de Champagne, se réclament de son École champenoise et influencent les autres communautés juives dans l’interprétation de la Bible et du Talmud.

Le nom du prestigieux comté de Champagne se propage alors dans toutes les communautés juives d’Occident à travers eux. Leurs commentaires et leurs décisions juridiques sont les uniques témoignages de cette époque, attestant d’une activité intellectuelle intense et d’une vie juive locale florissante. La langue natale des Juifs de Champagne est le champenois, dialecte de la langue d’Oïl. Ils parlent et connaissent mal l’hébreu. Aussi, dans leurs commentaires, les Sages des communautés juives traduisent souvent des mots hébreux en champenois et y décrivent des situations de la vie quotidienne. Une méthode qui facilite l’accès à la lecture et à l’étude des textes sacrés. Ils nous transmettent ainsi les mots d’une langue vivante oubliée et de très nombreux témoignages sur la vie locale de l’époque : métiers, vêtements, faune, flore, relations entre Juifs et chrétiens, organisation du comté…

Ce sont les gendres et petits-fils de Rachi qui fondent l’école des Tossafistes. Elle rayonne d’abord depuis le village de Ramerupt jusqu’en 1146. Dampierre puis Sens – alors située dans le comté de Champagne -, en reprennent ensuite le flambeau. Lorsque le comté entre dans le royaume de France entre 1285 et 1305, Paris en devient l’épicentre. Grands pédagogues, Rachi et les Tossafistes utilisent parfois des dessins et décrivent leur quotidien dans leurs commentaires, afin de mieux expliquer les lois et les concepts des textes sacrés. Ainsi ils donnent de nombreuses informations sur les outils et les techniques permettant de travailler la vigne et de produire du vin, mais aussi de fabriquer du pain, de travailler le verre ou de construire des maisons ou des puits. Ils sont de véritables passeurs d’histoire et nous lèguent sans le savoir des éléments fondamentaux qui font aujourd’hui la richesse patrimoniale exceptionnelle de l’Aube et en particulier la culture de la vigne, l’élaboration du vin (de Champagne) et l’art du vitrail !

C’est l’histoire de cette forte présence juive et des interactions et relations quotidiennes, intellectuelles et économiques fructueuses et originales entre Juifs et Chrétiens que la Route Médiévale de Rachi en Champagne cherche à promouvoir depuis 2019. Cette Route, nouvel Itinéraire Culturel Européen intégrant la Route du patrimoine juif du Conseil de l’Europe, a pour mission de faire rayonner la mémoire juive du Département de l’Aube, patrimoine culturel d’une valeur inestimable partagé par les juifs du monde entier et patrimoine historique d’un territoire de tout premier plan – l’ancien comté de Champagne – au rayonnement national et international.
Pour dynamiser le territoire, elle met actuellement en œuvre de nombreux projets pour créer une offre culturelle et touristique globale autour de l’histoire des anciennes communautés juives de Champagne à Troyes, dans les villages de l’Aube et au-delà. Un défi difficile dans le cadre de la valorisation d’un patrimoine culturel immatériel, mais passionnant et fédérateur autour de nombreux acteurs locaux, nationaux et internationaux parmi les collectivités, associations et scientifiques. Au programme à venir très rapidement : animations touristiques sur le territoire, programme d’expositions, signalétique, création de nouveaux dispositifs de visite… A découvrir pas à pas, sur la page du Comité départemental de l’Aube porteur du projet.

En 1815, une communauté juive d’Afrique du nord, dont les ancêtres avaient été expulsés d’Espagne, s’installe aux Açores. L’île est exemptée de taxes, et la communauté est autorisée à pratiquer l’import et la revente aux commerces locaux. En 1820, la révolution libérale au Portugal mène à une plus grande liberté de culte dans le pays.
En 2004, une étude génétique conclut que 13,4% des açoréens est d’origine juive, prouvant ainsi l’importance et l’ancienneté de la communauté sur l’île. On compte en effet trois périodes d’implantation juive dans les Açores.
La première date du XVe siècle -on pense qu’une petite communauté serait arrivée avec les premiers pionniers. La deuxième, déjà mentionnée, du premier quart du XIXe siècle. La troisième correspond à la Seconde Guerre mondiale : des juifs Allemands et Polonais réussirent en effet à trouver refuge sur l’île.. À ces trois périodes, le commerce était l’activité principale des juifs des Açores.

La présence juive est officiellement documentée en 1818. En 1848, on recense 250 juifs. La majeure partie de la communauté vivait la Ponta Delgada.
Loin de tous les centres de la vie juive européenne, dans une synagogue longtemps laissée à l’abandon, la Fondation pour l’Héritage Açoréen s’est donnée pour mission de faire connaître l’histoire de la communauté de Sha’ar HaShamaim (les Portes du Paradis), qui fut établie à Ponta Delgada en 1821 par une petite communauté juive marocaine.
La synagogue a été rénovée et, pendant la restauration, la geniza excavée. On y compte une cinquantaine de grandes boîtes déposées aux archives municipales de Ponta Delgada.
Grâce à la lecture des documents contenus dans la geniza, les contours de cette communauté se dessinent plus précisément. La documentation commerciale et communale confirme que la communauté tirait majoritairement ses profits du commerce, et était dominée par quelques familles aisées. La communauté était également distinctivement nord africaine, mais très orientée vers l’Europe. Des lettres évoquent des échanges commerciaux de textiles avec Liverpool, Lisbonne, ou encore Hambourg.
La communauté a survécu des générations, mais, dans les années 1940, en raison de l’émigration et des conversions, elle ne parvenait plus à rassembler un minyan.
En 2009, la communauté juive de Lisbonne a fait don pour 99 ans du bâtiment qui abritait la synagogue à la municipalité de Ponte Delgada, en échange de la garantie de la restauration et du bon entretien de ce lieu. En février 2014, sur l’île de San Miguel, la restauration de la synagogue Sha’ar HaShamaim fut entreprise. Construite vers 1820, et consacrée en 1834, la la synagogue construite après l’Inquisition la plus ancienne du Portugal. Ce lieu de culte dont les derniers offices remontent aux années 1950, est situé au premier étage d’un bâtiment qui abritait également la maison du rabbin. Le bâtiment est étroit, et ses murs et son mobilier -dont l’Arche et la bimah- sont en bois. La synagogue restaurée accueille un musée et une bibliothèque.
Notez qu’on trouve des cimetières juifs sur les îles de San Miguel, Terceira et Faial.
Certaines recherches datent la première présence de communautés juives en Anatolie occidentale au VIe siècle avant Jésus Christ. Lors des fouilles archéologiques des zones d’habitation des villes antiques de la région, de nombreuses preuves de l’existence de communautés juives ont été retrouvées, notamment dans les villes de Pergame, Aphrodisias, Smyrne, Ephèse, Priène, Milet, Magnesia, Thyateria, Sardes, Appolonia, Apia, Hiérapolis. Dans ces villes des inscriptions en hébreu ou des objets de culte ont été retrouvés, ainsi que les traces de synagogues.
Les plus anciennes découvertes remontent à l’hégémonie perse en Anatolie, soit entre les VIe et IIIe siècle avant Jésus Christ. La présence juive aurait donc commencée à cette période et se serait poursuivie sans interruption lors des époques hellénistique, romaine, byzantine, ottomane et sous la République turque.
Sources : Dr. Siren Bora
On sait peu de choses sur l’histoire des Juifs dans l’Armorique gallo-romaine avant le Concile de Vannes qui, vers 465 légifère sur leurs relations avec les clercs.
Leur établissement ancien et durable, en Bretagne, est toutefois attesté au XIIIe siècle, à Rennes, à Fougères et, surtout, à Nantes. L’antijudaïsme qui marque les croisades aboutit après une période de pillages et de meurtres, à leur expulsion du Duché (ordonnance de Ploërmel, 10 avril 1240). Il faut attendre le XVIIe siècle et surtout le XVIIIe pour retrouver trace de leur présence à Nantes, mais aussi à Saint-Malo et à Rennes fréquentant les grandes foires de Bretagne.
Devenus citoyens français, les Juifs connaissent au XIXe siècle, une longue période de vie paisible. Très peu nombreux, ils ne sont guère plus de deux cents dans toute la Bretagne, mais forment cependant des communautés dynamiques à Brest et à Nantes où en 1871, est inaugurée la première synagogue de Bretagne. Les violences antisémites de 1898 et de 1899, (année du second procès Dreyfus à Rennes) n’épargnent pas la région. De grands universitaires enseignaient alors à Rennes : Henri Sée, Victor Basch ce dernier fut fondateur (le 22 janvier 1899) de la section rennaise de la ligue des Droits de l’Homme qui, en dix ans passa de 21 membres à plus de 600.
La présence de Juifs au moment de la Deuxième Guerre Mondiale est authentifiée par les plaques commémoratives installées dans le centre communautaire, rappelant les noms des 70 familles déportées d’Ille et Vilaine : 131 (250 disparurent pour l’ensemble de la Bretagne).
C’est au début des années 1960 que la communauté juive de Rennes s’est constituée sous une forme organisée avec principalement des familles juives d’Afrique du Nord auxquelles se sont jointes quelques familles ashkénazes dont des rescapés des camps d’extermination.
En 1963 une première association a vu le jour présidée par Monsieur Rozenfeld qui organisa des rencontres chez lui et qui organisa le premier office de Yom Kippour. Par la suite, à chaque Yom Kippour, la salle des Beaux Arts était louée pour héberger les offices conduits par un officiant venu de Paris avec un Séfer.
A la fin de l’année 1969, l’activité sans relâche d’un groupe d’amis réunis autour de Monsieur Henri Ohana aboutirent à l’inauguration du premier local attribué par la municipalité à notre communauté désormais sous la présidence de Monsieur Jacques Habib. On obtint du maire Monsieur Henri Fréville un très petit local puis un second local moins exigu toujours dans le quartier de Maurepas.
Plus tard, la municipalité accorda un appartement dans la maison de quartier de Maurepas où il fut possible d’aménager la première synagogue digne de ce nom et qui hégergea la communauté pendant une vingtaine d’années.
Au vingt et unième siècle, les efforts conjugués du Maire, Monsieur Edmond Hervé, de la Fondation Safra, de la communauté juive et de son président Monsieur Bernard Lobel ont conduit à l’édification d’un véritable centre culturel et cultuel, le centre Edmond J.Safra, qui fut inauguré le 20 janvier 2002.
(Source : Association Culturelle & Cultuelle Israélite de Rennes)
Par sa position géographique et la présence des ports de Brindisi, Otranto, Bari, Trani et Barletta, la région des Pouilles a longtemps été un point de transit pour les juifs émigrant vers Israel. Ce point de passage a donc fait des Pouilles un lieu de prédilection pour la diaspora d’Europe occidentale.
La première évocation des Pouilles juives est celle du commentateur de la Bible Rabbi Akiva (17-137) : en route depuis Jérusalem vers Rome pour plaider la cause des juifs à l’occupant Romain, il fait escale au port de Brindisi et le mentionne dans son journal.
Si les premiers juifs à s’être installés dans les Pouilles arrivaient directement de Palestine -exilés de Jérusalem, vinrent les y rejoindre rapidement les communautés des Balkans, d’Espagne, du Portugal, de France, d’Europe centrale et des autres régions d’Italie. Ce mélange des cultures a crée une communauté unique en son genre en Europe occidentale.
La culture juive des Pouilles étaient tenue en haute estime au Moyen-Âge. Le rabbin français Rabbenu Tam compare même au XIe siècle Bari et Otranto à Jérusalem : « La Torah rayonnera depuis Bari et la parole de Dieu depuis Otranto ».
Des grandes figures, comme l’illustre physicien et philosophe Sabbatai Donnolo, natif d’Oria, et les travaux d’autres grands auteurs juifs de la région révèlent cet extraordinaire brassage des cultures de la société des Pouilles médiévale. Les traces de ce multiculturalisme en Italie du Sud sont évidentes dans les commentaires du Pentateuch (Sefer HaHadash) dont on pense qu’ils ont été compilés à Naples à la fin du XVIe siècle. L’un des thèmes centraux de ces annotations concerne les migrations des peuples et mentionne la population juive des Pouilles et leurs relations aux pères fondateurs de Rome. Cette tendance a créer des parallèles entre cultures montre bien que les juifs d’Italie du Sud n’étaient pas fermés aux autres peuples et que leurs capacités d’adaptation étaient considérables.
Une illustration intéressante du multiculturalisme distinctif des Pouilles médiévales peut être admiré dans les mosaïques qui ornent le sol de la cathédrale d’Otrento, oeuvre d’un moine byzantin du XIIe siècle. L’artiste a fusionné les éléments de la Bible et d’autres histoires juives, les mêlant à des références néo-platoniciennes et aristotéliciennes qui elles-mêmes coexistent avec des éléments mythologiques ou encore celtiques. Réalisée à l’époque de la conquête normande, cette oeuvre est un hommage à la capacité byzantine de synthèse culturelle, adoptée tant bien que mal par les nouveaux occupants.
Après la conquête normande, la vie des juifs des Pouilles rejoint l’histoire générale de la communauté italienne. On notera cependant un bref « renouveau » forcé de la vie juive de cette région après la Seconde Guerre mondiale. Entre la fin du conflit et l’indépendance de l’État d’Israël, des milliers de réfugiés d’Europe centrale et de l’est ainsi que des Balkans, en grande majorité survivants de la Shoah, seront placés dans des camps de transit des Nations Unies. Pour les empêcher de gagner la Palestine, les Forces Alliées les établissent dans les villes de Santa Maria al Bagno, Santa maria di Leuca, Santa Cesarea, Tricase, Bari ou encore Barletta où ils rejoignent tout de suite les organisations communautaires, écoles religieuses et partis politiques existants. La majorité de ces réfugiés a cependant quitté les Pouilles pour Israel dès que cela leur fut autorisé. Source : Fabrizio Lelli, « Judaism in Puglia as a Metaphor for Mediterranean Judaism ».
Interview de Sara Brownstein, directrice de HaShorashim, qui organise des voyages en Europe et en Israël, permettant de se reconnecter avec le patrimoine culturel juif et qui revient récemment d’un grand voyage aux Pouilles.
Jguideeurope : Pourquoi avoir choisi de visiter les Pouilles ?
Sara Brownstein : Nous sommes toujours intéressés de « remonter le temps » et trouver des traces de présence juive quelque part. Nous avions la preuve par nos textes d’une présence juive en Italie datant de plus de 2000 ans. Yehouda Maccabi (dont nous fêtons la victoire sur les Grecs à Hanoukka) y avait en effet envoyé son frère négocier le support de Rome dans sa révolte contre les Grecs. On trouve trace de nombreuses communautés dans le Sud de l’Italie datant de cette époque. Ce qui nous a séduit était de construire, comme nous aimons le faire, un itinéraire dans une région peu connue, hors des sentiers battus, loin des villes du Nord de l’Italie et de leurs ghettos juifs beaucoup plus touristiques comme ceux de Rome ou de Venise.
Mais cette région est aussi le lieu où tout un village d’Italiens se convertit au judaïsme en pleine montée du fascisme. Les Juifs de San Nicandro, du nom de leur village, ont inspiré bien des livres. Nous avons d’ailleurs rendu visite à leurs descendants, une rencontre bien émouvante.
Les régions méconnues rendent le déplacement difficile pour ceux qui ne mangent que casher car aucune structure n’existe pour les recevoir et accommoder leurs besoins. Aussi, nous avons effectué un voyage pilote, fait des repérages, organisé la logistique et avons été enchantés par ces paysages et la gentillesse des habitants qui sont trop souvent “snobés” par leurs compatriotes du Nord. Nous avions donc le tiercé gagnant pour nous lancer !
Comment s’est déroulé le séjour ?
Les gens étaient particulièrement accueillants et aussi très émus par le nombre de nos participants. Ils n’ont guère l’habitude des touristes. Nous étions près de 60 personnes et il était parfois difficile de trouver assez de place pour tous, qu’il s’agisse d’une promenade en bateau, de la visite d’un musée ou encore d’un restaurant qui avait accepté que nous « casherisions » sa cuisine ! Tous étaient fiers de nous montrer leur région. Nous avons axé nos visites, comme nous en avons l’habitude, sur le thème des « tribus perdues », sur la trace de nos frères juifs, ce qui est le fil conducteur de tous nos voyages. Mais nous visitons également les sites incontournables comme ici dans les Pouilles, la petite ville de Alberobello, digne de contes et légendes ou encore les magnifiques grottes de Castellana.
Nous avons fait partout l’objet de beaucoup d’attention. Les Italiens, du moins ceux-ci, sont traditionnalistes et pratiquants. Ils se rendent à la messe en famille, puis vont déguster une glace tous ensemble, grands-parents et adolescents bras dessus, bras dessous. Aussi, lorsqu’ils nous demandaient d’où nous venions et que nous leur répondions Israël, ils en étaient émus aux larmes. Des voyageurs venant de la Terre Promise ! Nous avons d’ailleurs gardé contact avec nos hôteliers et ceux qui nous ont servis de guides localement.
Quel lieu vous a particulièrement marqué ?
La prière de Shabbat dans la synagogue de Trani construite en 1234 fut un moment fort. Nous avions convié les descendants juifs de Trani et ceux de Lecce à se joindre à nous pour l’office et le déjeuner.
Mais l’histoire des juifs durant la Shoah est aussi surprenante et très émouvante. Lors de l’avancée des troupes alliées remontant le Sud de l’Italie vers le Nord du pays, les soldats ont pu libérer les camps d’internement notamment celui de Ferramonti et des milliers de juifs se sont retrouvés sur les routes. La Brigade Juive venant de Palestine (sous le Mandat Britannique) qui combattait aux côtés des Anglais, avait reçu l’ordre de les regrouper. C’est ainsi que ces hommes, femmes et enfants, dans un état de santé très précaire se sont retrouvés répartis dans quatre petits villages de pêcheurs de l’extrême Sud des Pouilles.
Leurs habitants, des gens simples et généreux, les accueillirent, partageant avec eux la maigre nourriture qu’ils possédaient et leur offrant la chaleur humaine dont ils avaient tant besoin. Nous avons eu la chance de rencontrer un homme qui avait alors 8 ans et qui se souvenait très bien de toute cette période. Il existe un beau musée à Santa Maria Al Bagno qui raconte cette incroyable histoire.
Le patrimoine culturel et historique juif est-il bien entretenu dans cette région ?
La région a conservé le souvenir de la présence juive. Un musée fascinant dans la ville de Lecce retrace le parcours de cette ancienne communauté. Il a été créé par un professeur d’université non-juif qui vous explique en détails notre histoire.
Un autre Italien a retrouvé, lors de travaux dans sa maison, des ruines qu’il n’a pu identifier tout de suite. Après avoir fait des recherches sur l’histoire de sa ville, Manduria, il a compris que sa maison était en fait une synagogue, avec un mikvé datant du Moyen-Age. Il a transformé son habitation en musée et est ravi d’y accueillir des visiteurs pour leur expliquer l’histoire des juifs de cette époque.
Il faut souligner que certains petits villages reculés des Pouilles ou de Sicile ont des traditions qui rappellent beaucoup les nôtres, comme celle par exemple de recouvrir les miroirs d’une maison lors d’un décès familial pendant 7 jours.
Quels sont les prochains voyages que vous prévoyez d’effectuer en Europe ?
Nous avons une forte demande pour refaire des voyages au Portugal et en Andalousie. Chaque nouvelle destination exige un gros travail de repérage et plusieurs mois de recherches pour fournir des explications lors de nos séjours mais également pour parvenir à faire « revivre » pour nos participants l’histoire de ces communautés. Mais si nous trouvons le temps, la Sicile est une destination fascinante car on y trouve des traces de communautés juives remontant à 2300 ans. Mais tout peut changer, il suffit d’un témoignage d’un habitant sur une coutume qui nous rappelle les nôtres pour nous ouvrir d’autres horizons et lancer notre programme HaShorashim (nos racines) dans de nouvelles aventures !